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lundi 31 janvier 2011

Interview avec Maurizio Quarello - (pas vraiment) Une promenade à Macerata


Je vous ai déjà parlé des livres de Maurizio Quarello ici et ici et, vu mes expressions, je crois mon admiration pour cet artiste de Piémont être bien évidente. Apparemment, en voyant tous les prix qu’il a obtenus, je ne suis pas la seule.

Eh bien, suite aux autres interviews que j’ai faites avec quelques enseignants d’Ars In Fabula, j’ai eu la chance d’interviewer Maurizio aussi, même si ce n’était pas à Macerata (dont le titre de ce billet). Bien que je n’étais pas entourée par les familiers perrons de Macerata, nonobstant l’absence de cette atmosphère enchantée qui règne dans la ville des Marche, je dois dire que faire la connaissance de Maurizio a tout de même comblé quelconque manque éventuel. En effet Maurizio, en plus d’être l’illustrateur qu’il est, est une personne très sympa aussi, capable de te mettre à l’aise sans trop de cérémonies. Rien ne paraît échapper à son regard perçant, pas un geste ou un mouvement et, en même temps, j’ai eu la sensation que tous les renseignements qu’il enregistre sont attentivement pondérés et classés, pour une éventuelle successive utilisation. Cet air méditatif, que de temps en temps paraît entièrement l’absorber, s’accompagne d’un esprit jouisseur et badin . Du reste, pour le comprendre pleinement, il suffit d’observer ses livres dès près.

Afin de mieux découvrir ce beau personnage, il vaut mieux passer à l’interview!

1 - Présentation personnelle

- Maurizio, y a-t-il un lieu spécial de ton enfance, un endroit auquel tu te sens lié même aujourd’hui?
Oui, c’est la maison de mes grands-parents en Monferrato. C’était la dernière maison du pays, avec des bois tout au tour, et naturellement notre passe-temps préféré c'était d’explorer les bois et les maisons abandonnées de la région.

Les Arbres Pleurent Aussi, Ed. Rouergue

- enfant, était-tu un bon lecteur? Dans ce cas quelles étaient tes lectures d’habitude?
Je lisais surtout des contes et j’aimais ceux avec les ogres, les diables et les sorcières.

quel est, s’il y en a, le premier livre dont tu te souviens?
Les premiers livres dont je me souviens avec netteté sont les « légendaires » Quindici. Un autre livre essentiel c’était "L'île au trésor" qui est l’un des livres que je continue à préférer.

- peux-tu nous raconter tes souvenirs liés au dessin?
J’ai découvert que j’aimais dessiner la dernière année d'école maternelle, je ne voulais jamais m'arrêter. Je dessinais des monstres, des chevaliers médiévales et des animaux, des aigles en particulier.


Croquis pour Barbe Bleue


2 - Le parcours vers l'illustration

- Quelles études as-tu fait?
Au lycée j’ai étudié graphique publicitaire, c’étaient des temps assez différents: on bossait en se basant sur les règles du Bauhaus, on dessinait encore le lettering à la main (!!) l’étude de la composition était essentiel, tout ce qui m’est très outil maintenant aussi. Après j’ai fait quelques années à l’Université, en Architecture, mais je n’ai pas pris de diplôme car je n’arrivais pas à passer les examens scientifiques. Mais je dois aussi avouer que ces études se sont révélés très outils après, dans mon métier d’illustrateur. Ensuite j’ai fait le Ied [Ndr. Institut Européen de Design] et fréquenté quelques cours d’illustration.

Storyboard de Barbe Bleue n. 1


Storyboard de Barbe Bleue n. 2


Storyboard de Barbe Bleue n. 3


- quand as-tu compris que tu aurais voulu devenir illustrateur?
En réalité je crois l’avoir toujours su, dès que j’étais enfant je souhaitais faire un métier ayant à faire avec le dessin. Ensuite, lorsque j’ai découvert l’édition pour enfants "à la Douzou" " je n’ai plus eu aucun doute que mon parcours devait être celui-ci.

- quels ont été tes premiers pas dans cette direction?
Je pense ce que tout le monde fait : plein d’entretiens à la foire et dans les agences de publicité, beaucoup de concours et, enfin, les premiers projets publiés.

y a-t-il eu des moments difficiles? Dans ce cas, comment vaincre les difficultés?
Ah oui, il y en a eus ! Après un an passé à dessiner, en préparant des projets qu’aucun éditeur ou directeur artistique voulait (sans en tirer un sou là dessus) j’avais pratiquement décidé de laisser tomber et de chercher un « vrai boulot ». Et puis, soudain, tout a changé, dans un mois j’ai su que j’aurais publié trois livres et dès ce moment ça a été un parcours tout en descente. Je crois que la seule manière de vaincre les difficultés c’est de travailler très dur, il faut être têtu et ne se laisser jamais aller aux premières difficultés.

3 - In-Depth sur l'illustration

y a-t-il des maîtres de l’illustration ou de la peinture, qui t’ont particulièrement inspiré dans les années?
Je devrais faire une liste infinie ! Pour les illustrateurs je me limite è mentionner les deux, à mon avis, les plus grands: Wolf Erlbruch et Michael Sowa. Si je dois nommer quelques-uns des grands Maîtres de la peinture qui m’ont inspiré (disons bien que je les ai plagiés sans pudeur) je peux dire: Bruegel, Bosch, Rosso Fiorentino, Giorgione, Grunewald, Leonardo, Friedrich, Dix, Grosz, Hokusai, Warhol, Goya, Degas, Hopper et dieu sait combien d’autres.

