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lundi 18 juillet 2011

La Rose, Editions Notari et Orecchio Acerbo Editore

La Rosa de Ljudmila Petruševskaja, illustrations par Claudia Palmarucci, Orecchio Acerbo Editore et Editions Notari, Juillet 2011.


L’année dernière, lors de ma visite à Macerata chez les amis d’ Ars In Fabula, j’eus l’occasion de visiter l’exposition des illustrateurs en formation pour le master. J’avais pris l’après-midi pour flâner avec du calme et observer, sans que personne ne me voit, leurs travaux. J’admirai le talent, l’originalité, le niveau de préparation des élèves mais, le coin tourné, je fus foudroyée. Je restai enchantée face à quelques tables, toutes clairement dessinées par la même main, le regard jamais las de cette élégance, du trait fin, des couleurs parfaitement balancés, des puissants rappels picturales qui me faisaient réjouir profondément, j’étais perdue. Repris finalement contrôle me moi-même, je regardai le nom de l’artiste : Claudia Palmarucci.

Après quelques heures je sus que ces mêmes tableaux (préliminaires) qui m’avaient autant enchantée, faisaient partie du projet-livre que Claudia était en train de réaliser pour Orecchio Acerbo, dans le cadre du Master. Pour ce mécanisme d’affinités électives, dans le groupe des élèves, je venais de rencontrer justement elle. Je souris et pensai que, à la fin, tout revient!

Ainsi était ma rencontre avec cette jeune artiste, extrêmement talentueuse.

Le texte que Claudia a illustré pour cette œuvre première est de Ljudmila Petruševskaja, dont Orecchio Acerbo avait déjà publié plusieurs titres: La Valigia delle Carabattole, Il Muro Bianco (dans 1989 Dieci Storie per Attraversare i Muri). Petruševskaja est auteur de pièces de théâtre et de contes caractérisés par un fort gout du surréel, souvent poussé à la limite, instrument pour une impitoyable analyse des mécanismes du pouvoir. Censurés lors de la dictature, maintenant ses œuvres sont aimées et reconnues dans le monde entier et en patrie aussi où, en 1991, elle reçût l’'Alexander Pushkin Prize.

Dans le conte dont je vous parle aujourd’hui, La Rosa, le protagoniste est un homme qu’un beau jour commence à parfumer, justement, comme une rose. Agréable, penserez-vous, et pourtant, si vous parfumiez comme une rose avec autant de persistance, je pense que vous ne serez pas aussi enthousiastes, et ceux qui vous entourent encore moins.


Quand tout, et je dis tout, commence à parfumer comme dans un rosier, les malaises commencent à arriver: la nourriture parfumerait la rose, les animaux ne reconnaitront les odeurs et seront désorientés, les voisins seront exaspérés par cette fragrance envahissante.


Quoi faire alors? Il vaut mieux de se confier à ceux qui savent, c’est ainsi que l’homme visite l’Académie Botanique, où des illustres professeurs pourront se prendre bon soin de lui. Et c’est bien de ce moment en avant que la veine surréaliste du conte fonce sur l’accélérateur : l’homme devient l’objet d’études des éminents érudits lesquels, à peine ébahis par l’étrange phénomène, commencent à disserter à propos des modalités de traitement de l’exemplaire unique dont ils sont en possession.

La veine surréaliste aussi caractéristique de Petruševskaja ne déçoit pas, et néanmoins elle n’épargne une certaine critique aux diktats, dans ce cas plus scientifiques et aussi intellectuels, grâce auxquels l’homme devient le guignol dans les mains des docteurs et lumières. L'auteur semble nous vouloir dire que, là où la science perd le contacte avec l’humanité, tout, la vie même, devient risible. Face aux exigences de recherche le sujet devient objet et, si nécessaire, phénomène en perdant tout droit, toute possibilité de choix. Et la société?

Pour rester dans le domaine floréal, sur le humus de cet exceptionnel conte fleurissent, merveilleuses, les illustrations de Claudia qui font valoir le message camouflé derrière l’improbabilité métaphorique du texte. Mais procédons un peu à la fois car il y a beaucoup à dire.

Déjà dans la couverture, Claudia nous annonce le type d’histoire que nous sommes proches à lire: évidemment inspirée par Magritte, cette toute première image de l’album voit l’union de deux œuvres du peintre:

L'homme au chapeau Melon, del 1964

Le Tombeau des Loutteurs, del 1960

L'Homme au Chapeau Melon, entre autre, est mentionné aussi dans la première illustration que j’ai mis en haut. Notez, toujours dans la première illustration, comme l’ombre de l’homme trahit la rose, représentation d’un état latent que lentement prends possession du protagoniste en altérant son destin à toujours. A partir de ce moment, l’homme ne serait plus le même, et la rose encore simple ombre, deviendra toujours plus tangible et menaçante.

Ce n’est pas par hasard si Claudia a choisi Le Tombeau des Lutteurs (La Tomba dei Lottatori) comme deuxième composante de la couverture: laissant de côté l’évident rappel floral en fait, Le Tombeau des Loutteurs contient, dans son titre et à niveau symbolique, la synthèse parfaite de l’interprétation donnée à ce texte: l’homme, qu’au début du livre avait un aspect humain, seul, entouré par l’indifférence d’hommes-fantoches (voire aussi la deuxième image de ce billet) déjà amplement soumis au pouvoir de la science,



à moment donné il se rend, il ne lutte plus, il choisit au contraire de se confier à l’expérience des grands savants. Du haut de leur intelligence, ces derniers, traitent l’homme comme s’il n’était qu’un végétal, ils l’attachent à une canne avec une corde et:


"Lo annaffiavano, come ogni rosa bianco-rosa,
tre volte al giorno con non so che acqua torbida,
sicché ogni volta gli si inzuppavano i piedi.

