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jeudi 4 novembre 2010

Une promenade à Macerata: interview avec Eva Montanari

L'été dernier je suis allée à Macerata, où l'association Ars In Fabula tient des cours d'illustration pour ceux qui voudraient devenir illustrateurs jeunesse. En effet j'avais été invitée par l'association afin de voir le fonctionnement de leur Master que, à vrai dire, a déjà produit des résultats remarquables quant à projets édités (comme par exemple, pour ne mentionner que les deux plus récents, La Governante de Sara Gavioli, ou la version de I Promessi Sposi, dans l'interprétation d'Umberto Eco pour Scuola Holden, illustrés par Marco Lorenzetti).



Parmi les enseignants des cours il y avait elle: Eva Montanari, une petite fée en chair et os! Menue, gracieuse, toujours souriante, Eva est la personnification de certain de ses personnages. Née à Rimini, Eva a eu un parcours artistique apparemment linéaire et pourtant intense, c'est une des illustratrices italiennes les plus appréciées et publiées à l'étranger: à part l'Italie, elle a publie aussi en France, Espagne, Japon, Taiwan et aux Etats Unis. Parmi les autres, en France elle a publié: Où êtes-vous Monsieur Degas ? pour les éditions L'Atelier du Poisson Soluble (titre originel publié aux USA avec Abrams Books), Baguette magique et chapeau pointu pour Milan Presse, Joyeux Noël Petit Diable! pour Sarbacane et, pour les Editions Oqo, Quelques Gouttes en Ville!

Auteur tout rond, Eva ne s'arrête jamais, elle est en évolution perpétuelle, toujours à la recherche de nouveaux parcours à expérimenter : c'est justement grâce à son innée curiosité qu'elle est arrivée à la sculpture aussi, avec des résultats surprenants et poétiques. Même si elle dit que, enfant, elle était plus intéressée aux ménages qu'à l'illustration…


Mais je vous ai déjà pris assez de temps, partons avec l'interview.

Bonjours à tous, ce matin j'ai le plaisir d'avoir avec moi Eva Montanari, une des illustrateurs, et auteurs italiens, les plus publiés en Italie et à l'étranger. Ciao Eva.

Ciao

Eva, je voudrais partir avec une question personnelle: j'aimerais savoir s'il y a un lieu de ta ville, ou un lieu en tout cas spécial, auquel tu te sens particulièrement liée.

Un lieu de ma ville... Peut-être parce-que c'est l'été et aussi car je suis née à Rimini, à deux pas de la plage, je réalise seulement maintenant que je ne pourrais jamais vivre dans une ville sans la mer. Vivre pour toujours au moins. En réalité j'aime beaucoup voyager, j'aime aussi l'idée de ne pas avoir un seul lieu où m'enfermer, entre quatre murs, quelque chose d'établi disons. Mais, lorsque je reviens à Rimini, je me rends compte que la mer était ce qui me manquait le plus, ce que je rêvais lorsque j'étais très fatiguée, ce dont je rêve en tout cas, l'été comme l'hiver.


Je comprends très bien, même si je suis née dans la pleine du Pô et c'est un peu différent. Quand tu étais enfant, c'était comment ton rapport avec la lecture, avec les livres?

J'ai toujours aimé lire. Ma mère me lisait plein de livres, elle a toujours été une grande lectrice. Mais comme sa famille n'était pas une famille cultivée, mes grands-parents étaient des paysans et ils étaient presque illettrés, chez elle il n'y avait pas un véritable patrimoine en livres, elle allait plutôt les prendre à la bibliothèque. Quand j'étais enfant il n'y avait pas beaucoup de livres à la maison, ma mère nous lisait toujours ceux qu’il y avait avant de se coucher, tant que moi et ma sœur nous les connaissions par cœur. Apres cette première période, j'ai commencé à lire tout ce que je trouvais, à l'école primaire j'ai lu avec avidité la collection entière des policiers d'Agathe Christie. Je n'ai pu comprendre ce que c'était la littérature que plus tard, mais peut-être ça a été amusant de découvrir la lecture ainsi, avec des livres qui n'étaient pas exactement appropriés pour mon age : je me souviens avoir lu aussi quelques-uns des best sellers de Ken Follett. C'étaient des lectures passionnantes car elles traitaient des thèmes d'adultes, et cela a déchaîné mon goût pour la lecture. Je n'ai découvert la plupart des “classiques” que plus tard.


Peut-on donc affirmer que, même si ces lectures n'étaient pas pour ton age, peut-être elles t'ont en quelque manière donné une vision différente des choses...