- de quelle manière les "autres" arts visuels rentrent-elles ton imaginaire, en admettant qu’elles en ont une?
Le grand cinéma a certainement une grande influence sur mon travail. Je regarde plein de films et ensuite il est naturel que je déverse tout cela dans mes illustrations. Il y a pourtant les coupes et les cadrages, les lumières, les couleurs et les personnages que je vois sur l’écran qui passent dans le papier.

Storyboard de Barbe Bleue n. 4


Storyboard de Barbe Bleue n. 5


- tes illustrations sont extrêmement variées, tu passes d’un registre illustratif à autre avec une grande aisance et avec des résultats surprenants, y a-t-il un style qui t’appartient davantage?
Je ne sais pas dire. Je dirais qu’il n’y a pas un style spécifique, être « reconnaissable » ne m’intéresse pas vraiment, et l’idée de faire toujours les mêmes choses me fait horreur. Je dirais que j’ai la tendance à avoir une approche grotesque et/ou ironique.

- et une technique d’illustration que tu préfères?
L’acrylique peut-être, bien qu’utilisé en plusieurs manières. Dernièrement j’ai aussi utilisé d’autres techniques telles que l’encre de chine, le crayon et l’huile et, je dois l'admettre, je me suis bien amusé. Mais si tôt que possible je voudrais faire des livres en xylographie et collage. Bon, j’en n'ai pas encore terminé!

Les Arbres Pleurent Aussi, Ed. Rouergue

- lorsque tu commences un nouveau projet, est-ce que tu suis un schéma précis ou plutôt tu te laisses transporter par l’inspiration?
Le premier impact pour moi est essentiel, un texte me doit donner tout de suite "la décharge", des images doivent se former aussitôt dans ma tête, des rapprochements de couleurs doivent naître et es personnages se doivent matérialiser.
Ce que je veux dire, enfin, c’est que le livre pour moi naît dans l’espace de cinq minutes ou à jamais.


Les Arbres Pleurent Aussi, Ed. Rouergue

- quel est, à ton avis, le défi le plus grand qu’il faut affronter afin d’illustrer un texte?
Arriver à trouver un point d’équilibre entre les mots et les images. Il y a des textes qui doivent être accompagnés par des images "en sourdine", d’autres (peut-être un peu plus faibles) qui doivent être soutenus et enrichis par l’illustrateur, il y a des fois où il est correct d’être un peu plus didactiques d’autres où il faut être décidément plus courageux dans la représentation de son point de vue.

- combien pèse-t-il le non dit dans l’illustration?
Beaucoup. Il est essentiel de faire allusion, de laisser deviner, de raconter même par symboles et renvois extérieurs.

- et l’espace blanc?
Énormément. Et dans la table et dans l’économie générale d’un livre. Il faut donner souffle et rythme, et l’alternance entre pleins et vides est l’instrument le meilleur pour l’obtenir.

4 - Tes derniers livres Barbe Bleue, Effets Secondaires et...

- j’ai eu la chance de parler de ta splendide version de Barbe Bleue, publiée par Milan Jeunesse. Il y a, dans tes illustrations pour ce texte plus qu’autre part, une qualité que j’oserai définir filmique, dans les cadrages, dans le mouvement que tu donne aux images. Suis-je correcte en le définissant un album en mouvement?
Oui c’est bien correct, ce livre plus que les autres doit beaucoup à ma passion pour le cinéma. J’ai utilisé plusieurs expédients cinématographiques, par exemple le contrechamp, afin de faire entrer le spectateur dans le livre.


Images tirées de Barbe Bleue, Copyright Milan Presse

- l'autre élément qui m’a frappé relativement à Barbe Bleue c’est l’utilisation de la couleur, ainsi que certaines reconstructions et les jeux de lumière que j’appellerais presque "Hopperiennes".
Hopper est l’un des maîtres que j’admire le plus et que je cite souvent dans mes livres. L’utilisation qu’il a de la couleur et la théorie des hombres qu’il a construite me fascinent énormément, je continue à étudier ses œuvres et je cherche de donner mon interprétation afin d’enrichir mes illustrations.

Image tirée de Barbe Bleue, Copyright Milan Presse


- certains des paysages me font aussi penser aux grands peintres romantiques de Grande Bretagne...
A vrai dire je me suis surtout inspiré au Romantisme allemand, et à Friedrich en particulier, et encore à Degas et encore des photos d’Atget.

Image tirée de Barbe Bleue, Copyright Milan Presse


- Après Barbe Bleue il y a eu Effets Secondaires, pour le Rouergue, avec un registre narratif totalement différent, combien conte-t-il pour toi de changer d’atmosphères? Passer du poétique au surréel?
Je dois admettre que pour moi il est fondamental de ne pas m’ennuyer, c’est aussi une bonne raison pour illustrer des textes et des thèmes différents car cela me force à me remettre en jeu, à expérimenter des nouvelles solutions et techniques. Et je continue à m’amuser.


Image tirée d'Effets Secondaires, Editions Rouergue


- dans Effets Secondaires tu as un style presque en bande dessinée, qu me fait penser un peu à Tintin pour certains aspects, pour l’utilisation du trait même si tu le "salis", pour le personnage à la mèche proéminente. Peux-tu nous dire quelque chose à propos de cet album dont tu es aussi l’auteur?
Et, en effet, j’aime beaucoup Tin Tin! J’ai voulu jouer un peu avec la manière de l’école franco-belge en travaillant sur le trait et les aplats. L'idée pour le texte, très simple à vrai dire, est née par hasard, le long d’un bavardage à propos de l’abus sur les médicaments. La structure est celle classique de la répétition avec la narration terminant avec le retour au point de départ.


