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jeudi 22 avril 2010

Migrando - Orecchio Acerbo

A tous ceux qui pensent que les livres pour enfants doivent gazouiller gisement, soulager, entretenir, représenter un monde d'idylle, voici une réponse concrète








Migrando, de Mariana Chiesa Mateos, Orecchio Acerbo Editeur, mars 2010.

un album où les nouvelles de chronique mettent des images évocatrices et touchantes, où chacun de nous pourrait retrouver un petit fragment d'histoire familiale froissée par le temps. Un beau livre, un livre juste, sans mots, qui arrive jusqu'au nœud du problème de l'émigration sans offrir des solutions, ni donner des jugements, un livre où l'auteur se met à la place de ceux qui furent et qui sont encore en migration.

Je vous avais déjà parlé de cet album dans un autre post, à l'occasion de la Foire de Bologne, pourtant, vu sa portée, j'avais pensé plus sage de vous renvoyer à un moment plus tranquille, pour me donner l'occasion de vous en parler de manière plus approfondie.

J'ai réfléchi longuement à propos de la marque que je voulais donner à cet article, j'ai feuilleté le livre plusieurs fois. Comme d'habitude je l'ai abandonné pour quelques temps, afin de laisser que les émotions et les sensations que j'en avais éprouvé ne forment un sédiment, en attendant le bon moment pour passer à l'écriture. Et le bon moment est arrivé ce soir, tandis que j'étais sur mon balcon. Vous-vous demandez la raison pour laquelle je vous raconte de ce particulier si insignifiant? Car, lorsque j'étais sur mon balcon, je me suis souvenue d'un épisode singulier: il y a quelques temps j'étais en librairie, je feuilletais quelques livres quand je vois entrer un père avec sa petite fille, d'environ deux ans, jusqu'à là rien d'étrange, puis, soudain, en voyant un merveilleux objet exposé à la hauteur optimale, l'enfant se bloque, fatalement attirée elle arrache son père par les pantalons et crie: "papa, regadde le  pappamondo*!".

Une fois évanouie l'inévitable sourire qu'encore aujourd'hui me provoque cet épisode, lorsque j'étais sur mon bacon, balai à la main, j'ai été frappée par la synthèse parfaite de cette phrase aux plusieurs, inconscientes, significations. C'est quoi, enfin, l'un des instincts qui guident chaque être vivant du premier instant de vie? La nourriture très probablement. Et alors voilà que le monde, à travers les exigences simples et pragmatiques d'un enfant aussi petit, devient un  pappamondo*.

L'absence de nourriture, de bien-être en étendant l'idée de manière plus ample, est l'une des raisons d'actions différentes parmi lesquelles l'émigration aussi. Et voilà que l'on comprend ce regard, plein d'espoir et d'attentes qu’hier, comme aujourd'hui, mène autant de personnes à abandonner leur pays pour aller là où ils espèrent trouver une vie meilleure.


Ce regard au sourire triste, car abandonner sa maison n'est pas facile même si parfois il est inévitable, ce regard que semble nous dire que le passé est toujours actuel, que les nécessitées d'hier sont les mêmes d'aujourd'hui, que l'homme, enfin, ne change pas.

Loin de moi la volonté de banaliser un phénomène sociologiquement aussi complexe, comme l'émigration, n'en reconduisant les raisons à la seule nécessité de se nourrir: traiter un sujet pareil demanderait bien plus de temps et d'espace, avec des compétences que, franchement, je ne possède pas. Je suis en tout cas convaincue qu'essayer de comprendre les raisons de ceux qui arrivent dans nos pays n'est que le premier, timide, pas vers une intégration vraie et consciente. Je crois aussi que ce livre pourrait être un instrument parfait pour aider nos enfants à comprendre ce qui se passe autour d'eux.

Comme je vous le disais auparavant, cet album illustré est sans mots, ce que je ne vous ai pas dit c'est que Mariana Chiesa Mateos commença ce projet il y a presque deux ans: elle montra, à ceux qui devinrent ses éditeurs, un film qu'elle venait de tourner dans les mois précédents. De ce long film vint l'idée du livre que nous voyons aujourd'hui.

Comme beaucoup d'albums sans texte, Migrando aussi se remets à l'utilisation de l'image en séquence: en employant la technique du montage cinématographique. En petits fragments, Mariana Chiesa Mateos arrive à illustrer, avec maîtrise et sensibilité, l'histoire d'une jeune fille partant en voyage avec ses parents: nous n'avons aucune idée d'où elle ira et néanmoins si elle revenait, peut-être qu'elle est partie pour une vacance, nous savons seulement qu'elle est triste, qu'elle voudrait s'envoler sur les ailes d'un cygne et revenir d'où elle était venue


