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dimanche 15 mai 2011

L'Isola di Fuoco - Emilio Salgari

L'Isola di Fuoco, Emilio Salgari, illustré par Luca Caimmi, Orecchio Acerbo Editeur, Avril 2011

Le dernier 25 avril était le centième anniversaire de la mort d’ Emilio Salgari: père de plusieurs héros qui, le long des décennies, ont peuplé l’imagination de grands et petits. Souvent injustement déclassé à l’état d’écrivain mineur, car considéré populaire et écrivain de livres pour enfants, avec tout le charge de négativité que cela impliquait, son œuvre n’est certainement pas mineure par rapport à celle d’autres grands écrivains de romans d’aventure. Ses livres ont été, et sont encore, parmi les plus traduits dans le monde, ses personnages entre les plus fameux : en partant de Sandokan, pour continuer avec le Corsaire Noir et Yanez, pour terminer avec la charmante Mary Ann (La Perla di Labuan), pour ne mentionner que quelques-uns des protagonistes tirés par ses deux romans les plus populaires.

Sa production littéraire fut ample et dentelée, en effet il écrit plus de 85 romans et un numéro impressionnant de contes, 160 environ, publiés avec son vrai nom aussi que sous des pseudonymes annonçant l’aventure, tels que Capitano Guido Altieri, ou Romero S.. Pour un majeur approfondissement relativement à sa bibliographie, je vous signale cette page (en italien).

Comme Mario Tropea l’explique, dans ce beau article dont je vous conseilles la lecture si vous

pouvez lire l’italien: "... si può dire che le ragioni dell’interesse all’opera di Salgari derivano da

quella sua capacità di interpretare, a livello diretto e aideologico, da scrittore di razza e istintivo,

“elementare”, appunto, e tanto più convincentemente per questo, tendenze e miti della realtà

dell’Ottocento, come l’esotismo, il sogno di conquista e di movimento, la diffusione mondiale,

l'appropriazione planetaria, la espansione del progresso (la rapina anche, e la prevaricazione) ad

opera dell’uomo occidentale nei confronti dell’intero globo.  ..." *

Et pourtant, comme Tropea aussi le dis dans le même article, l’inspiration de Salgari souvent arrive directement de la chronique: comme ce fut le cas de cette île au large de la Sicile, dans les eaux entre Sciacca et Pantelleria, que depuis des temps immémoriaux avait l'habitude d'apparaître pour ensuite s’abîmer dans un vacarme de cailloux et de cendre, et qui disparut définitivement en 1832, à laquelle L'Isola di Fuoco est inspirée.

L'Isola di Fuoco n’est pas parmi les contes les plus connus de Salgari, et pourtant l’éditeur Orecchio Acerbo l’a choisi pour célébrer l’écrivain le plus productif et blâmé du XIXème siècle. Ce n’est pas un choix évident, bien au contraire et, à être sincère, je n’y m’attendais rien de différent, c’est à la limite un choix emblématique et fortement symbolique pour l’interprétation qu’illustrateur et éditeur ont décidé d’en donner


L’histoire de Salgari est située dans l’Océan Pacifique et raconte, comme je l’évoquais auparavant, d’un navire que, presque arrivé à destination, tombe sur un étrange phénomène: un île qui s’abime dans la mer avec un orage de feu. Le conte commence le voyage est presque terminé, c’est une histoire fulgurante, très courte, racontée en première personne par un homme de mer qui s’était embarqué afin d’arriver à la Nouvelle Zélande.

Ce sera notre narrateur le premier à apercevoir un feu à la distance et à le signaler au Capitaine du navire, Mr Watt. Jusque à ce point, écriture et narration par images marchent ensemble. Et pourtant, à partir de la cinquième table nous commençons à apercevoir que quelque chose ne fonctionne pas. Dans le plan que le Capitaine Watt regarde, ce ne sont pas les eaux du Pacifique à être représentées mais le Golfe de Mexique: une tache mat, marquée par une croix rouge, ensevelit la carte. En partant de cette table, lentement, le mystère se dévoile.


Nous ne sommes plus en train d’observer un ile mais une plate-forme pétrolifère en flammes.


Les eaux se chauffent dangereusement, le navire a une avarie aux moteurs et est forcée de déployer les voiles dans l’espoir qu’un souffle de vent commence à souffler. L’écriture de Salgari a sans doute le don de nous projeter âme et corps dans les histoires racontées, et pourtant, la correspondance entre les faits racontés dans l’histoires et ceux plus récents du Golfe de Mexique, auxquels les images s’inspirent, rendent l’impact encore plus perturbant.