E alla fine
si raffreddò
e
si piegò." *


Texte et illustrations, ainsi liés, pour certains aspects me font penser à Rhinocéros, de Ionesco, chef d’œuvre du théâtre de l’absurde. En particulier je pense aux hommes que, l’un après l’autre, se transforment en rhinocéros sous les yeux effrayés de Bérenger, le protagoniste, qui reste seul, dernier de son espèce. Semblablement, dans la vision de Claudia, l'homme nous apparait seule rose plantée dans un désert de fantoches animés qui ne l’acceptent et ne le comprennent pas. C’est bien vrai que, en ouvrant le livre, la transformation des hommes en guignols (ou la soumission à la science) s’est déjà passée : tous, sauf l’homme-rose et quelques enfants, sont des marionnettes. Ici donc le passage est presque indolore, vécu avec le léger essoufflement de ceux qui remontent une pente pas trop raide, rien de comparable avec l’angoisse de l’encerclement soufferte par Bérenger, dont nous n’ouïrons pas le dernier cri: "« Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas ! »**. Car, pour utiliser les mots de Petruševskaja: "i fiori sono creature sottomesse... i veri fiori crescono dalla spazzatura e si nutrono come capita."***

Avant de vous laisser, encore quelques mots à propos de Claudia et de son art, même si le talent de cette jeune artiste est déjà assez évident sans que je dise autre chose. Je ne vous ennuierais pas avec des annotations sut la technique, elle s’explique déjà toute seule dans toute sa perfection, au contraire je préfère me concentrer sur un autre aspect que, comme je le disais au début de ce billet, m’a profondément frappée : je parle du souffle que Claudia arrive à donner à ses tableaux, de l’élégance de sa pensée, de ses interprétations et de la sensibilité qu’elle nous a montré en s’approchant de ce texte. J’apprécie particulièrement la culture que transparaît dans son art, véritable nourriture qui a laissé des profondes traces dans sa vision picturale, un héritage intellectuel avec lequel Claudia joue habilement, en s’amusant et en nous amusant, comme dans l’exemple suivant:


Leçon d'anatomie du docteur Tulp de Rembrandt, de 1632

où, en reprenant la fameuse Leçon d’Anatomie de Rembrandt, non seulement elle n’en repropose la composition mais elle s’amuse en rajoutant aux médecins/professeurs une belle tête de lune (serait-il en mémoire des têtes de lune islamiques qui avaient autant inspiré au Moyen Age? Vas savoir !), presque à souligner une certaine extravagance intellectuelle, une sorte d'éloignement de l'autorité scientifique qu’ils représentent.

Ou encore comme dans le panneau centrale de l’illustration ici de suite, rappel évident du célèbre tableau de Watteau:


Pierrot dit autrefois Gilles di Watteau, de 1717

lorsque, la transformation complétée, notre protagoniste dépasse le fantoche pour devenir enfin masque.

Je m’arrête ici, je vous dis seulement que partout il y a des petits camées et des intéressantes références picturales que l’on découvre avec joie.

En plus de la lecture du texte, et de la beauté du message qu’il contient, je pense qu’il est particulièrement important, dans ce cas, de s’arrêter un instant sur le poids que l’image peur avoir pour les enfants dans un processus formatif et d’approche à l’art.






* "Ils l’arrosaient, comme on le fait avec les roses blanche et rose ,
trois fois par jour avec je ne sais pas quelle eau trouble,
c’est pourquoi à chaque fois ils lui trempaient les pieds.
Et à la fin
il s’enrhuma
et
il se ploya."

** Rhinocéros, Eugène Ionesco, Gallimard, Folio, 1959. 
***"les fleurs sont des créatures soumises... les vrais fleurs naissent des ordures et se nourrissent comme il arrive." La Rosa, de Ljudmila Petruševskaja, Orecchio Acerbo Editore, Juillet 2011.


Copyright© texte et images, Ed.
Orecchio Acerbo 2011, et Editions Notari. Les images ont été publiées avec la permission de l’éditeur, toute reproduction étant sévèrement interdite.

vendredi 24 juin 2011

Le nouveau blog de Sophie Van der Linden est là!

Jusqu'un mot pour vous annoncer le nouveau blog de Sophie Van der Linden!

Si jamais vous ne connaissez pas encore Sophie, ce que je trouverais un peu bizarre si vous êtes dans le secteur jeunesse, je résume tout de suite en vous disant qu'elle est (entre autre) l'auteur de deux livres fantastiques:



Ci-dessus son dernier livre Je Cherche un Livre Pour un Enfant, publié par De Facto Editions à la fin de Mai 2011. Ce livre, dédié aux parents et non seulement, est un véritable guide à l'achat conscient à la sélection sévère et attentive: avec son style incisif, toujours poignant et compétent, Sophie trace dans quelques phrases les caractéristiques essentielles des livres qu'elle analyse et rend plus facile l'identification des critères de choix selon l'âge des enfants, ou selon des thématiques ponctuelles. Un instrument longuement rêvé et maintenant disponible, même online ici. Ici vous pouvez lire une belle recension à propos de ce livre.



Ici haut l'inoubliable et essentiel Lire l'Album, publié en 2006 par L'Atelier du Poisson Soluble: un instrument indispensable pour mieux comprendre les albums illustrés, leurs mécanismes, leur langage, leur évolution, l'espace du livre et la mise en page, les aspects narratifs. Un véritable chef d'œuvre, fondamental afin de mieux savoir comment s'approcher de la lecture/illustration/écriture d'un album illustré, pour tout ceux qui étudient ce secteur un livre décidément nécessaire.

Parmi les livres dont Sophie parle sur son nouveau blog:

pour la section a la Une


pour les tous petits


pour les petits


pour les plus grands


Il y a en plus la section titrée pour aller plus loin,  dédiée à d'intéressants approfondissements. 