Je ne sais pas si elles m'ont donné une vision différente. Peut-être que ce qui m'attirait le plus c'était autre chose. Les policiers, par exemple, qui sont tous construits en suivant une structure sérielle, visant toujours à la recherche du coupable, m'attiraient beaucoup plus lorsqu'il y avait une explication de la psychologie des personnages. Ceci me plaisait car, en quelque mesure, il me permettait de tracer une sorte d'éducation sentimentale, ce qui est très important quand on commence à comprendre qu'il y a des gens qui pensent différemment par rapport à nous. Même si, à être sincères, dans certains livres les explications sont assez évidentes: tout est dit et le lecteur n'a pas beaucoup d'espace pour son imaginaire.



Ce que tu viens de dire me fait penser à quelque chose que tu racontais, à propos de ta curiosité vers les personnages des tableaux. Je pense en particulier à un de tes derniers livres, Chasing Degas, où tu es partie d'un particulier d'un tableau pour arriver à un produit fini. Est-ce que cette curiosité, relativement à la psychologie des personnages, peut se transformer dans un 'frétillement' d'auteur à un moment donné?

Les personnes m'intriguent: je me rends compte de comment il est difficile de connaître soi-même déjà, et penser pouvoir interpréter ce que les autres pensent est encore plus compliqué. Certes la leçon de la littérature est un grand enseignement, car elle te permet de vivre des vies qui ne ressemblent la tienne dans le moindre détail, des vies qui ne sont pas fondées sur les mêmes principes et let même aspirations que la tienne. Pour autant que l'on puisse être ouverts à la contamination du monde, nous sommes faits ainsi, nous sommes cette personne là: c'est pour ça que la possibilité de “vivre les vies des autres” m'intéresse. Découvrir comment les personnes réagissent dans des situations particulières me passionne, et me pousse à me confronter avec mes éventuelles possibles réactions.


Chasing Degas, Illustrations © 2009, Eva Montanari. Published by Abrams Books For Young Readers, an imprint of Harry N. Abrams, Inc., New York. All rights reserved.


Eva, tu es illustrateur et auteur de la plus part de tes livres. Ceci m'intéresse particulièrement car, en effet, cela te donne une plénitude artistique, c'est à dire que le produit qui en sort est quelque chose d'absolument personnel. Peut-tu nous raconter comment naissent-elles les idées d'Eva?

Bon, c'est toujours différent. Mais tu le disais correctement: le processus créatif qui origine le livre, plus que le produit fini, c'est la partie la plus belle pour moi. Même si ce n'est pas vrai pour tour les livres dans la même mesure, sur cette intuition initiale s'insèrent des interventions suivantes, des interventions fruit de l'apport critique de ceux qui contribuent à la production d'un livre. Au contraire, le processus créatif qui l'origine, quand on ne sait pas encore ce qui en sortira, quand' on a une illumination et on essaye de l'élaborer, là c'est le moment magique. Parfois les idées ont origine dès quelque chose qui se passe et qui ne t'abandonne pas, parfois c'est des images te suggérant un parcours.

Souvent, ceux qui me connaissent bien, en regardant des tableaux que j'ai faits, m'ont dit qu'ils y reconnaissaient quelque chose qui m'appartenait profondément. Les images, et les histoires que l'on invente sans un but précis, étonnent en premier leurs créateurs. Il y a des métaphores, apparemment inoffensives, qui dévoilent des contenus autant mystérieux pour le public que pour l'artiste. C'est charmant.

Chasing Degas, Illustrations © 2009, Eva Montanari. Published by Abrams Books For Young Readers, an imprint of Harry N. Abrams, Inc., New York. All rights reserved.

Comme j'ai eu l'occasion de faire ta connaissance, je dois dire qu'en effet il y a une correspondance entre la grâce de tes illustrations et la personne. Tes images sont toujours pertinentes et, en même temps, elles ont aussi un sens de grâce, d'harmonie de composition.



Chasing Degas, Illustrations © 2009, Eva Montanari. Published by Abrams Books For Young Readers, an imprint of Harry N. Abrams, Inc., New York. All rights reserved.

Je sais que maintenant tu tiens des cours pour les jeunes qui voudraient commencer ce métier: sans doute beaucoup d'entre eux ont des idées mais, parfois, ils ne savent pas comment les développer. Justement tu es auteur et illustrateur, comment peux-tu les aider?