Images tirées d'Effets Secondaires, Editions Rouergue


- Je sais que pour Orecchio Acerbo , tu es en train de travailler sur un projet inspiré à l’histoire de Rosa Parks. Peux-tu nous raconter quelque chose à ce propos?
Depuis quelques temps avec un ami écrivain, Fabrizio Silei, on pensait faire un livre ensemble, le long d’une foire il me parle soudain d’un texte sur Rose Parks et j’en suis fasciné tout de suite. Après cinq minutes je rencontre Fausta Orecchio qui me dit qu’il était bien le moment de faire un autre livre ensemble, je lui parle immédiatement de l’idée de Fabrizio et, presque à l’instant, sans même un texte définitif à la main, nous décidons de le faire. Tout cela dans moins d’un quart d’heure. Parfois les livres naissent ainsi, sous la bonne étoile. En effet il y a déjà plusieurs coéditions en programme et l’album va sortir en contemporain dans plusieurs pays.
Comme il se passe dans deux moments historiques différents, les années cinquante et le présent, nous avons décidé, je dirais avec pas mal de courage, d’alterner la couleur avec le noir et blanc. Nous découvrirons si notre choix était bon lors de la publication, en fin d’année.

Avant-première du livre dédié à Rosa Parks, en sortie pour Orecchio Acerbo, courtoisie de l'éditeur.

Avant-première du livre dédié à Rosa Parks, en sortie pour Orecchio Acerbo, courtoisie de l'éditeur.

- dès Anne Frank à Rosa Parks, deux héros importantes de l’histoire moderne : y a-t-il un fil qui lie ces deux personnages dans ton interprétation?
Le lien, la clé de lecture, en réalité m’a été donné par les écrivains car, les deux histoires, ont été racontées en partant d’une visuelle extérieure et avec une distance de temps. Dans le cas de Les Arbres Pleurent Aussi l’écrivain, Irène Cohen-Janca, a choisi comme narrateur le marronnier du jardin d’en face à la cachette secrète d’Anne, tandis que Fabrizio a décidé de faire raconter l’histoire à un vieil homme noir qui était présent sur le bus lors du fameux "non" de Rosa Parks et qui, après des années, raconte les événements dont il a été témoin à son grand-fils. Tous les deux textes étaient magnifiques et très importants, je me suis donc limité à les accompagner avec mes illustrations, en essayant de laisser le plus d’espace possible aux mots.

Les Arbres Pleurent Aussi, Ed. Rouergue


- Projets futurs?
Cette année j’illustrerai Pinocchio pour Milan, il s’agit d’un projet qui m’attire beaucoup. Et puis il y a plusieurs idées dans l’air, un album sans texte, un nouveau livre avec Irène et, peut-être, un livre dont je suis aussi l’auteur mais pour le moment ce n’est qu’un projet.
Ensuite j’aimerai illustrer "L'île au trésor" ou "Docteur Jekyll et Mister Hyde" de Stevenson ou "Le chevalier sans tête" d’Irving pour quelques Editeurs américain peut-être, qui sait. Dernière chose : je voudrais essayer de bosser un peu sur un roman graphique.

Le Pivot Questionnaire de Seven Impossible Things Before Breakfast:

7-Imp: Quel est ton mot préféré?
J'aime les noms scientifiques des insectes car ils sonnent bien, par exemple: Saldula saltatoria, Valucella bombylans, Laccophilus minutus etc.

7-Imp: Et celui que tu aimes le moins?
Je déteste entendre l'expression "ressources humaines" à la place de "êtres humains"

7-Imp: Qu'est-ce qui allume ta créativité, spiritualité ou émotivité?
Le défi.

7-Imp: Qu'est-ce qui t'étend?
La banalité et le politiquement correcte.

7-Imp: Quel est ton gros mot préféré?
Fanculo! = Vas te faire f…

7-Imp: Quel est le son ou bruit que tu aimes le plus?
Le ruisseler d’un fleuve.

7-Imp: Lequel tu détestes?
Les sonneries des portables.

7-Imp: Quelle profession, exception faite pour la tienne, voudrais-tu expérimenter?
Le chef.

7-Imp: Lequel tu ne voudrais jamais faire?
Le mineur.

7-Imp: Si le paradis existe, qu'est-ce que tu voudrais que Dieu te dise lors de ton arrivée?
"A la table, le déjeuner est prêt!"

Un merci spécial, pour m'avoir permis d'utiliser les images dans ce post, va aux éditeurs: Milan Presse, Editions du Rouergue et Orecchio Acerbo. A Maurizio Quarello un grand merci pour la gentilesse, la disponibilité et la sympathie, et néammoins pour m'avoir permis la publication du Storyboard de barbe Bleue.


*Les Arbres Pleurent Aussi, publié par Le Rouergue en France et par Orecchio Acerbo en Italie, a obtenu plusieurs reconnaissances pour la valeur artistique et pour l'importance du message dont il est  merveilleux témoignage. Les tableaux de Maurizio ont été en exposition près le Musée de la Shoah de Venezia dès la moitié de Décembre 2010 à la moitié de Janvier 2011.