Bonne lecture à tous!

dimanche 19 juin 2011

Ana Juan

Depuis pas mal de temps j’admire l’œuvre d’Ana Juan, surtout lorsqu’elle se débarrasse de la couleur et se laisse transporter par les nuances du noir et blanc, quand la couleur devient marginale et, par conséquence, plus vibrante. J’aime le trait léger, la finesse des lignes, la force sombre et explosive qui dévoile des inquiétudes cachées.


Ci-dessus la vidéo de Circus, livre publié par Logos, de suite la vidéo de Snowhite Secret Box, pour No Time Limited Editions.


J’espère qu’elles vous plairont.

samedi 4 juin 2011

Dans la Forêt du Paresseux - Vidéo

Bonjour à tous!

Je m'excuse pour ce long silence, même si involontaire... je reviendrai bientôt avec des nouveautés pour vous tous.

Entretemps, pour ceux qui ne l'ont pas encore vue, je mets cette vidéo publié par Hélium et tirée du livre Dans la Forêt du Paresseux dont l'éditeur parle dans ce billet:




Le livre a été récemment publié par l'éditeur Brésilien Cosac Naify.

JE VOUS SOUHAITE UN BON WEEKEND!

dimanche 15 mai 2011

L'Isola di Fuoco - Emilio Salgari

L'Isola di Fuoco, Emilio Salgari, illustré par Luca Caimmi, Orecchio Acerbo Editeur, Avril 2011

Le dernier 25 avril était le centième anniversaire de la mort d’ Emilio Salgari: père de plusieurs héros qui, le long des décennies, ont peuplé l’imagination de grands et petits. Souvent injustement déclassé à l’état d’écrivain mineur, car considéré populaire et écrivain de livres pour enfants, avec tout le charge de négativité que cela impliquait, son œuvre n’est certainement pas mineure par rapport à celle d’autres grands écrivains de romans d’aventure. Ses livres ont été, et sont encore, parmi les plus traduits dans le monde, ses personnages entre les plus fameux : en partant de Sandokan, pour continuer avec le Corsaire Noir et Yanez, pour terminer avec la charmante Mary Ann (La Perla di Labuan), pour ne mentionner que quelques-uns des protagonistes tirés par ses deux romans les plus populaires.

Sa production littéraire fut ample et dentelée, en effet il écrit plus de 85 romans et un numéro impressionnant de contes, 160 environ, publiés avec son vrai nom aussi que sous des pseudonymes annonçant l’aventure, tels que Capitano Guido Altieri, ou Romero S.. Pour un majeur approfondissement relativement à sa bibliographie, je vous signale cette page (en italien).

Comme Mario Tropea l’explique, dans ce beau article dont je vous conseilles la lecture si vous

pouvez lire l’italien: "... si può dire che le ragioni dell’interesse all’opera di Salgari derivano da

quella sua capacità di interpretare, a livello diretto e aideologico, da scrittore di razza e istintivo,

“elementare”, appunto, e tanto più convincentemente per questo, tendenze e miti della realtà

dell’Ottocento, come l’esotismo, il sogno di conquista e di movimento, la diffusione mondiale,

l'appropriazione planetaria, la espansione del progresso (la rapina anche, e la prevaricazione) ad

opera dell’uomo occidentale nei confronti dell’intero globo.  ..." *

Et pourtant, comme Tropea aussi le dis dans le même article, l’inspiration de Salgari souvent arrive directement de la chronique: comme ce fut le cas de cette île au large de la Sicile, dans les eaux entre Sciacca et Pantelleria, que depuis des temps immémoriaux avait l'habitude d'apparaître pour ensuite s’abîmer dans un vacarme de cailloux et de cendre, et qui disparut définitivement en 1832, à laquelle L'Isola di Fuoco est inspirée.

L'Isola di Fuoco n’est pas parmi les contes les plus connus de Salgari, et pourtant l’éditeur Orecchio Acerbo l’a choisi pour célébrer l’écrivain le plus productif et blâmé du XIXème siècle. Ce n’est pas un choix évident, bien au contraire et, à être sincère, je n’y m’attendais rien de différent, c’est à la limite un choix emblématique et fortement symbolique pour l’interprétation qu’illustrateur et éditeur ont décidé d’en donner


L’histoire de Salgari est située dans l’Océan Pacifique et raconte, comme je l’évoquais auparavant, d’un navire que, presque arrivé à destination, tombe sur un étrange phénomène: un île qui s’abime dans la mer avec un orage de feu. Le conte commence le voyage est presque terminé, c’est une histoire fulgurante, très courte, racontée en première personne par un homme de mer qui s’était embarqué afin d’arriver à la Nouvelle Zélande.

Ce sera notre narrateur le premier à apercevoir un feu à la distance et à le signaler au Capitaine du navire, Mr Watt. Jusque à ce point, écriture et narration par images marchent ensemble. Et pourtant, à partir de la cinquième table nous commençons à apercevoir que quelque chose ne fonctionne pas. Dans le plan que le Capitaine Watt regarde, ce ne sont pas les eaux du Pacifique à être représentées mais le Golfe de Mexique: une tache mat, marquée par une croix rouge, ensevelit la carte. En partant de cette table, lentement, le mystère se dévoile.


Nous ne sommes plus en train d’observer un ile mais une plate-forme pétrolifère en flammes.


Les eaux se chauffent dangereusement, le navire a une avarie aux moteurs et est forcée de déployer les voiles dans l’espoir qu’un souffle de vent commence à souffler. L’écriture de Salgari a sans doute le don de nous projeter âme et corps dans les histoires racontées, et pourtant, la correspondance entre les faits racontés dans l’histoires et ceux plus récents du Golfe de Mexique, auxquels les images s’inspirent, rendent l’impact encore plus perturbant.


Cette opération de juxtaposition du conte salgarien avec la chronique du Mexique, n’est pas simplement une idée intelligente et innovatrice, elle est aussi profondément respectueuse de la philosophie à la base de la ligne narrative salgarienne, à propos d’inspiration à l’actualité et de la représentation de cet expansionnisme technologique mis en œuvre en dépit de tout que, à ce qu’il paraît, n’a pas encore cessé avec la fin du XIXème siècle.