Dans les cours je parts toujours avec un exercice qui est aussi une sorte de jeu. Dans le passé, par exemple, nous avons fait des études d'anatomie ensuite élaborés; l'année passée j'ai même mimé des situations, faisant semblant d'être triste, effrayée, en colère, mettant en scène des drames, faisant semblant de m'arracher les cheveux…






Ces études d’après nature ont ensuite été la base d’un travail d'élaboration. Le “jeu” de cette année était de choisir des mots du dictionnaire au hasard et, ensuite, essayer de “centrer” littéralement la définition avec une image. Ceci était le départ. Je les fais dessiner beaucoup. Nous sommes partis avec la lettre A et, ce matin, nous sommes déjà à la lettre G, et pourtant je peux voir des changements déjà, des mains se sont débloquées, des esprits se sont ouverts. Par rapport à l'application d'une technique de manière précise et scolastique, ce que j'aime moins enseigner car c'est déjà un passage suivant et un parcours de recherche très personnel, dans ce moment je voudrais qu'ils laissent émerger leurs personnalités.

Je les fais esquisser beaucoup et en vitesse, ils ne doivent pas poursuivre le beau dessin mais l'idée, car je pense que c'est dès ce type d'exercice que la personnalité de chacun peut sortir. Apres une inévitable phase de bloc, c'est exactement d'un petit et géniale croquis que, d'habitude, naît l'incipit pour une idée narrative à transformer dans un story-board dans le peu de temps qui nous reste à disposition. La première étape du cours de cette année c'était de créer un dictionnaire personnel dans un petit bloc-notes dédié aux croquis.

L'étape suivante sera de reconnaître, parmi ces croquis (pas de beaux dessins, pas de clair-obscur et néanmoins de couleurs pour le moment!) une trace à développer que, j'espère, sera comme une petite semence germée pendant le cours, un grain qu'ils continueront à arroser et à soigner, lorsqu'ils seront tous seuls à la maison.


Très intéressant car, souvent, lorsqu’on commence on pense devoir faire immédiatement des dessins fantastiques, finis, techniquement parfaits, tandis que c'est cette recherche, de soi aussi, qui est à la base de votre travail.

Oui, le départ est très frustrant je crois.
Ceux qui peuvent déjà dessiner assez bien sont ceux qui ont les difficultés majeures.
Paradoxalement, les étudiants qui tiennent les crayons dans les mains comme s'ils étaient des bâtons, lorsqu'ils voient la main se dénouer lentement et les images sortir comme par magie, sont les plus satisfaits.
Les étudiants qui sont déjà à un bon niveau ont de la peine à se dégager de cette envie de démontrer (à soi même en premier) qu'ils peuvent faire un beau dessin.
Ainsi qu'il est difficile, pour un illustrateur professionnel, de se libérer de ses modalités, de ses schémas.




Ce parcours m’intéresse beaucoup: la recherche de soi ne s’arrête jamais, du point de vue technique aussi en quelque manière, mais surtout du point de vue de l’approche à l’image, à l’idée. Peux-tu nous parler un peu de l’évolution de ton art. Je sais que tu es en train de faire de choses vraiment remarquables, avec la sculpture aussi, de recherche d’image et de développement de ce qu’était ton début, c’est une évolution importante.

Merci, en effet la chose qui m’intéresse le plus c’est exactement ce type de recherche. J’ai toujours eu le souci de ne pas avoir étudié beaucoup et pour trop peu de temps!), je pensais avoir appris peu enfin (j’aurais voulu m’inscrire à Lettres mais en même temps j’avais envie d’inventer, de créer. Pour des vicissitudes familiales je ne pouvais pas rester longtemps à l’Université, je devais comprendre vite ce que je voulais faire et, heureusement, j’ai su choisir).

Ensuite, le long des années, j’ai compris que la vraie fortune de faire ce métier, consistait plutôt dans la possibilité d’apprendre continuellement, et de pouvoir œuvrer sur soi-mêmes. Une progression professionnelle est possible dans presque tous les métiers, mais ce qui est décidément « difficile » c’est d’avoir la possibilité de tout bouleverser, de but en blanc.
 


Avec ce métier j’ai découvert l’infinie possibilité






A Very Full Morning, Eva Montanari, Houghton Mifflin Books 2006

d’approfondir ce qui m’intéresse.

J’ai rattrapé des sujets que j’avais laissés suspendus, je les ai mis dans le grand pot, les mélangeant avec des nouveaux ingrédients et j’ai attendu de voir ce qu’il en sortait.

En tout cas, bosser sur soi peut être aussi déstabilisant, car on n’est pas capable de le faire, car il s’agit de quelque chose de nouveau, car on essaye d’explorer des terroirs inconnus sans savoir où ils te conduisent. C’est la raison pour la quelle je pense qu’il est important de toujours garder un oeil à l’arrière, à ce que nous étions lors de la décision de tout remettre en jeu. Il est aussi important d’essayer de comprendre ce qui est « bien », car peut-être cela nous donne de la joie et nous relie au fil magique de l’enfance. Ce serait fantastique si l’on pouvait récupérer une partie de cette joie enfantine et la transformer en quelque chose de nouveau. C’est plus ou moins ce que j’essaye, ou que je pense faire.