Copyright© texte et images comme indiqué. Les images ont été reproduites avec la permission des Éditeurs, toute reproduction étant interdite.

vendredi 28 janvier 2011

Monsieur 100 têtes - MeMo

Monsieur 100 Têtes de Ghislaine Herbéra, Editions MeMo, 2010


De ce livre je vous avais déjà partiellement parlé ici, il s’agit du gagnant du Prix Premier Album  en occasion du dernier Salon di Montreuilœuvre première de l’excellente Ghislaine Herbéra.

La réalisation de ce livre, qui n’est simple qu’à l’apparence, se déchaîne à travers la représentation des états d’âme de Monsieur, le protagoniste. Le prétexte narratif, dont nait le contenu plus amplement psychologique et culturel du livre, est basé sur le conte d’un jour important: Monsieur a un rendez-vous galant et il ne sait pas quelle tête mettre pour faire sensation sur sa dame.


De cette sorte d’antre magique où ses innombrables têtes sont contenues, Monsieur n’en sort sans cesse, à la recherche désespérée de la tête parfaite. Dans un tourbillon de visages, nous vivons l’entière gamme de sentiments que l’on éprouve lorsque le cœur est en émoi: la timidité, la frustration, l’anxiété, la peur, la joie, l’allégresse, jusqu’au happy ending.

Masques Inuit, Alaska

Le texte nous aide à comprendre comment il est facile de passer d’un état d’âme à autre: de comment la timidité peut nous faire sentir ridicules, de comment se nous nous sentons ridicules nous boudons et nous devenons grognons et de comment devenir grognons nous enrage jusqu’à faire n’importe quoi. Du reste, c’est normal, les sentiments nous emportent en dépit de notre volonté.

La génialité et l’originalité de ce livre, en effet réside dans la manière choisie pour représenter ces états d’âme: les têtes sont des masques provenant du monde entier. (Il m’est aussi bien donné de penser que c’étaient les masques le point de déclic du livre mais, pour le moment, ce n’est qu’un soupçon). Entre autres, il y a des masques appartenant à la tradition théâtrale et iconographique de certains pays : il y a la Comédie de l'Art italienne, ainsi que le Théâtre Kyōgen ou le Théâtre Nō (image de couverture) du Japon, le Théâtre Ihamo du Tibet ou le traditionnel masque utilisée le long de la Danse des Morts, le long du Día de Muertos, au Mexique.

Le livre devient pourtant prétexte pour faire de la culture, un instrument à travers lequel découvrir les côtés les plus cachés des pays représentés, qui retrouvent bien substance et évidence  dans leurs masques: expression ancestrale, en passant des Idoles aux masques de Carnaval, de la tradition populaire à celle plus cultivée des théâtres, les masques ont toujours été une sorte de moyen pour raconter aussi d’aspects interdits par la culture dominante, emblème des peurs et du sacré, passage de l’humain au divin, objet de rites et de représentations. Dès allégories les plus évidemment tribales à celles plus raffinées, le lecteur pourra voyager en s’appropriant d’un précieux patrimoine de renseignements.


Bwa, Burkina Faso                  -                  Bengale, Indie

En revenant sur l’aspect illustratif de ce libre, ce qui m’a frappé immédiatement le plus c’était la voulue propreté des images: les seules couleurs en évidence sont celles des masques et, parfois, des boîtes qui les contiennent selon les exigences de représentation. Chaque objet qui se trouve dans les illustrations a un but précis, par exemple: si, en regardant la première table, vous pensez que l’objet pendu sur la porte de la chambre de Monsieur n’est qu’un simple clinquant, vous serez abondamment démentis dans une des dernières pages car, celle non plus, n’est qu’un masque. Ainsi comme celle de la toute dernière table est un masque (je n’en parle pas plus pour des raisons évidentes!).

La scène résulte dépouillée, la double page voit l’alternance de premiers plans visés à mettre en lumière les expressions des visages représentés, dans un flux sans apparente interruption. Un unicum narratif qu'influence dans l’opposition ou dans la consécution des différentes positions plastiques de Monsieur, capturé dans l’acte d’essayer la "tête" du moment. Le texte, là où il est présent, est réduit à l’essentiel. Il s’agit d’un texte succinct, et pourtant jamais simpliste, qui nous donne les renseignements basilaires pour nous guider d’une page à la suivante, augmentant l'attente et le désir de découvrir ce qui suit.


Maltugi, Corée                   -                   Danse des Morts, Mexique


Un album bien structuré, sobre, amusant, facile à lire que je conseillerais aissu aux plus petits.


Copyright© images, Éditions MeMo 2010. Les images ont été publiées avec la permission de l’Éditeur, toute reproduction étant interdite.

dimanche 16 janvier 2011

Une promenade à Macerata: interview avec Javier Zabala

Œil coquin, conversation agile enrichie par l’intercaler du mot "hombre", Javier Zabala amène avec soi toute la sympathie espagnole et le professionnalisme que les grandes artistes seulement ont lorsqu’il est temps de s’ouvrir à son prochain, avec humilité et générosité.

J’ai rencontré Javier à Macerata, comme on le déduit déjà assez bien du titre de ce billet, lors d’un des cours qu’il tient pour Ars In Fabula - Fabbrica delle Favoleen occasion duquel j’ai pu l’observer au travail avec ses étudiants. Ce qui m’a frappée chez Javier, c’est le mélange d’empathie et de rigueur qu’il arrive à tenir le long de ses leçons, tant comme dans la vie il sait bien comme mélanger sensibilité et plaisanterie, timidité et exubérance. Des qualités qui transpirent aussi bien dans son art, aussi pleine de petites références curieuses, de couleurs bien équilibrés, de personnages esquissés avec ce style aussi particulier et ces atmosphères si franchement masculines filtrant de ses tableaux.