Non seulement, tout en laissant intacte la saveur d’aventure et le gout du danger du conte de Salgari, cette idée en effet actualise le récit, elle le rend plus proche dans toute son improbabilité à une réalité que, malheureusement, nous connaissons bien.


Je pense que c’était un choix consciemment hardie, dicté par un fort sens civil et écologique, une manière pour approcher les plus jeunes aux conséquences de ce que Tropea appelle: "...la espansione del progresso (la rapina anche, e la prevaricazione) ad opera dell’uomo occidentale..."*


Les splendides aquarelles de Luca Caimmi remplissent les pages avec vigueur et conscience. La vague noire que lentement se forme pour enfin envahir presque entier l’espace de l’illustration, présage de désastres menaçants, semble brouiller toute surface : le ciel, la mer, le navire, les hommes réduits à simples ombres défaites dans la lueur de l’incendie. Mais le matin, l’île disparue dans les profondeurs des océans, c’est le feu qui prends l’avantage...


Et alors tout reprends forme, consistance, la nuit envoutée de sinistres lueurs laisse sa place à la réalité aussi tragique qu’elle est.


Resonnent amèrs les mots:

“...
Una fortuna da raccogliere, e gli isolani non si lasceranno certo scappare una così bella occasione!” ***

quand la fortune à recueillir n’est qu’une tache sombre de pétrole qui étouffe et salit. Dans le texte Salgari parle des poissons morts à cause des eaux surchauffées, conséquence de l’incendie de l’île, tandis que l’image de Caimmi nous fait plutôt penser à un triste quant évident paradoxe: l’or noir, raison de guerres, de stratégies politiques et économiques, est hors contrôle des hommes, il envahit la nature, emportant des équilibres précieux, tandis qu’à l’homme ne reste qu’une pêche désespérée et minutieuse dans la tentative de réduire le plus possible les dommages.


En fermeture d’album cette table magnifique, sans mots car tout est superflu vis-à-vis d’une scène pareille:


Un livre très bien soigné, comme dans la meilleure tradition de la maison d’éditions romaine, la graphique attentive souligne et renforce le lien entre texte et images. Un inoubliable enseignement pour ceux qui ont envie de transmettre à leurs fils le respect pour l’environnement.

Luca Caimmiillustrateur de la région des Marche, a obtenu plusieurs reconnaissances parmi lesquelles le Premio Andrea Pazienza, il a été sélectionné à la Foire de Bologna en 1998 et en 1999. Il a publié plusieurs livres parmi lesquels, en 2009, La Nave, par Antonio Koch, pour les Editeurs Topipittori et, en 2010, il a participé à une exposition collective titrée Banchi di Nebbia, dont Orecchio Acerbo a pubblié le catalogue. Voici son blogue:   http://lucacaimmi.blogspot.com/ 




* Mario Tropea, Emilio Salgari, un "classico" della letteratura italiana, Agorà VII (a. II, Ottobre-Dicembre 2001)
"... l’on peut affirmer que les raisons de l’intérêt pour l’œuvre de Salgari dérivent de cette habilité qu’il avait d’interpréter, à niveau directe et aidéologique, d’écrivain de race et instinctif, “élémentaire”, justement, et pour cela encore plus convaincant, les tendances et les mythes de la réalité de 1800, comme l’exotisme, le rêve de conquête et de mouvement, la diffusion mondiale, l’appropriation planétaire, l’expansion du progrès (le vol aussi, et la prévarication) œuvré par l’homme d’occident en dépit du globe entier. ..."
** : "...l’expansion du progrès (le vol aussi, et la prévarication) œuvrée par l’homme d’occident...", Ibidem.

*** “...Une fortune à recueillir, et les habitants des îles ne se laisseront pas échapper une si belle occasion!” L’Isola di Fuoco.


Copyright© texte et images, Ed. Orecchio Acerbo 2011. Les images ont été publiées avec la permission de l’éditeur, toute reproduction étant sévèrement interdite

samedi 30 avril 2011

Une promenade à Macerata: interview avec Joanna Concejo

Les enfants naissent dans les choux

Aujourd'hui c'est, pour moi, un jour important : ce serait le 96ème anniversaire de ma grande-mère maternelle, ma source d'inspiration, l'initiatrice de ma passion pour la littérature pour enfants. Elle n'est plus avec nous depuis très longtemps, même si je pense qu'elle ne m'a jamais vraiment abandonnée. Pour la célébrer j'ai pensée publier cette interview, jusqu'à maintenant la plus intense que j'ai fait, celle que plus d'autres a déchaîné en moi des émotions et des mémoires.

Au Clair de la Nuit, Editions Motus

En effet, plus qu'une simple interview, c'est la rencontre entre deux femmes et, même s'il peut paraître paradoxal, de deux grandes-mères et de deux chemins qui s'effleurent souvent, bien que séparés par des distances géographiques et temporelles, dans la ressemblance de certaines vicissitudes et d'origines archaïques que paraissent tout relier de la qualité des souvenirs, des atmosphères, des saveurs.


Quand j'ai connu Joanna Concejo, grâce aux amis de Ars In Fabula auxquels va toute ma reconnaissance non seulement de blogger mais personnelle aussi, ma première impression était d'avoir retrouvé quelque chose que j'avais perdu, comme si je venais de retrouver un ancien trésor dont j'avais égaré les traces. Dans un premier moment je l'ai observée, à la distance, comme si elle était une sorte d'apparition, je me suis installée dans mon petit coin et j'ai scruté, j'ai écouté, je me suis laissée transporter par un ancien enchantement, j'ai senti des atmosphères assoupies dans le temps. Et puis, une fois vaincue la timidité qui s'empare de moi lorsque je suis profondément touchée par quelqu'un, j'ai osé lui avouer mon admiration et, de l'autre coté de la table j'ai rencontré ce regard que je n'oublierais jamais.