Donc, effectivement, on ne jette jamais rien. En réalité tout reste, tout revient, mais avec une nouvelle pulsion vers une évolution.

Oui, c’est l’émotion de voir quelque chose de nouveau qui naît. C’est ce qui se passait lors de mes premières expériences où, parmi les frustrations et les croquis recroquevillés, par hasard, j’ai trouvé le chemin qui finalement me correspondait.

A Very Full Morning, Eva Montanari, Houghton Mifflin Books 2006

À l’école je me souviens avoir essayé plusieurs techniques: par exemple je me souviens avoir été passionnée d’aquarelle pour ensuite découvrir que ce n’était décidément pas mon choix. Au départ il y a toujours un grand écueil, celui d’avoir dans la tête des milliers d’images qui ne filtrent pas dans le bras, ils n’arrivent pas à la main et ils ne veulent pas sortir ! Ensuite, à un moment donné, il y a un processus envers où c’est la main qui suggère les idées qui arrivent à la tête pour être élaborées, enrichies et transformées pour revenir enfin à la main. C’est un mécanisme circulaire. Quand l’on découvre cette voie secrète on se sent bien heureux, il te semble que de cette sorte de passage magique puissent arriver des idées, des histoires, des images à l’infini.

En réalité, si l’on se laisse prendre par ce mécanisme, les mêmes personnages que l’on avait déjà connu il y a quelques temps reviennent toujours, peut-être qu’ils ont laissé pousser des moustaches, ou qu’ils ont mis un chapeau à cacher les yeux. Pourtant, en définitive, ils n’ont rien de nouveau à raconter. Dans ce cas l’écoute est fondamental: si nous avons arrêté d’écouter et de regarder, il faut recommencer. C’est un renouvellement perpétuel.


Très souvent, vis-à-vis des difficultés, les personnes s’effrayent et ont la tendance à se bloquer. Mais tu es en train de me dire que, dans quelques cas, la difficulté peut être salvatrice, que cela peut être le début pour quelque chose de différent.

Pour moi la difficulté est salvatrice, enfin peut-être que je le dis à cœur léger dans le sens que pour moi elle est salvatrice dans l’art, dans le dessin, dans l’écriture, alors que cela m’effraye beaucoup dans la vie! Il est bien plus facile de se mettre en jeu sur une feuille de papier où, si quelque chose ne marche pas, l’on peut tout jeter pour recommencer à nouveau. Dans un parcours artistique, c’est toi qui es en jeu, toi seulement avec tes possibilités.
Dans la vie il y a aussi d’autres personnes et leurs vies.
Je dois admettre que, dans la vie réelle, je suis souvent effrayée.

Tempo d'Instabilità, Eva Montanari, Tricromia, 2010

Je pense que c’est humain, sinon tu serais une machine parfaite. En revenant à notre discours précédent: j’ai eu l’occasion de voir tes sculptures, splendides, pourrais-tu nous dire quelque chose à ce propos?

Oui. Depuis des années, lorsque j’avais un peu de temps, je m’amusais à voir comment les personnages, que d’habitude j’essaye de faire tridimensionnels sur papier, pouvaient devenir tridimensionnels dans l’espace. Pendant que je faisais ces expériences, j’avais toujours des idées narratives dans ma tête car, pour moi, les images amènent toujours une histoire avec elles...

Tempo d'Instabilità, Eva Montanari, Tricromia, 2010
Comme je ne suis ni peintre ni sculpteur, chaque oeuvre a été le point de départ pour quelque chose, peu importe si c’était un conte ou une simple illumination: j’espérais que ces personnages pouvaient en quelque manière se raconter. D’après ce principe j’ai crée un livre où tous les personnages se promènent un parapluie dans la main: j’ai imaginé les habitants d’une ville, encadrés du haut et un peu cachés par leurs abris, à peine touchés par quelque goutte de pluie qui les accompagnent un instant pour s’évaporer enfin.



Ce dernier livre dont tu fais référence est sorti en Espagne et en France [pour OQO Editora] n'est ce pas?



Oui, mais il sortira en Italie aussi.




Avec quel éditeur?

Avec Logos, le titre est “Quante gocce in città







Dernière question: as-tu quelques nouveaux projets en chantier?