elle voudrait rentrer pour voir quelqu'un qu'elle a laissé, peut-être une grande-mère, et l'écouter encore raconter de comment autrefois les gens, à cause de la guerre, avaient abandonné leur pays pour aller recommencer une vie autre part. Avec elles nous voyons les combats dans les bois et les soldats qui meurent, tandis que les oiseaux effrayés par les détonations s'enfuient, nous voyons les grands navires arriver et repartir pleins de leur fret humain, nous les voyons traverser l'océan et déposer les personnes de l'autre côté. Nous les observons, ces émigrés chargés d'espoirs et de peu de choses, ils sont prêts à se lancer vers le futur, à bâtir une maison, à commencer une nouvelle existence, tous ensemble. Nous voyons leurs yeux intenses, les foulards sur les cheveux, les enfants enveloppés dans les couvertures comme des petites chrysalides. Nous les voyons marcher avec confiance vers leur futur et nous espérons avec eux.

Puis, dans une rencontre qui parait un enlacement, la première partie du livre termine pour laisser sa place au présent: nous tournons le livre pour rencontrer à nouveau la jeune fille grandie, nous la voyons embrasser fort ses chers et partir. Encore une fois nous ne savons pas où elle ira, ni pour combien de temps, nous savons simplement qu'elle est triste car elle abandonne ceux qu'elle aime. Nous savons qu'elle ira loin cette fois, car nous la voyons monter sur un avion. Dans cette dimension indéterminée qu'est l'espace observé par un hublot, où tout est en même temps immensément petit et immensément grand, la jeune femme voyage solitaire, perdue dans ses pensées. Et pourtant le monde, en bas, offre un nouveau spectacle à observer: des navires apparaissent à nouveau, non, c'est des bateaux, petits, noirs, bondés de gens;


un peu plus loin des touristes, insouciants, sont détendus sur la plage. Quelqu'un finalement voit les bateaux et cour au secours de ceux qui se lancent dans la mer. Mais cette fois il y aura la police à accueillir les naufragés une fois qu'ils arrivent sur la plage, une maman couvre les yeux de son enfant pour qu'il ne voie pas, d'autres restent impassibles sur leurs matelas ensoleillés. Les nouveaux immigrés sont accueillis par des camps cloutrés par du fil barbelé, des lieux d'où ils désirent s'échapper pour poursuivre la liberté dont ils rêvaient. Nous ne connaissons pas leurs destins, enfin, il s'agit d'une histoire qui s'écoule sous nos yeux, jour après jour.

Quant à moi, j'espère simplement qu'ils peuvent trouver un accueil meilleur que celui qu'on voit chaque jour à la télé.

S'il est vrai que nous sommes un peuple d'émigrants, il est aussi vrai que dans les derniers cinquante ans nous nous sommes retranchés derrière nos petites richesses. Il est difficile de renoncer au bien-être, et pourtant, si seulement nous nous arrêtions un instant pour réfléchir, nous saurons sans faute qu'il n'y a aucune garantie de ce que le futur nous réserve, et si ce qui nous attend c'est d'être des émigrants à nouveau, alors peut-être nous pourrons bien nous demander: quel type d'accueil souhaiterons-nous recevoir?


* La traduction du terme italien Pappamondo n'est pas possible, la signification de pappa est bouillie, l'enfant avait donc mélange le mot mappemonde avec le mot pappa = nourriture, d'où le jeu de mots.

Copyright © texte et images de l'éditeur Orecchio Acerbo 2010. Les images ont été reproduites avec la permission de l'Editeur.

samedi 3 avril 2010

Le Salon du livre et de la Presse Jeunesse EST EN DANGER!



Je vous écris quelques mots relativement à des événements importants: le Salon de Montreuil, et par conséquence toutes les activités corrélatives, et l'Association Livres au Trésor sont en grave danger.


Le plus important bailleur de fonds du Salon, c'est-à-dire le Département 93 Seine-Saint-Denis, a décidé de couper brutalement les fonds destines à cette importante réalité liée à la littérature juvénile. Semblablement, de manière assez brutale, le même processus s'est passé pour les Livres au Trésor.

Triste de le devoir admettre mais, si cela se passait en Italie, nous n'en serons pas trop surpris. Ce que je trouve très préoccupant c'est que ce triste signal nous arrive de France, le pays où il y a toujours eu une importante politique culturelle, en défense des petits éditeurs et de la variété expressive et culturelle.

Ces événements, je crains, pourront avoir des répercussions dans d'autres pays aussi, être pris comme exemple "politique" (même en ayant rien d'exemplaire), comme le signal d'une volonté d'uniformiser l'expression culturelle en la confiant entièrement dans les mains des grandes (numériquement) maisons d'édition.

Je vous prie de vouloir signer la pétition, même si cela n'a rien à voir avec votre pays car, comme je dis d'habitude:


la culture est liberté: défendons-la!



Pour soutenir les Livres au Trésor: http://soutienlivresautresor.over-blog.com/
La pétition pour le Salon: http://www.salon-livre-presse-jeunesse.net/petition/