Le long de son éclatante carrière d’illustrateur, Javier s’est mis à l’épreuve avec des œuvres indubitablement complexes, pour ne faire que quelques exemples: les illustrations du Don Chichotte, celles de Santiago de Garcia Lorca (pour laquelle il a vaincu la Mention d’Honneur à la Foire de Bologna), l’illustration de Hamlet de Shakespeare en version pour adultes. Entre autres il a aussi illustré des textes de Melville et de Rodari. On peut donc, à bonne raison, affirmer qu’il a presque tout essayé! Probablement il n’a pas trop de freins lorsqu’il s’agit de se lancer dans des nouveaux défis ce que, à en vouloir être honnêtes, j’apprécie particulièrement car c’est le symptôme d’une grande envie d’évoluer et de continuer dans un chemin de recherche et d’étude qu’un professionnel, à mon avis, ne devrait jamais abandonner. Chaque livre qu’il a fait, pour autant qu’il est uni par un fil conducteur résident dans la sensibilité même de l’artiste, dans son regard sur le monde et dans l’habilité avec laquelle il les traduit en images, l’adaptant de temps en temps selon son audience, est tout de même différent de l’autre.



Dans ses tableaux, où le mélange d’éléments provenant de références cultivées et d’expériences personnelles, l’artiste espagnol arrive à donner voix et expression à un langage pictural, aux connotations avant-gardistes, riche d’évocations.

Bon, c’est assez je crois, il est temps de passer à l’interview!
J’ai le plaisir et l’honneur d’être ici avec l’un des maîtres de l’illustration, originaire de Léon en Espagne, Javier Zabala. Salut Javier.
Hola, buenos dias, ciao.

La première question que je te pose est, peut-être, un peu insolite: j’aimerais savoir le lieu que tu préfères de ta ville natale, s’il y en a.
Le lieu que je préfère de ma ville native est, sans aucun doute, La Colegiata de San Isidoro, c’est une église Romane, avec des très beaux fresques. C’est là-bas où je jouais quand j’étais enfant, d’habitude en sortant du cinéma après avoir vu des films sur les anciens romains, avec mes frères nous nous amusions à courir le long des murs du douzième siècle. Ceci est le lieu que j’aime le plus de ma ville.



Quand tu étais enfant, ai mais-tu lire? Y avait-il des livres que tu préférais, ou est-ce que tu avais déjà une prédilection pour le dessin?
Avec mes frères nous lisions assez. Mais je n’étais pas le frère qui lisait le plus, c’était mon frère aîné qui dépassait tous à ce propos. Ma mère, plus que mon père, lisait beaucoup, pourtant ma maison a toujours été pleine de livres. Pour ce qui tient le dessin j’ai des mémoires très précises de mes débuts. En effet j’ai commencé à dessiner une fois qu’on était allés en vacances dans le nord de l’Espagne, près de la mer, là-bas le temps est toujours pourri et, afin de nous entretenir, ma mère inventait toujours quelque chose pour nous six. En réalité nous étions six plus d’autres amis, plein de petits gens. Une fois, comme il pleuvait toujours, ma mère inventa un concours de dessin. Je me souviens très bien que ce jour là j’étais allé pêcher avec mon cousin, en rentrant je lui demandai : «As-tu fait quelque chose pour le concours de dessin ? » et il me répondit : « Non, je n’ai rien fait » mais c’était un mensonge, car lorsque nous arrivâmes chez nous il montra à tous un beau dessin, très grand, tout colorié. Il gagna le premier prix. Il n’y avait pas seulement un prix, il y en avait plusieurs, mais je me souviens encore ce prix pour la couleur : j’étais très fâché avec lui, car il m’avait menti. Je me souviens que, le jour suivant, je commençai à dessiner, et je n’ai jamais arrêté depuis. Cette fois là je dessinai un exerce d’Égyptiens, avec des pastels à la cire, et ma mère me donna un prix aussi, pas qu’il y avait un autre concours, mais je crois qu’elle me voulait encourager.

Peut-on donc affirmer que ta pulsion pour l’illustration est bien née d’un défi? Et de défis dans ton parcours professionnel, tu en a eus beaucoup: en plus des beaux albums que tu as produits tu as aussi illustré de la poésie et maintenant c’est la fois du théâtre classique, de Shakespeare. Ce sont des défis importants car ce n’est pas facile d’illustrer de la poésie (je me réfère à Santiago de Garcia Lorca) ou d’un classique comme Hamlet de William Shakespeare.
Oui, en effet un classique n’est jamais facile soit car il a déjà été illustré beaucoup de fois, soit car chacun a une référence spéciale dans sa tête, ou plus d’une. Mais, en réalité, dans le cas de Santiago de Lorca je dois admettre que j’ai aimé illustrer la poésie car comme illustrateur on peut bien faire presque tout, la conception littéraire à la base de la poésie est assez libre. C’est comme dans le cas de Rodari : j’aime bien Rodari car il est très convenable, ses textes sont toujours ouverts et on y peut bien représenter tout son univers.