Oui, j’ai un projet presque accompli, même si le coté technique n’a pas encore été défini. Mais c’est un projet que j’ai temporairement mis de coté et que je voudrais reprendre après. J’aimerais qu’un peu de temps se passe pour le regarder à nouveau avec du calme et vérifier si tout « fonctionne ». J’y ai bossé pour pas mal de temps et il s’agit de quelque chose de très différent par rapport à ma production précédente. Puis il y a d’autres petits projets auxquels je suis en train de travailler, c’est enfin des projets plus en ligne avec mon parcours précédent que, tout de même, me passionnent. Au contraire le premier projet dont je te parlais est absolument nouveau, je dois avouer qu’il m’a vachement surprise.

A ce point je suis très curieuse, je voudrais tout voir!

J'ai les dessins ici, je peux te les montrer si tu veux, ainsi tu me donnes ton opinion.

Bah oui, je le sais, je suis privilégiée, si vous m'enviez énormément sachiez que je le comprends très bien. Eva, je te remercie vraiment pour ta disponibilité et générosité dans cette conversation, j'espère que ton témoignage peut illuminer ceux qui pensent entreprendre ce métier. Ce n'est pas facile de trouver une confrontation avec un auteur déjà affirmé. Ça a été un véritable plaisir de faire ta connaissance et de pouvoir parler avec toi. Merci.

A toi.



Une petite remarque à l'interview:

* D'autres fantastiques sculptures, avec des tableaux aussi, qui ont été le sujet d'une exposition en octobre 2009, ont inspiré la publication d'un charmant volume titré Tempo d'Instabilità, pour Tricromia
Fil conducteur des œuvres le temps, dans son acception plus vaste, un temps métaphysique, intérieur, désuet, un temps de changements!

Tempo d'Instabilità, Eva Montanari, Tricromia, 2010


Le Pivot Questionnaire de Seven Impossible Things Before Breakfast:
 
7-Imp: Quel est ton mot préféré?

Incongruo = Inadéquat.


7-Imp: Et celui que tu aimes le moins?
Ineluttabile = Inéluctable.


7-Imp: Qu'est-ce qui allume ta créativité, spiritualité ou émotivité?
La “beauté” rencontrée par hasard.
L'envie de raconter et d'inventer qui arrive à chaque fois inattendue.


7-Imp: Qu'est-ce qui t'étend?
Oublier quand c'est le temps de changer.
L'enracinement d'habitudes agissant à ma place.


7-Imp: Quel est ton gros mot préféré?
“Porca paletta!” [il n'y a pas de traduction correspondante, la traduction littérale serait “putain de palette”]
Ce n'est pas vraiment un gros mot mais, plutôt, un mot “qu'il vaut mieux ne pas répéter” comme me l'expliqua ma mère lorsque, âgée de cinq ou sis ans, elle m'a entendu répéter une des expressions qu'elle disait fréquemment. Sauf: moi je connectais ce mot à la palette verte que nous utilisions pour ramasser la poubelle.

Vas savoir pourquoi porca?

Tempo d'Instabilità, Eva Montanari, Tricromia, 2010

7-Imp: Quel est le son ou brouit que tu aimes le plus?

A l’aube, les discussions entre oiseaux qui s'insinuent dans les rêves.
Qui est-ce qui a raison?
Qui est-ce qui fait semblant?
Qui est-ce qui nie?


7-Imp: Lequel tu détestes?
bruummmmmm


7-Imp: Quelle profession, exception faite pour la tienne, voudrais-tu expérimenter?
Parfois j’ai l’impression de simplement seconder mes inclinations et mes désirs, je ne sais pourtant pas dire si j’ai le droit d’appeler la mienne une vraie « profession » …
Et tout ce que je voudrais essayer à peu en commun avec une vraie “profession” enfin.
J’ai tendance à faire cette distinction car mes parents avaient une pâtisserie, où moi aussi j’ai bossé pour quelques temps. Quand je me réveille, effrayée, en me demandant si je suis en train de faire toujours et seulement ce que je désire, je reviens à ces jours à la pâtisserie.
Seulement maintenant j’arrive à attribuer la juste valeur à ces incursions que je fais dans le concret.

Tempo d'Instabilità, Eva Montanari, Tricromia, 2010


7-Imp: Lequel tu ne voudrais jamais faire?

Je crois que je serais mécontente dans tout boulot qui n’ait pas d’aspect créatif aussi (entendu comme «invention»), mais qui sais: peut-être, si je faisais un bulot plus pratique, je pourrais retrouver ce temps mystérieux duquel je n’ai que des mémoires vagues, ce que l’on appelle le temps «libre». Ce temps magique que je pourrais employer en essayant de faire ce que je fais maintenant et que, parfois, j’appelle «métier».
Ce serait un temps précieux.
Et peut-être je serai heureuse.