Cette opération de juxtaposition du conte salgarien avec la chronique du Mexique, n’est pas simplement une idée intelligente et innovatrice, elle est aussi profondément respectueuse de la philosophie à la base de la ligne narrative salgarienne, à propos d’inspiration à l’actualité et de la représentation de cet expansionnisme technologique mis en œuvre en dépit de tout que, à ce qu’il paraît, n’a pas encore cessé avec la fin du XIXème siècle.


Non seulement, tout en laissant intacte la saveur d’aventure et le gout du danger du conte de Salgari, cette idée en effet actualise le récit, elle le rend plus proche dans toute son improbabilité à une réalité que, malheureusement, nous connaissons bien.


Je pense que c’était un choix consciemment hardie, dicté par un fort sens civil et écologique, une manière pour approcher les plus jeunes aux conséquences de ce que Tropea appelle: "...la espansione del progresso (la rapina anche, e la prevaricazione) ad opera dell’uomo occidentale..."*


Les splendides aquarelles de Luca Caimmi remplissent les pages avec vigueur et conscience. La vague noire que lentement se forme pour enfin envahir presque entier l’espace de l’illustration, présage de désastres menaçants, semble brouiller toute surface : le ciel, la mer, le navire, les hommes réduits à simples ombres défaites dans la lueur de l’incendie. Mais le matin, l’île disparue dans les profondeurs des océans, c’est le feu qui prends l’avantage...


Et alors tout reprends forme, consistance, la nuit envoutée de sinistres lueurs laisse sa place à la réalité aussi tragique qu’elle est.


Resonnent amèrs les mots:

“...
Una fortuna da raccogliere, e gli isolani non si lasceranno certo scappare una così bella occasione!” ***

quand la fortune à recueillir n’est qu’une tache sombre de pétrole qui étouffe et salit. Dans le texte Salgari parle des poissons morts à cause des eaux surchauffées, conséquence de l’incendie de l’île, tandis que l’image de Caimmi nous fait plutôt penser à un triste quant évident paradoxe: l’or noir, raison de guerres, de stratégies politiques et économiques, est hors contrôle des hommes, il envahit la nature, emportant des équilibres précieux, tandis qu’à l’homme ne reste qu’une pêche désespérée et minutieuse dans la tentative de réduire le plus possible les dommages.


En fermeture d’album cette table magnifique, sans mots car tout est superflu vis-à-vis d’une scène pareille:


Un livre très bien soigné, comme dans la meilleure tradition de la maison d’éditions romaine, la graphique attentive souligne et renforce le lien entre texte et images. Un inoubliable enseignement pour ceux qui ont envie de transmettre à leurs fils le respect pour l’environnement.

Luca Caimmiillustrateur de la région des Marche, a obtenu plusieurs reconnaissances parmi lesquelles le Premio Andrea Pazienza, il a été sélectionné à la Foire de Bologna en 1998 et en 1999. Il a publié plusieurs livres parmi lesquels, en 2009, La Nave, par Antonio Koch, pour les Editeurs Topipittori et, en 2010, il a participé à une exposition collective titrée Banchi di Nebbia, dont Orecchio Acerbo a pubblié le catalogue. Voici son blogue:   http://lucacaimmi.blogspot.com/ 




* Mario Tropea, Emilio Salgari, un "classico" della letteratura italiana, Agorà VII (a. II, Ottobre-Dicembre 2001)
"... l’on peut affirmer que les raisons de l’intérêt pour l’œuvre de Salgari dérivent de cette habilité qu’il avait d’interpréter, à niveau directe et aidéologique, d’écrivain de race et instinctif, “élémentaire”, justement, et pour cela encore plus convaincant, les tendances et les mythes de la réalité de 1800, comme l’exotisme, le rêve de conquête et de mouvement, la diffusion mondiale, l’appropriation planétaire, l’expansion du progrès (le vol aussi, et la prévarication) œuvré par l’homme d’occident en dépit du globe entier. ..."
** : "...l’expansion du progrès (le vol aussi, et la prévarication) œuvrée par l’homme d’occident...", Ibidem.

*** “...Une fortune à recueillir, et les habitants des îles ne se laisseront pas échapper une si belle occasion!” L’Isola di Fuoco.


Copyright© texte et images, Ed. Orecchio Acerbo 2011. Les images ont été publiées avec la permission de l’éditeur, toute reproduction étant sévèrement interdite

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