Revenant à Santiago, je m’en souviens comme d’un livre qui m’a donné quelques problèmes au départ, car je n’arrivais pas à trouver le bon parcours. La première tentative que j’ai faite était liée au Sud de l’Espagne, là où Lorca habitait, à Granada. Mais rien ne m’arrivait à cet égard, ce n’était pas mon pays : en effet, Léon et Granada semblent appartenir à deux pays différents, pour ceci je n’ai atterri aucune part. La deuxième tentative que j’avais essayée c’était avec La Residencia de Estudiantes: c’était l’endroit où Dalì, Buñuel et Lorca – Lorca et Dalì étaient camarades, ils donnaient des fêtes, c’était un style de vie, une manière d’étudier à l’époque en Espagne – ils dessinaient, tous ensemble, c’était le grand moment du surréalisme. A cette période Lorca fit plein de dessins, c’est pour ceci que j’ai pensé faire ce passage aussi en m’approchant de l’esthétique Lorquienne, mais dans ce cas aussi je n’ai obtenu aucun résultat satisfaisant. De tout ce deuxième parcours j’ai gardé seulement une petite lune qu’il dessina : c’est une lune étroite, avec un œil dans le front, elle est très belle et je l’ai reproduite dans le livre. A la fin, la manière d’illustrer Santiago est venue lorsque j’ai regardé à ma vie : en effet je suis né au milieu du chemin pour Santiago, ma ville est là-bas, toute ma vie j’ai vu des gens parcourir le chemin de Santiago. Moi aussi je l’ai fait, et beaucoup d’expériences dans ce livre ce sont des expériences personnelles.

Esquisses pour Santiago (les vaches)

Par exemple : les vaches n’ont pas vraiment à voir avec le texte, ce sont les vaches que je voyais le long du chemin, quand j’avais faim, après avoir parcouru trente kilomètres à pieds. Alors le déjeuner, ainsi que tout le reste lorsqu’on fait le chemin de Santiago, devient une sorte d’expérience médiévale : tout es à mesure de l’homme, tout ce que tu arrives à faire avec tes pieds est possible, rien d’autre. A la fin on arrive même à mépriser les voitures qui passent, de temps en temps, dans la rue. C’est une expérience très intéressante, que j’ai pu utiliser en transférant dans le texte toute une série de petits symboles du chemin, de ma vie personnelle, je crois enfin avoir obtenu un livre sincère.


Pour Hamlet c’était différent: je n’avais aucune référence personnelle, mais je suis un peu kamikaze, pourtant je n’ai pas trop réfléchi quand on m’a proposé de faire Hamlet. A vrai dire je crois que si l’on est honnête et, surtout, si l’on arrive à se laisser transporter, tout s’achève à la fin car l’on arrive toujours à une interprétation plus personnelle, qui pourrait être plus ou moins de qualité, mais c’est tout de même la tienne. Dans ce livre je me souviens que c’était plutôt la technique que j’utilise, les compositions monotypes, à m’indiquer le juste chemin, puis je me suis laissé aller. J’ai toujours aimé l’idée de faire des illustrations pour adultes et maintenant, en Espagne, c’est le bon moment pour faire ça.


Esquisses et tables pour Hamlet

En effet, ce qui est très intéressant c’est le parcours que tu viens d’entreprendre avec Hamlet, destiné à une audience adulte. Crois-tu que ce choix te laisse plus de liberté expressive, ou la liberté d’expression réside indépendante du publique auquel tu t’adresses?
Il est bien possible que, dans un livre adressé aux adultes, il y ait une un peu plus de liberté, car tu peux tout représenter : par exemple tu peux illustrer une scène où l’on tue un homme sans aucun problème, dans un noir tu peux dessiner un homme qui fume, ou qui boit. Et pourtant je suis convaincu que dans l’illustration destinée aux enfants on peut enfin faire ce que l’on désire, et c’est ce que j’ai fait jusqu’à maintenant. Je suis bien conscient qu’il faut être courageux, pour aller un peu au-delà des lignes, pour anticiper ou dribbler le marché, avec la connaissance que parfois il est bien possible que ce que l’on propose ne sera pas accepté, mais notre métier est ceci : il faut toujours être un peu plus à l’avance, car on ne peut pas toujours proposer ce que l’on a déjà fait dans le passé. Il faut du courage, non plus le grand courage d’un chirurgien lorsqu’il ouvre un cœur, mais la recherche est notre petite manière d’être courageux.


 Esquisses et tables pour Hamlet

Et pourtant, être courageux implique aussi la disponibilité à montrer une part de soi-même qu’on ne laisse pas toujours entrevoir aux autres. Peut-être que cela nécessite encore d'un peu plus de courage non?
En effet c’est vrai. Je dis toujours que le métier d’un artiste c’est de couper les superstructures que la société, l’école, la mère, la grande-mère jettent sur toi à partir d’un certain âge, quand l’on a environ six ou sept ans et l’on commence le chemin de socialisation pour s’approcher des autres. C’est ce que l’on fait à l’école, non ? Un artiste doit être cet individu qui, à moment donné, se dégage des couches qui lui arrivent des expériences imposées, chaque couche doit être coupé afin de pouvoir travailler à cœur ouvert. J’ai toujours pensé que le boulot de l’artiste sert à ça, à protéger quelque chose de vulnérable, de précieux pour l’individu mais surtout de vulnérable car lorsque un livre est publié il dit tout.

