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samedi 26 septembre 2009

Mary Poppins et Marina


Dans ces derniers jours j'ai hérité une quantité de livres appartenus à ma cousine. Même s’il y a déjà deux ans des qu'elle n'est plus avec nous, entre la commotion générale qui nous est tombée dessus dans l'acte de violer cet univers à elle, aussi personnel, des trésors inattendus ont émergé, des trésors de l'enfance oubliés dans l'ombre d'une cave humide.
J'ai pris ces livres dans les mains avec la sensation que toute la tendresse du monde y était dedans car, eux oui, ils ont eu la chance de voir toute sa joie d'enfant, les hésitations des premières lectures, les sourires et les larmes. Moi, je ne suis arrivée que plus tard, quand elle était déjà adolescente, mais je me souviens très bien combien je lui enviais ces beaux livres aux illustrations chaudes et douces, avec toute la chaleur typique des images des années 50 et 60, je ne saurai comment expliquer de manière différente cette sensation que j'éprouve en regardant ces dessins.
J'étais prise dans la tentative de trouver une collocation à ces petits chefs d’œuvre qui sentent encore la moisissure et les après midis maritimes lointains dans le temps, et la voilà: dans une vieille édition de Mary Poppins, je trouve une petite lettre, un trésor dans le trésor! Découverte des découvertes qui m'a fait revoir des vieilles images voilées. Pour cela je ne peux que la rapporter ici, car elle renferme toute cette fraîcheur enfantine et cette simplicité de sentiments et cette grandeur dont je parlais dans d'autres posts.

"Chère Marina,

nous avons reçu ta lettre et la carte postale aussi que tu nous as envoié dans les derniers jours.

J'ai su que tu vas mieux et, respire bien l'air de mer, car quand tu reviendras à Parma tu vas respirer l'air de brouillard.

Dans le jour de Sainte Lucie nous nous sommes souvenus de toi et nous avons pensé te faire cadeau du livre de Mary Poppins.

Je t'en prie que, quand tu le lira, tu feras des gros rires, comme tu le faisais quand tu étais avec nous.

Comment vas-tu maintenant?

Et quand reviendras-tu?

Salutations et bisous ton

amie

Biki

S.Lazzaro, 12 décembre 1965"


Voilà, aujourd’hui j'ai envie de la rappeler ainsi...








samedi 12 septembre 2009

Il Paese Sbagliato


Présumer que d'autres personnes pourraient s'émouvoir, comme moi, en lisant ce livre est certainement erroné. Mais, comme je crois dans ce que Fossati* appellerait "appartenance", je pars de la prémisse que ceux qui me lisent partageront volontiers avec moi ces pensées.

Comme je le disais, je me suis profondément émue en lisant certains passages de ce beau livre.

"Il Paese Sbagliato" de Mario Lodi, Einaudi Editeur, Collection ET Saggi, 1970 et 1995. Publié en France, en 1972, avec le titre: "L'enfance en liberté. Journal d'une expérience pédagogique.".

Retrouver toute la fraîcheur de la pensée enfantine, pure, exempte de fins cachées, est un coup pareil à celui des ondes de l'océan: irrésistible et énergétique en même temps.

Pour ceux qui ne connaissent pas le livre, il s'agit d'un texte dans lequel Lodi a recueilli une série d'épisodes et de renseignements liés à ce qu'il appela l'une des peu îles heureuses dans le panorama scolaire Italien des années 1960, l'expérience avec la classe qu'il eut à Vho (près de Cremona) de 1964 à 1969. Lodi était partie de ce groupe d'enseignants d'école élémentaire qui avaient adhéré à l'MCE (Mouvement de Coopération pour l'Education): en se détachant des méthodes pédagogiques traditionnelles, les enseignants qui adhérèrent au Mouvement, approchèrent une nouvelle méthode d'enseignement finalisé à mettre l'enfant au centre su système. L'enfant n'est pourtant plus vu comme sujet/objet auquel inculquer des notions et des règles, mais comme être humain et libre penseur. Le but de cette méthode didactique (inspirée par le Français Freinet), comme l'explique bien Lodi, est la tentative de dégager l'homme d'une attitude passive, en le faisant devenir un penseur autonome et pourtant indépendant des logiques dominantes.