7-Imp: Si le paradis existe, qu'est-ce que tu voudrais que Dieu te dise lors de ton arrivée?
-Tu peux faire un tour et repartir-
(si Dieu sait tout, il devrait savoir que j'ai laissé quelque chose à terminer…)



Un merci spécial, pour avoir permis l'utilisation des images, va aux éditeurs: Abrams Books, Houghton Mifflin, OQO Editora, Tricromiaà Ars In Fabula pour la collaboration et l'assistance exquise.



Copyright© texte et images comme sur les mêmes. Les images ont été reproduites avec la permission des Editeurs, toute reproduction étant interdite.

dimanche 17 octobre 2010

Mumi Senza Memoria - Recension et Intervew avec Gabriele Clima

Mumi Senza Memoria de Gabriele Clima, illustrations de Chiara Carrer, Collection Libricuoriefiori - 6, Editions Il Gioco di Leggere, 2010

Mumi est un enfant qui n'a pas de mémoire, jamais un enfant a été comme ça. Mumi ne se souvient de rien: si quelqu'un lui vient de voler quelque chose sous son nez, une seconde après il l'a déjà oublié. Dans le pays où il habite tout le monde le sait, et ils se profitent bien de sa mémoire fragile: ils se moquent de lui avec cruauté, ils lui volent ses chaussures, et pourtant il a toujours un beau sourire sur ses lèvres. Suivi fidèlement par le fil rouge qui le reconduit à sa maison, sinon il oublierait d'en avoir une, nous le regardons pris tout simplement à vivre, sans exigences particulières, sans fastes inutiles, content de rester sous un arbre pour un petit somme, plutôt que dans le potager pour ramasser les fruits de la récolte. Est-ce que vous pensez qu'il est un idiot? Même si le personnage décalque sommairement la figure de l'idiot du village, en réalité dans la figure Mumi il y a beaucoup plus que ça: il vit dans le présent, il ne se souvient pas du passé et le futur ne le préoccupe pas du tout car, son existence, est scandée du passage d'un temps intérieur plus que par le temps cruel qui nous emprisonne tous. Dans la frénésie du quotidien nous perdons le sens de nous mêmes et pourtant, lorsque cette sacrée fureur nous manque, nous ne savons pas comment réagir: pour Mumi la frénésie n'existe pas et, quand dans son village arrive un riche dandy et la pagaille déchaîne, il ne s'en aperçoit presque pas. Mumi n'est pas intéressé par la richesse, il ne connaît pas d'envie, il voit le pays se vider lentement et les gens de plus en plus tristes et méfiants. Jusqu' à quand.... bah, je ne vais pas dévoiler la fin du livre maintenant, même car “je l'ai déjà [opportunément] oubliée!


Les illustrations de Chiara Carrer sont, comme d'habitude, incroyablement en syntonie avec le texte: son interprétation de l'histoire respecte pleinement la simplicité de Mumi, elle soutient le rythme dramatique du conte, elle dépouille sans pitié la sensation de solitude, la peur et les petites mesquineries des habitants du village. La sensibilité artistique de Carrer, qui suce directement du moelle de l'histoire, nous accompagne discrètement mais avec grande force et rigueur aussi: une grande, très grande, artiste capable de recouvrir chaque histoire qu'elle illustre avec une simplicité et une facilité que seulement les personnes cristallines arrivent à avoir.


Avant de passer à l'interview avec Gabriele Clima, quelques mots sur illustrateur et auteur:

parler de Chiara Carrer est une tache très difficile, premièrement car elle est l'un des illustrateurs que j'aime le plus, ses illustrations m'inspirent toujours lorsque je les regarde, et deuxièmement car son curriculum est vraiment énorme. Chiara a reçu des reconnaissances très importantes le long de sa carrière et, je crois, elle est destinée à en recevoir encore beaucoup d'autres. Parmi les prix qu'elle à gagne, je ne mets que quelques-uns: Apel les Mestres (1994), Prix Unicef (1995), Prix Andersen (1999),  Prix Bologna Ragazzi 2000 et, pour terminer, le Prix Golden Apple à la Biennale de Bratislava (2003).
Son art est incomparable, si je devais la définir avec quelques adjectifs je l'appellerai raffinée et franche, granitique et poétique, solide et rêveuse. De ses tableaux je ma laisse enchanter par les détails, par la sensibilité extrême avec qui elle s'approche des sujets, le sens d'équilibre et les cadrages seulement apparemment casuels, l'étude et le soin qu'elle met dans chaque tableau et qui transparaît dans ses livres. Je pourrais parler d'elle longuement mais, pour le moment, il vaut mieux s'arrêter ici!