Oies de Sainte Eulalie

Javier, je sais que tes splendides tables sont actuellement en tour, dans le monde, et qu’il y a eu beaucoup d’expositions dans les mois derniers, au Mexique, à Madrid, et dans plein d’autres endroits. Peut-tu nous dire quelque chose à propos de ça?
En réalité je te dirai de quatre expositions en spécifique: la première c’était à l’occasion de l’événement La Villa del Libro à Urueña, c’était une expo un peu particulière car il s’agissait presque exclusivement d’esquisses qui racontaient du parcours d’approche à un livre, le lieu où elle a eu place était énorme, c’était aussi dans un village médiéval tout plein de librairies, c’est la raison pour laquelle ils ont appelé l’événement la ville du livre. Cette expo s’est achevée à la fin d’Août. Ensuite il y a eu une expo à Madrid, soignée par la faculté des Beaux Arts qui a eu lieu dans une bibliothèque historique, la Biblioteca Histórica Marqués de Valdecilla: cette expo aussi était assez particulière car il s’agissait d’une sorte de rétrospective et, en plus, comme elle avait été préparée dans un endroit où il y avait des livres anciens, les tableaux ont été placés dans des écrins en cristal. Il y avait vingt grandes tables. Mon idée c’était de reproduire mon atelier, de le transporter là-bas.


Atelier de Javier à Madrid 

Atelier récrée chez la Bibliotheca Histórica Marqués de Valdecilla 

La troisième a été coordonnée par la Fundacion Germán Sanchez Ruiperezil s’agit d’une expo itinérante dont la grande ouverture a été en septembre 2009, qui est en tour pour l’Espagne et le reste du monde : elle est arrivée enfin à Bilbao, à l’occasion de la grande ouverture du Centre Culturel Alhondiga, il s’agit d’un centre très important, en contemporaine il y avait aussi une expo de Rebecca D'AutremerCette même expo est arrivée jusqu’au Mexique, D.F. en novembre et après à Guadalajara. En Amérique du Sud il y en à eu une autre aussi, c’était une collective, une belle expo qui s’appelait Dibújame un Cuento, où il y avait en totale quinze illustrateurs de l’Espagne et locaux aussi, ils étaient tous intéressants, sauf moi!

[NotePour préciser, en décembre il y a eu une autre expo des illustrations de Javier chez les salles de la Galleria degli Antichi Forni de Macerata, en occasion de Libriamoci 2010 - Mostra Internazionale di Illustrazione (en collaboration avec la Mairie de Macerata, l’Institution Macerata Cultura Biblioteca e Musei et Fabbrica delle Favole). L’expo a accueilli une centaine d’œuvres tirées d’un numéro de livres parmi lesquels Cervantes, Garcia Lorca, Melville, Shakespeare, Rodari. L’expo a eu lieu du 5 au 21 décembre.]


Je ne le crois pas Javier! En plus, pour ces jeunes illustrateurs qui souhaitent apprendre à travers ton expérience, pendant l’été tu enseignes avec Ars In Fabula. Je voudrais savoir dans quelle manière tu arrives à partager ton expérience avec tes élèves ? Quel type de parcours faites-vous?
Chaque fois que je fais un cours, et c’est assez de temps que j’en fais, ce n’est pas que j’ai plus peur d’en faire c’est plutôt le respect que je portes aux gens qui viennent en faire qui est augmenté. Il y a désormais un historique d’étudiants qui ont participé à mes cours, certains ont grandi dans la profession, d’autres non. D’habitude les étudiants font des cours avec plusieurs artistes, ce n’est pas nécessairement qu’avec moi, et chaque enseignant leur transmet un peu de sa manière de faire, les élèves prennent bien ceci comme un point de départ mais, après, il faudrait bien qu’ils s’en détachent…

Carnet d'esquisses (Santiago et autre)

Prendre leur chemin
Oui. Une chose c’est de leur enseigner une technique, autre chose c’est de leur transmettre la technique avec un style personnel, ce sont deux aspects qui vont souvent ensemble et il est difficile de s’en éloigner. Celle ci me paraît la partie la plus difficile des cours. Si j’y réfléchis, je crois que j’aurais aimé énormément, lorsque j’avais leur âge, d’avoir l'occasion de recevoir tous les renseignements qu’ils reçoivent aujourd’hui le long des cours: à vrai dire, d’habitude, je leur donne des renseignements en suivant un parcours historique, je ne m’arrête jamais seulement sur moi-même. Il y a quelques minute, j’entendais certains des étudiantes parler de la peur qu’elles on ressenti, vas savoir pourquoi ce n’est que des filles en Italie qui participent, les premiers jours du cours, elles en parlaient avec détachement car maintenant elles sont contentes : elles ont eu un progrès que je ne m’attendais pas non plus. Naturellement lorsqu’elles se sont aperçues des progrès qu’elles ont fait elles se sont senties rassurées, mais c’est quand-même curieux de savoir qu'elles ont toutes commencé en étant effrayées. Si j’y penses bien, avec la technique que j’enseigne, qui est une technique mixte et très personnelle, je comprends bien que les élèves doivent absorber la procédure à leu manière et ce n’est pas facile de commencer. Parfois, lorsque l’on est fermés dans une proposition graphique déterminée, c’est peut-être plus facile de d’avoir souvent des tables plus ou moins ordonnées ; dans mon cas, au contraire, le parcours est un peu plus long mais, quand l’on trouve la clef interprétative correcte, je crois qu’il est satisfaisant et agréable. Je ne sais pas, cela dépends de chaque individu, peut-être tu devrais leur demander.