Fille aux chardons

Cachées derrière les lunettes, deux grands ciels purs m'observaient voilés par l'émotion, les cils cachant une rougeur, comme quelqu'un qui a été cueilli par surprise et se sent vulnérable. La même timidité, accompagnée par une grande humilité et par la surprise presque en découvrant l'appréciation pour son art, affleurait dans son regard et lui faisait éclore les lèvres dans un sourire à peine amorcé, gêné et pourtant gai. C'est le premier souvenir que j'ai de Joanna, celui que je garde avec plus d'affection.

Il Signor Nessuno, Ed. Rouergue - Topipittori

Parmi les plusieurs vicissitudes de sa vie artistique, dont les débuts n'avaient apparemment été accueillis avec clameur par la famille, une des choses les plus curieuses c'est que son parcours dans l'édition jeunesse a commencé ici, en Italie, grâce au concours  Calabria Incantata, à travers lequel elle put connaître Giovanna Zoboli et Paolo Canton, deux noms assez présents dans ce blog. Grâce à cette rencontre Joanna publia son premier album mais je ne veux pas trop anticiper, il vaut mieux de passer à l'interview sans ultérieur délai!

Petites Choses 4

Une seule annotation avant de commencer avec l'interview : comme vous le comprendrez en lisant notre échange, ma conversation avec Joanna s'est passée avant l'automne dernier, malheureusement mes temps ne sont pas particulièrement rapides et je m'en excuse, d'autre part j'ai encore pas mal de surprises pour vous ! Ceci dit, commençons...

Sœurs

Ce soir je suis vraiment honorée d’être en compagnie d'un des illustrateurs du panorama international que je préfère, je lui avais déjà avoué, donc je vais l'admettre à vous aussi. Elle est d'origine polonaise mais, depuis 17 ans environ, elle habite Paris : je parle de Joanna Concejo. Bonsoir Joanna.

Bonsoir.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Je partirais avec quelques  questions personnelles, dont la première serait si vous pouvez me parler du lieu de votre enfance auquel vous êtes particulièrement liée, s'il y en a un bien sur.

Vraiment Le lieu de mon enfance c'est la maison de mes grands-parents et le village, plus largement le petit village de mes grands-parents : j'y ai passé, je dirais, toute ma petite enfance  jusqu'à l'age de sis ans, jusqu'à ce que je dus aller à l'école dans le grand village où j'habitais avec mes parents. Donc c'est le lieu le plus merveilleux celui que, quand j'en rêve encore maintenant, me donne toujours des rêves merveilleux, et heureux. Et voilà, c'est toujours l'endroit qui me revient quand on me demande de mon enfance.

Entrez!, Editions du Rouergue

Je comprends très bien, car les grands-parents ont aussi un pouvoir magique sur les enfants je pense. A propos de l’enfance, aimiez-vous déjà lire et dessiner quand vous étiez enfant?

J'aimais bien lire mais je n'avais pas beaucoup de lectures, il n'y avait que le journal de mon grand-père qui l'achetait tous les jours. En effet j'ai appris à lire je ne sais pas de quelle façon, j'ai appris toute seule et c'est encore un mystère pour moi : c'est venu car je voulais savoir ce qu'il lisait et pourquoi cette opération l'absorbait tellement. Mais, plus que les lectures, c'était les histoires que me racontait ma grande-mère, on ne savait jamais si elle les inventait ou si elle disait le vrai, car elles étaient si improbables, mais en même temps vu que c'était ma grande-mère qui les disait c'était peut-être vrai. A vrai dire toutes les histoires du village étaient des histoires extraordinaires sur des gens, ou sur des lieux, ou pourquoi il faut parler d'un tel lieu, ou pourquoi il ne faut pas aller à la forge car sinon le forgeron va te manger ! C'était des histoires comme-ça, des histoires folles, mais on se rappelait ces histoires et l'on était presque prêtes à tout, ma sœur et moi, pour en entendre encore une, le soir, avant de s'endormir

Grand et Petit, L'Atelier du Poisson Soluble

Je connais bien ce type d'histoires, c'est une habitude qui est allé un peu perdue maintenant celle de raconter les histoires aux enfants mais, je pense que quand on a le temps de le faire, quant on se prend le temps de leur raconter des histoires c'est toujours magique. A propos de votre parcours dans le monde de l'illustration, vos premiers pas ont été lesquels?

C'était un peu divisé entre deux parties, il y avait une première partie très scolaire où j'ai commencé à travailler sur l'illustration, sur le livre, en tout cas sur l'image en rapport avec le texte. En rapport avec une histoire, une narration en tout cas. Donc je crois que j'ai toujours raconté quelque chose avec mes images.

Grand et Petit, L'Atelier du Poisson Soluble

Ensuite, après avoir terminé mes études c'était un peu compliqué parce que, à vrai dire, les études ne préparent pas du tout à la réalité professionnelle. L'on se retrouve un peu lâchés sans le guide qui est le professeur, donc on est obligé de faire soi mêmes, et l’on est confronté à toute sorte de chose très concrète : à ce qui plait à ce qui ne plait pas, à ce qui va se vendre, à ce qui ne va pas se vendre. De coup je faisais trop gros, je faisais des formats trop grands, je faisais des personnages qui ne plaisaient pas. A la fin j'ai élaboré tout ça, toujours en essayant de temps en temps une nouvelle chose, je me faisais facilement influencer par tout ce qui me plaisait et je me perdais encore plus, jusqu’au jour où je me suis dite: « Bon, je ne vais utiliser que les choses les plus simples, un simple feuil de papier, même d'un cahier à lignes et puis on verra bien ce qui en sort. »

Petites Choses 3

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Et c'est là que ça a enfin marché. J'ai participé à un concours qui se passait en Italie, en Calabre, qui s'appelait “Calabria Incantata”, et en fait c'est ça qui tout a démarré et qui m'a permis d'avoir les contactes ensuite.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

C'est une belle histoire ! Et maintenant, à Macerata, vous tenez des cours de perfectionnement dans l'art de l'illustration, est-ce que vous pouvez nous parler de cet aspect de votre travail?