En m'excusant d'avance pour la traduction faite en vitesse, comme je n'ai pas l'édition française, je cite un passage pour tous, encore abondamment actuel:

"Dans la première guerre mondiale Agostino (ndr. un vieil homme qui avait été appelé pour raconter aux enfants de sa vie) dit que les Allemands étaient nos ennemis, tandis que dans la deuxième [guerre] au départ ils étaient nos alliés. Je ne comprends pas ce pétrin: enfin, qui est l'ennemi de l'Italie?
La conversation conduit à la conclusion que l'ennemi de l'Italie, comme de toute autre population, n'existe pas. Il existe au contraire plusieurs intérêts (comme les puits de pétrole par exemple) qui poussent les gouvernements à faire des guerres de conquête et donc à "inventer" à chaque fois l'ennemi.
[....] Pas à pas (ndr. pendant la discussion avec les enfants) on arrive à l'époque atomique.
- Est-il vrai - demande Angelo, - qu'un sous-marin est passé en dessous des glaciers du pole Nord et a fait le tour du monde à moitié sans essence ni charbon, mais avec une autre chose [énergie] que je sais qui s'appelle atomique mais je ne sais pas comment ça marche?
- L'énergie nucléaire est celle qui se dégage en liberté sur le soleil. L'homme a réussi à la reproduire, à l'emprisonner et à l'utiliser.
- Bon, très bien, - s'exclame Angelo, - et lui il en a fait la bombe!
L'affirmation d'Angelo provoque une réaction en chaîne sur ce que l'homme peut faire avec son intelligence. Et sur ce qu'il peut provoquer.
- Nous sommes en faveur de la paix, - dit Fabio en interprétant l'idée de tous.
- Si non...- ajoute Angelo, mais il s'arrête.
- Si non? - je lui demande en l'invitant à exprimer son idée.
- Si non cette ligne [c'est à dire la ligne historique de la vie d'Agostino qui domine celles de l'Italie et de l'humanité**] va terminer là et il n'y a pas de futur.
- Ce sera à vous d'écrire le futur, - lui dis-je.
- Bah oui, - dit Angelo,- nous on va faire une ligne qui commence là où la ligne d'Agostino va terminer.
- Tu liquides grand-père Augustin, - lui dis-je, - mais il n'a aucune envie de fermer son livre.
- Eh bien, - se rie Angelo, - on fera un bout de route ensemble alors." (page 197 de l'édition italienne).

Je me demande quelle sorte d'adultes sont devenus ces enfants, s'ils auront été capables de garder ce regard honnête sur le monde ou si, eux aussi, ils se sont laissés embarquer par les inutilités de la vie moderne, si eux aussi auront capitulé devant les nombreuses tentations et au lavage de cerveau continu auquel nous sommes soumis chaque jour? Vas savoir!

Il reste quand-même ce témoignage important, toujours épatant, émouvant comme je le disais auparavant, que j'espère ne se perdra jamais parmi les nombreuses oeuvres hors catalogue.


*ndr. Ivano Fossati est un musicien et auteur de chanson Italien, entre autres il a traduit et mis en musique le Déserteur de Boris Vian.

**ndr. Sur l'idée du maître, les enfants avaient donné une représentation graphique de la vie de M. Agostino, en mettant sur une ligne horizontale les événements qu'il avait racontés, soit des événements qui avaient eu une influence à niveau national, ou planétaire, que des événements plus personnels.

mardi 8 septembre 2009

It's a Snap!



Je l'admets: je suis une fondamentaliste de la photo et je n'en ai pas honte. Voilà pourquoi je vous parle aujourd'hui de ce livre très récemment paru au Canada:

"It's a Snap!: George Eastman's First Photograph" de Monica Kulling, illustrations de Bill Slavin, Ed. Tundra Books, Toronto, août 2009.