Ville n. 1

Je crois avoir déjà la réponse car je sais que tu es un enseignant très aimé et très demandé par les élèves. En plus de ta technique, le long de la semaine de cours, travaillez-vous aussi dans la conception d’un story-board, ou sur le développement d’une idée, sur le projet ? Les étudiants, arrivent-ils avec leurs projets et les suivent-ils?
Parfois quelqu’un arrive avec un projet et c’est ce que je préfère, car il me parait que c’est plus utile pour eux, mais ce n’est pas aussi fréquent. Pour ce type de travail, ici à Macerata, il y a un cours spécifique aussi. Mais, pour moi, le développement d’un cours dépends beaucoup des gens que j’ai dans la classe : d’habitude la première chose que je fais c’est de regarder leurs dessins, il s’agit d’une tâche un peu intuitive. Il y a toujours des choses immanquables, telles que le story-board, car si tu fais un projet-livre, tous les problèmes doivent trouver leur résolution là dessus. Ce qui importe pourtant c’est d’aller bosser sur le storyboard, c’est un parcours différent : il s’agit d’une recherche technique avant tout, après l’on rajoute les éléments différents, les vicissitudes, les personnages, et puis le rythme du livre, qui est la chose la plus importante. Faire le livre, en construire tous les éléments, c’est le premier acte pratique et après il y a la sensibilité de chacun. Parfois, quand je demande des explications sur leur travail, les étudiants me disent qu’ils ont fait ainsi pour un tas de raisons, dans ce cas ma réponse est qu’ils ne peuvent pas aller chez chaque lecteur pour donner des explications sur comment leur livre a été conçu, c’est à dire : si une illustration ne s’explique pas par elle-même, elle n’est pas bonne. Parfois je vois des élèves faire des grands progrès, parfois je pense que c’est la mauvaise semaine pour eux, c’est tout de même une semaine intense, forte, où la crise arrive toujours, d’habitude c’est le mercredi : le lundi ils arrivent avec joie, il y a la curiosité de connaître le nouveau enseignant, c’est le jour où l’on parle beaucoup, de tout ; le mardi c’est le jour du travail intense car ils sont là pour apprendre et travailler; le mercredi c’est le jour où il y a une mise en cause et, du reste, la crise productive est inévitable. Après la crise il y a toujours des beaux résultats.

Ville n. 2 (titrée  "El Barrio Gótico" apparteant au livre "Barcellona para ninos" Nordica Libros)

Une toute dernière question relativement à tes projets futurs, pour adultes ou pour enfants c’est indifférent. Peux-tu nous en parler.
Je suis en train de travailler sur environ dix projets, dont trois en consigne à bref, il s’agit de projets avec des petits éditeurs espagnols et italiens dont je ne peux pas encore parler. J’ai aussi des projets relativement à des livres pour adultes, un en particulier – dont je n’ai pas encore droit de parler car le texte est libre – est un très beau projet avec un ami éditeur qui me presse constamment pour savoir si j’ai terminé les dessins. Je crois qu’il va sortir pour la foire de Bologna, je t’en parlerai personnellement. Et, en plus, je suis en train de préparer une scénographie pour une œuvre : nous venons de recommencer maintenant, après une pause due à la crise économique...

Bon, ici l’on parle d’un défi ultérieur: de l’illustration d’une tragédie l'on passe à la scénographie directement!
Oui, c’est drôle comment se passent les choses parfois: j’avais fait un poster pour une œuvre qui s’était passée dans un théâtre espagnol, en voyant ce que j’avais fait ils se sont demandés pourquoi je n’avais pas fait aussi la scénographie, et voilà comment tout est parti. En réalité je ne suis pas un scénographe, pourtant heureusement il y a une équipe qui m’aide, ils sont très sympa et ils me disent ce que l’on peut faire et ce que non. Pour moi c’est très amusant de faire la scénographie, jusqu’à maintenant ça a été une très belle expérience.

Et quand est-ce que l’on pourra voir cette scénographie?
Si tout procède comme il le faut ce sera vers septembre 2011.

Dans moins d’un an alors...
Oui, oui, le parcours est un peu long mais c’est très beau.

Javier, milles merci pour ton temps, je suis très heureuse d’avoir eu cette opportunité de parler avec toi. À bientôt j’espère!
Quand tu le veux. Merci à toi.


Esquisses de personnages pour le livre Madrid, Bohem Press

Le Pivot Questionnaire de Seven Impossible Things Before Breakfast:

7-Imp: Quel est ton mot préféré?
Harmonie.

7-Imp: Et celui que tu aimes le moins?
Aboulie.

7-Imp: Qu'est-ce qui allume ta créativité, spiritualité ou émotivité?
Les choses sincères, authentiques.

7-Imp: Qu'est-ce qui t'étend?
La routine, les lieux communs…

7-Imp: Quel est ton gros mot préféré?
¡Joder! (naturellement c'est de l'espagnol...)

7-Imp: Quel est le son ou bruit que tu aimes le plus?
Le bruit du feu, celui de la plume sur le papier… les mouettes…

7-Imp: Lequel tu détestes?
Le bruit des gens lorsqu'ils se réunissent… au stade, à une manifestation dans la rue, le bruit des pieds des soldant quand ils marchent ensemble…

7-Imp: Quelle profession, exception faite pour la tienne, voudrais-tu expérimenter?
Sans aucun doute celle de musicien...

7-Imp: Lequel tu ne voudrais jamais faire?
Ah, il y en a plusieurs! Bosser dans un bureau, à la banque... dans une agence de pub…

7-Imp: Si le paradis existe, qu'est-ce que tu voudrais que Dieu te dise lors de ton arrivée?
Sante Vierge, Javier! Qu'est-ce que tu fais ici? (Ha, ha)



Copyright© images et photos, Javier Zabala 2010. Les images et les photos dans ce post ont été réproduites avec la permission de l'auteur, toute réproduction étant intérdite.