L'enseignement c'est quelque chose de complètement différent par rapport à ce que l'on fait : déjà c'est un travail en groupe, alors que le travail d'illustrateur est un type de travail assez solitaire, même si l'auteur des textes ce n'est pas nous, enfin si on travaille avec un auteur c’est quand même un travail solitaire. Donc par rapport à l'enseignement c'est très différent, il faut aussi adapter son discours un peu par rapport à chaque personne qui participe. Chaque élève a un tempérament différent, un style différent, un niveau différent, et la demande de chaque personne que j'ai en face de moi est différente. Donc il faut que je m'adapte, ça me plait beaucoup mais ça demande beaucoup d’énergies aussi, je pense que j'apprends à enseigner en même temps qu'ils apprennent quelque chose de moi.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Ça doit être difficile j'imagine, car on a à voir avec toute une émotivité de quelqu'un qui est à la recherche de son âme artistique. C’est  ça, peut-être, le défi le plus grand pour un enseignant ? Je me demande comment les aider à trouver ce parcours...

Oui, à chaque fois je me pose cette question, comment je peux aider la personne qui est en face de moi. Je n'ai pas le droit d'intervenir dans quelque part dans leur travail qui sort d'une nécessité qu'ils ont à l'intérieur d'eux-mêmes, donc il ne faut pas que j'impose mes idées, il faut juste que je les prenne un moment par la main, pour les aider à sortir d'un moment difficile, pour qu'elles retrouvent un peu le chemin plus clair, moins parsemé de mauvaises herbes. Et c'est toujours très délicat, car surtout il ne faut pas blesser la personne. Et c'est très délicat car justement ils sont en train de se chercher.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Avez-vous déjà pensé à un parcours didactique précis ou préférez-vous voir le groupe que vous avez et choisir ensuite?

J'ai prévu un thème général pour ce cours mais je l'ai laissé un peu ouvert, car je m’aperçois qu'on n'aura pas le temps de faire tout ce que j'avais, un peu trop ambitieusement, pensé. On n'aura pas le temps d'aller au bout de tout ce que je voulais et, en fait, maintenant je pense qu'il faut leur laisser un peu plus de temps pour développer leurs idées. Quelque fois il y a des demandes très précises de la part des élèves, donc on s'égare un peu de ce que j'avais prévu mais je pense que ça ne peut que leur faire du bien.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Passons à votre art : j'aimerais savoir s'il y a une technique que vous préférez, ou si vous aimez aussi faire des expériences, essayer autre chose.

Je pense que j'ai déjà fait pas mal d'expérience avant et, pour l'instant, ce ne me manque pas du tout. Mais, comme dans toute technique, même celle que j'utilise maintenant s'évolue petit à petit : il y a deux ans j'utilisais moins de couleurs que maintenant, actuellement je reviens un peu à la couleur, peut-être je m'en séparerais à nouveau.

Mille gens mille histoires

En tout cas je peux te dire que la technique que je préfère pour moi, surtout pour la garder – car il y a beaucoup de choses que j'aime, plein de techniques que j'aime regarder chez les autres – mais celle que j'aime utiliser c'est surtout les crayons à papier, crayons de couleur, avec des mini découpages, mais vraiment mini et très, très ponctuels dans le livre, si c'est justifié, si j'arrive à leur trouver un sens.

Couverture Ilaria

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Et quand vous-vous approchez d'un nouveau livre, est-ce que vous commencez aven un ordre précis, vous-vous laissez conduire par les émotions ? Bref, avez-vous une approche systématique ou plutôt émotionnelle?

C'est un peu les deux, donc c'est systématiquement émotionnel! Quand je lis un texte la première fois, j'ai des images que je vois tout de suite dans ma tête et j’en prends note. Puis, si peu de temps après il y a des images qui s'imposent un peu d'elles-mêmes, c'est à dire que pour moi il n'y a aucun doute et qu'il faut que je les fasse, même si elles n'ont pas de rapport visible direct avec le livre dans un premier temps, je les fais. Dans ces cas, je préfère d’ailleurs passer directement à l'image définitive, parce qu’elle est plus spontanée que celle qui est travaillée d'abord en story-board et après recherchée… même s'il y a des cas  d'images de story-board qui finalement sont bien réussies. Mais, en faite, j'ai presque tout de suite deux/trois images définitives qui vont dans le livre. Puis après je travaille comme tout le monde : je passe à la recherche graphique, je fais plein de croquis dans les carnets, plein de croquis dans le story-board, je prépare le travail correct à présenter à l'éditeur, pour qu'il sache comment le livre vas se présenter.

Cuando no Encuentras tus Casa, OQO Editora

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Quel est, à votre avis, le défi le plus grand qu'un illustrateur doit affronter dans son métier ? C'est à dire: vous êtes illustrateur et auteur aussi, vous avez illustré textes d'autres auteurs autant que les vôtres, je voudrais pourtant savoir s'il y a des difficultés majeures et si vous pouvez me faire une petite comparaison à ce propos.

Je n'ai pas beaucoup écrit, mais ce que j'ai écrit ce n'était pas long ni difficile et, malgré tout, j'ai été un peu aidée surtout pour les questions de langue car j'ai écrit en français qui n'est pas ma langue maternelle. C'est toujours un plaisir d'écrire, sauf que ça me vient très lentement, donc parfois un petit texte me prend quelques années parce que, entre-temps, je fais autre chose : je fais des images, je fais des livres. Donc je ne pense pas que l'écriture est un défi du tout, c'est plutôt un plaisir.