 Gabriele Clima est un personnage vraiment particulier: il dit de soi même qu'il vit un peu dans son monde à lui et pourtant, si l'on regarde bien son curriculum, il fait une quantité de choses. Gabriele est le directeur artistique de La Coccinella, pour laquelle il écris et projète des livres ayant sujets  différents pour les ages 0-3 et 4-7, mais ce n'est pas tout: en effet il est directeur artistique aussi pour le Groupe Studioscuola Educational, adressé principalement à la didactique, pour les Edizioni Curci, il est responsable de l'image de la collection Junior et enfin, comme si ce n'était déjà assez, il est responsable aussi pour la collection LibriniLibroni pour les Editions Edizioni Il Gioco di Leggere, avec qui il a publié Mumi. En total il parait qu'il ait projeté, écrit et/ou illustré environ cent livres, de tous les gendres, sans oublier la didactique. Comment il arrive à faire tout cela est toujours un mystère! J'ai connu Gabriele à la foire de Bologna, en occasion de la présentation du livre de poèmes L'Incoronazione degli Uccelli nel Giardino du poète Roberto Mussapi [livre splendide que je vous conseille]. Lorsque l'on arrive les premiers il est facile d'échanger quelques mots et, je l'avoue, la parole ne me manque pas: nous avons donc parlé de tout, je crois l'avoir étourdi à la fin, et bon nous avons échange de numéros de téléphone et de mail et, maintenant, nous voici!

Assez avec mes anecdotes, il est temps pour l'interview

- Raconter demande expérience et, d'habitude, chaque libre raconte quelque chose de celui qui l'a écrit: comment naît-il Mumi Senza Memoria?

En effet Mumi naît d'une expérience personnelle, d'un voyage en train, pendant lequel une mère, qui était assise en face de moi, ne fit qu'apostropher son fils pour tout ce qu'il avait oublie à la maison. Ainsi l'idée de Mumi, du Mumi sans mémoire, est née d'un mouvement empathique ; ce garçon me rassemblait beaucoup. Ainsi Mumi me ressemble. Moi aussi je vis, à ma manière, dans un monde à mesure, j'aime me perdre, rester sous le pommier et suivre, quand je le peux, le fil rouge de mes pensées.

De Mumi, malheureusement, je n'ai pas cette tendance naturelle à l'équilibre qui le caractérise autant fortement. Mais il est assez commun qu'un auteur donne à son personnage ce que, dans la vie réelle, on ne peut pas obtenir avec facilité.

Le personnage Mumi, au contraire, prends ses origines du conte populaire, de l'idiot, du loufoque du village, handicapé par nature et assisté par la Providence qui intervient dans le moment du besoin. Dans le conte de Mumi, à la providence se substitue la conquête d'une conscience commune et des biens sociétaires les plus précieux, la simplicité, le partage.

- Dans l'histoire de Mumi, comme par exemple dans La Coda Canterina qui vient aussi de sortir, le conte est situé dans un village. D'où naît, à ton avis, la fascination pour la vie dans les petites communautés ? Et combien pèse-t-elle la nostalgie pour un style de vie plus simple?

La simplicité est un élément fondamentale dans le conte de Mumi, et le village ou la petite communauté y renvoient directement. Du reste, il est bien plus facile créer une empathie avec un jeune lecteur si le monde qu'on lui offre est doux et récolté. Avant d'être un lieu physique, le village est un lieu de la pensée, à l'abri du reste du monde, de la frénésie, de quoi conque interférence. Les rythmes marquent la vie quotidienne sont ceux qui vont de l'aube au coucher, du soleil aussi que des saisons. Le village rappelle de manière directe et naturelle l'enfantin qui est en nous, notre côté le plus intime et secret. Au-delà de la fable populaire dans laquelle, pour des raisons historiques aussi, le village est presque une constante, je pense à quelques histoires de Max Bolliger ou de Jean Giono. Le village est la manière la plus authentique et aimable de raconter une histoire.


– Dans cet album on retrouve des thématiques importantes comme l'envie, la défiance, le société de consommation sans retenues, la solitude; combien pèsent-ils ces limites dans le quotidien de chacun de nous?