Dans ce livre, magistralement illustré par B. Slavin avec des aquarelles de différentes dimensions et perspectives, on parle de comment, il y a plus de 100 ans, M. Eastman avait inventé le premier exemplaire de ce que devint la moderne machine à photographier. Il y a au moins deux raisons d'extrême intérêt dans ce texte:


  • la première est l'aventure humaine du personnage qui nous est présenté à l'âge de quatorze ans : orphelin de père, obligé à aider la famille et à laisser l'école, il commence à travailler bientôt. Pour se détendre, Eastman décide d'essayer avec un hobby, et il choisit la Photographie. Comme pour le livre "The Day-Glo Brothers", dans ce cas aussi le personnage est très jeune, et dans l'histoire d'Eastman aussi - comme pour les frères Switzer - la capacité de mettre la fantaisie au service d'une activité pratique donna des résultats inattendus, avec des conséquences importantes dans la vie moderne aussi;
  • la deuxième est celle historique et, par conséquent, sociologique. Faire comprendre aux enfants comment l'on faisait la photo dans les temps numériques, et pré-reflex, n'est pas simplement un exercice d'application "scientifique". Bien au contraire, cela permet de composer un panneau assez vaste: partant de la science et arrivant jusqu'aux coutumes passées et présents, en mettant en évidence les égalités et les différences. Enfin, qui n'a jamais posé en groupe pour une photo? Et pourtant à l'époque de M Eastman poser pour une photo nécessitais de beaucoup de temps. Aujourd'hui nous prenons des photos à chaque instant, pour nous souvenir des moments précieux, mais dans quelles circonstances on prenait des photos il y à cent ans?

L’écriture simple et concrète de Monica Kulling, avec un apport équilibré d'ironie et de renseignements pratiques, est le moyen parfait pour arriver à comprendre le monde complexe de la photographie, et les vicissitudes humaines d'Eastman. Les illustrations, parfois à page entière, autres fois que des petits fragments encadrant des moments particuliers, certaines en couleur, d'autres sur les tons sépia, complètent harmonieusement le récit permettant une vision parallèle des événements racontés.

Pour ceux qui sont intéressés:
http://www.tundrabooks.com/catalog/display.pperl?isbn=9780887768811

vendredi 4 septembre 2009

"Building on Nature: The Life of Antoni Gaudì"


En Amérique il vient de sortir un album illustré dédié à l'énigmatique architecte Antoni Gaudì:

"Building on Nature: The Life of Antoni Gaudì", de Rachel Rodriguez, illustrations de Julie Paschkis, Ed. Henry Holt and Co., Septembre 2009.

Par les mêmes auteurs que, en 2006, avaient écrit un autre album assez intéressant sur la vie de Georgia O' Keefe*, il naît un deuxième livre dédié encore une fois à un personnage important du monde artistique comme Gaudì qui, comme O'Keefe, a introduit son idée très personnelle d'application de la beauté de la nature en art.

Cet album illustré, pour enfants âgés de 4 à 8 ans, parle de l'idée de Gaudì de représenter la beauté de la nature à travers l'architecture. Tous ceux qui ont vu "La Pedreira" ou "Casa Batlò", pour ne mentionner que deux des oeuvres de Gaudì, ne peuvent que rester sans mots en admirant le pouvoir visionnaire de cet incroyable artiste. Introduire les enfants à cet architecte polyédrique est, sans doute, une magnifique initiative qui mérite d'être communiquée.

Pour ce que j'ai pu voir ce livre me parait très intéressant, surtout il parait que les auteurs sont immanquablement attirés par des personnages particuliers, originaux et en partie réservés, qui ont mené une existence intense, de temps en temps voilé par une discrétion mystérieuse.

Sincèrement je ne suis pas totalement convaincue par les images: je trouve qu'il y en a d'intéressantes, d'autres au contraire - à mon goût personnel naturellement - me paraissent trop saturées, trop moelleuses, enfin je me rends bien compte que transporter les oeuvres de Gaudì en illustrations ce n'est pas facile. En tout cas il reste un effort admirable et, par moments absolument approprié.



* "Through Georgia's Eyes" de Rachel Rodriguez, illustrations de Julie Paschkis, Ed. Henry Holt and Co., Février 2006.