Les Cygnes Sauvages, Ed. Notari - Topipittori

S'il y a eu des défis c'était plutôt dans l'illustration justement. Jusque là je ne sais pas si c'était un défi exactement mais, en tout cas, la plus grande difficulté que j’ai eue c'était le texte très classique, très connu, d'Andersen où j'ai eu beaucoup de mal à trouver ma place. J'ai mis énormément de temps à sortir des images, je dirais, pas banales, parce que le banal vient très facilement mais après il faut aller au-delà. Je ne sais même pas si je suis totalement contente de ce livre, mais il est fait et il va sortir sous cette forme, donc je le verrai imprimé. Jusque là ça a été mon plus grand défi, le texte d'Andersen!

Les Cygnes Sauvages, Ed. Notari - Topipittori
[ndr: Joanna parle évidemment de Les Cygnes Sauvages]

Les Cygnes Sauvages, Ed. Notari - Topipittori
En effet c'était l'une des questions que je voulais vous poser, parce que c'est vrai qu'affronter un classique est déjà difficile, je pense, mais Andersen l'est peut-être encore plus, pour le langage extrêmement riche, plein de symbolismes, d'images déjà. J'ai eu le plaisir de voir quelques images en avant-première et je me suis très émue pourtant,  pour moi, vous avez réussi totalement. Je suis un peu partisane peut-être, je ne sais pas! Changions de sujet et question: je voulais savoir quelle est l'importance du non dit dans une histoire, parce qu’il y a ce que l'on raconte à travers le texte et les images mais il y a aussi des choses sur lesquelles l'on se tait.

Je pense que l'on crée forcement des non dits qui relèvent de la relation qui se fait entre le texte et l'image mais ce n'est absolument pas contrôlable, alors je ne sais pas ce que le « non dit » peut provoquer chez le lecteur, ou ce que le lecteur voit de ce « non dit ». Personnellement je ne me rends même pas compte s'il y a quelconque de non dit, je pense qu’oui mais c'est difficile. Je pense que ça relève de quelque chose de l'inconscient, c'est un peu comme dans les relations humaines: on peut exprimer avec le corps, avec les grimaces, avec les yeux, jusqu'en se regardant les yeux, et c'est des non dits. Ça existe et, si quelqu'un arrive à lire là dedans, c'est très bien, c'est très bien si le lecteur arrive à voir ce non dit dans le livre.

Cuando no Encuentras tus Casa, OQO Editora

J'étais curieuse de savoir à propos de votre rapport avec l'espace blanc. Parfois il y a des illustrateurs qui l'utilisent à pleines mains, d'autres préfèrent tout remplir. Quel est donc votre rapport avec cet élément narratif?

Le blanc tel quel, c'est à dire quand j'ai une feuille blanche, vierge, toute belle devant moi je n'aime pas trop, cela ne me paralyse, pas autant qu'avant mais je ne l'aime pas trop. Pour mon travail je préfère utiliser toujours des feuilles qui ont un petit vécu, voire les feuilles très moches, même voire  tachées, qui ont déjà quelque chose dessus, ça m'aide.

Entrez!, Editions du Rouergue

Ce n'est peut-être pas avec les illustrations que je fais maintenant, mais plutôt avec celles avec lesquelles j'avais commencé où j'arrivais à donner au blanc un rôle à jouer, il était présent, maintenant il l’est un peu moins car je remplis mes pages un peu plus.

Cuando no Encuentras tus Casa, OQO Editora

Grand et Petit, L'Atelier du Poisson Soluble

Mais il est curieux que tu me le demandes, parce que je pensais à ça aujourd'hui, au fait qu'on peut donner un rôle au blanc, et que ça peut devenir l'espace en faite, que ce n'est pas une feuille plate, ça dépends de ce que l'on va y ajouter.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori


L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori


L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

Vos images sont, à mon avis, extrêmement poétiques,  j'ai été pourtant ravie de voir votre livre Au Clair de la Nuit, pour les éditions Motus, où vous avez vraiment donné corps à ces poèmes, avec des images toujours très touchantes. Etait-ce une partie de votre oeuvre que vous avez aimé faire? Voudriez-vous faire encore de la poésie?

Au Clair de la Nuit, Editions Motus

Oui, surtout qu'il y a eu quelque chose d’extrêmement plaisant dans le travail sur ce livre : c'est que l'éditeur ne m'a pas demandé de story-board!

Au Clair de la Nuit, Editions Motus

C'était vraiment extraordinaire, parce que justement c'est à chaque poème que l'on se tient, c'est une sorte de structure de livre qui est fragmentée etpar conséquent, les images le sont aussi forcement. Elles sont liées car il y a une unité stylistique mais le livre n'a pas de story-board, donc c'était vraiment génial. Le souvenir que j'en garde c'est la joie, c'était très joyeux de le faire.

Au Clair de la Nuit, Editions Motus

En Italie c'est grâce à la maison d'édition Topipittori que vous avez été publiée la première fois, si possible  j'aimerais savoir quelque chose en plus sur votre rencontre avec Paolo et Giovanna.

Monsieur Personne, Ed. Rouergue - Topipittori

La rencontre avec Paolo et Giovanna s'est faite grâce à Riccardo del Sordo, qui nous a mis en contacte. En quelque sorte et je lui suis reconnaissante, et je pense que Paolo et Giovanna le sont aussi car ils l'ont remercié en mettant un petit mot pour lui dans le livre Il Signor Nessuno. Ensuite nous avons échangé des mails, et nous nous sommes rencontrés à Paris, dans l'appartement qu'ils logent à chaque fois qu'ils viennent à Montreuil, c’était tout de suite pour leur montrer des images car nous étions déjà d'accord pour faire un livre. Donc ça c'est super bien passé, c'était agréable.

Monsieur Personne, Ed. Rouergue - Topipittori

J'imagine, et puis chez  Topipittori ils sont toujours très attentifs aux livres qu'ils publient. Dès ce que j'ai pu voir de mes yeux, ils sont aussi très intelligents dans les relations avec leurs auteurs/illustrateurs. Merci pour avoir partagé ces souvenirs.

Monsieur Personne, Ed. Rouergue - Topipittori

Une toute dernière question: avez-vous des projets, surtout avez-vous des nouveaux projets solistes?
Oui, il est en train de se faire, mais le texte n'est écrit qu'à moitié et les images ne sont pas faites du tout. Entre-temps je suis très sollicitée par d'autres projets qui sont déjà lancés, les textes qui m'ont été proposés me plaisaient beaucoup et je n'ai pas résisté, j’ai dit oui. J'ai aussi un petit projet qui n'est pas un projet dans l'édition mais qui me plait énormément : c'est un projet avec un jeune céramiste de Paris qui m'a invité à illustrer ses plats qui sont magnifiques, c'est des plats en porcelaine blanche, laissés très naturelles, ils ne sont pas des plats très travaillés. J'ai commencé ce travail et ça me plait énormément, il y aura une exposition au début de décembre avec les plats illustrés, voilà.


Ognon

Ca doit être intéressant! Merci Joanna, c'était vraiment un énorme plaisir de vous connaître, surtout d'avoir la chance de cet échange,  j'en suis vraiment très honorée. Merci pour votre générosité.

Merci aussi parce que pour moi c'est aussi un grand plaisir et c'était très enrichissant. Merci.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori



Le Pivot Questionnaire de Seven Impossible Things Before Breakfast:

7Imp: Quel est ton mot préféré ?
A vrai dire il n’y a pas un mot que j’aime plus que l’autre… mais il y a des mots qui me font rigoler, j’aime bien leur sonorité, leurs sens… par exemple : en espagnol le mot « cacharros » - objets en métal « non identifiable », vieux, de peu de valeur, « choses »… ; on peut qualifier de ce mot tellement de choses…ce sera toujours juste

Au Clair de la Nuit, Editions Motus

7Imp: Quel est celui que tu aimes le moins ?
  Je n’aime pas beaucoup le mot « perfection ». Un jour , lors de mes études en Pologne, mon professeur de dessin, qui préparait un projet artistique, a demandé à tous les étudiants de lui « donner »les mots dont on ne voulait pas…il fallait écrire le mot sur un bout de papier et le lui remettre…j’ai écrit ce mot-là.

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

7Imp: Qu’est-ce qui allume ta créativité ? Spiritualité ou émotivité ?
Je ne sais pas très bien, c’est quelque chose entre les deux…comme entre deux traits ratés, quand je dessine, je vois une tension qui existe et qui m’intéresse plus qu’un trait « juste »… Ou encore ailleurs … quelque chose qui vient et qui s’impose comme une évidence. Ceci dit, j’aime quand les images sont émouvantes, quand elles font rire ou pleurer, ou ressentir au moins un pincement au cœur. C’est comme ça que j’aime les faire. Je n'y arrive pas toujours mais en tous cas c’est ce que je recherche…

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

7Imp: Qu’est-ce qui t’éteint ?
 Le plus souvent c’est tout simplement la fatigue. L’épuisement physique ou psychique…il me faut alors reprendre les forces.

Au Clair de la Nuit, Editions Motus

7Imp: Quel est ton gros mot préféré ?
Quand j’avais neuf, dix ans, j’adorais dire à haute voix, derrière l’église du village « psia krew » (« sang de chien »), que je considérais à l’époque comme un très, très gros mot, et le fait de le dire derrière l’église : preuve d’un énorme courage…c’était très excitant. Maintenant mon gros mot préféré est bien sur polonais, et je ne suis pas originale, car c’est le gros mot le plus utilisé pas tous mes compatriotes : « kurwa », je trouve que ça sonne bien…

Paysage

7Imp: Quel est le son ou bruit que tu aimes le plus ?
Mon bruit préféré est celui du vent, ça peut être un vent léger dans le feuillage d’un arbre…mais aussi un vent fort d’hiver, qui hurle dans les champs à la campagne.

Entrez!, Editions du Rouergue

7Imp: Lequel détestes-tu ?
 Je n’aime pas les grincements de toutes sortes…et je suis agacée pas les gens qui sifflent

Cuando no Encuentras tus Casa, OQO Editora

7Imp: Quelle profession, exception faite de la tienne, voudrais-tu expérimenter ?
J’aimerais cultiver les arbres fruitiers, cueillir leurs fruits, en faire des confitures…apprendre à connaître les plantes médicinales (et les autres aussi…), savoir les utiliser pour soigner, pour mieux vivre…j’aimerais revenir vivre à la campagne, être herboriste, agricultrice, ça me plairait vraiment

Le Jardin

         
Camomille et Petits Choux

7Imp : Laquelle ne voudrais-tu jamais faire ?
  Je ne voudrais jamais avoir à faire de la politique

L'Ange des Chaussures, Ed. Notari - Topipittori

7Imp : Si le paradis existe, qu’est-ce que tu voudrais que Dieu te dise lors de ton arrivée ?
Surtout qu’Il n’en fasse pas trop, qu’il me demande juste si je suis bien la petite Asia Iwankowicz ( Asia est diminutif de Joanna en polonais, et Iwankowicz est mon nom de jeune fille) qu’il me fasse signer la feuille de présence et puis j’entre au paradis

Au Clair de la Nuit, Editions Motus


Un très grand merci va à Joanna Concejo pour la collaboration et la disponibilité, toute ma gratitude aux éditeurs qui ont collaboré pour la réalisation de cette interview en donnant leur permission de publication des images: Editions Motus, Editions NotariOQO Editora, L'Atelier du Poisson Soluble, Le Rouergue, Topipittori. Merci encore à Fabbrica delle Favole/Ars In Fabula pour m'avoir permis de connaître Joanna et réaliser cette interview.


Copyright© textes et images ainsi comme indiqué à côté des mêmes, là où il n'y a pas d'indication le copyright est de Joanna Concejo. Les images ont été publiées avec la permission des éditeurs et de l'auteur, leur reproduction étant sévèrement interdite.