Nous-nous heurtons toujours avec des limites, les nôtres ou ceux des autres. La vie quotidienne, spécialement dans les grandes villes, nous entraîne dans un tourbillon d'intérêts et de convenances, cela se passe aussi fréquemment que, désormais, nous ne le réalisions. Mais aucune lois de nature peut établir qu'il faut que ce soit comme ça. Ce que Mumi nous suggère c'est que nous tous avons la possibilité de ne pas tomber dans le piège. Soit qu'ils le bafouent ou qu'ils lui volent les chaussures, Mumi reste lui-même, indépendamment de ce qui se passe autour de lui. Et non car il est plus idiot ou plus sage que les autres, mais simplement car il jouit chaque jour de ce que la vie lui offre, le potager, la chèvre, les personnes autour de lui. Les limites, ses limites et ceux des autres, ne le concernent pas. C'est ainsi que l'altérité devient un don, et la relation aussi.

- Mumi est un enfant qui vit en transparence, avec cette attitude typique des animaux que Wolf Erlbruch définit: "that's the way we are approach", il paraît ne pas avoir des défenses envers ses proches...

C'est exactement comme ça, il n'en a pas. Mais ce n'est pas casuel. À Mumi, comme aux personnages d'Erlbruch, il ne faut pas des défenses. Pour eux le monde extérieur n'est pas quelque chose dont il faut se protéger, comme souvent nous le faisons, car rien d'extérieur ne peut corrompre la franche simplicité de leur monde intérieur. Si nous lisons Le canard, la mort et la tulipe, nous nous apercevons que le canard ne modifie rien de ses habitudes quotidiennes lorsque la mort arrive. Que la mort soit là – et qu'elle soit là pour elle – s'inscrit dans un cadre parfaitement naturel, c'est la vie, c'est notre vie. Ceci n'est pas de la sagesse ou de la perfection, c'est de la simplicité. C'est profondément différent.

– Penses-tu que Mumi pourrait survivre dans une grande ville?

Je crois que oui. Comme je le disais auparavant, j'ai utilise le village pour commodité, car, étant auteur jeunesse, je cherche une manière directe pour établir une communication. Mais le monde de Mumi c'est un monde universel. Ses modalités de relation fonctionnent partout (c'est enfin le message du livre), ville ou village que ce soit. Mumi vivrait partout à la même manière.

Il est plus difficile pour nous, gens de ville, réussir à vivre à la manière de Mumi. Nous avons beaucoup à perdre, notre modernité, nos conquêtes intellectuelles. Souvent, malheureusement, nous identifions la modernité avec notre temps, moi aussi, tout le monde le fait, c'est un erreur dans lequel il est facile de tomber. Mais la modernité est autre chose : c'est de réussir à récupérer le Mumi qui est en nous sans nécessairement perdre la télé par câble.

Mumi est un enfant qui, au moins au départ du livre, vit aux marges de la société: ridiculisé et dévalisé par ses compatriotes, à la fin c'est lui qui gagne pour son intégrité et son cœur. Est-ce que tu crois que les gens sont encore disponibles à apprendre par les plus simples?

Je le crois, oui. C'est la raison pour laquelle je continue à écrire. On dit que les fils sont meilleures que les pères. Peut-être nos fils sauront reconnaître la valeur de la simplicité mieux que nous. J'ai confiance dans les livres, dans l'exemple et dans tous les Saints du Paradis.


– Le fil rouge que Mumi s’attache à la cheville, est-il le même fil auquel nos vies sont attachées?

Dans l’histoire, le fil est ce qui lie Mumi au monde réel et qui lui permet de ne pas perdre ses références quotidiennes, les lieux, la maison, la vie. Si nous aussi, comme Mumi, puissions rester attachés à notre monde intérieur, peut-être nous ne perdrons pas le chemin si souvent.

Comme elle est l’artiste sensible qu’elle démontre à chaque fois, Chiara Carrer a deviné la grande importance de ce lien. Le fil rouge apparaît dès le frontispice, il s’insère immédiatement dans l’histoire, de manière physique et tangible, presque à devenir une clef d’interprétation.

À ce propos je me suis souvenu de  C’è un filo, un livre sorti récemment pour les éditions San Paolo, une belle histoire de Manuela Monari où, dans une métaphore chrétienne plus visée, c’est exactement un fil qui donne sens et pivot à tout le livre.

- Combien conte-t-il, pour enfants et adultes, réussir à vivre en se dégageant des conventions?

Nous vivons tous dans les conventions, la société même est une convention. Pourtant je ne le vois pas comme quelque chose de négatif. En soi les conventions sont une opportunité, une manière de former des pensées et des modalités communes. C’est ce qui est à la base de toute société. À bien penser, c’est les conventions qui nous permettent d’expérimenter jour après jour le degré de notre civilisation. Du reste le monde animal aussi est fondé sur des conventions; il n’y a pas d’individu, à l’intérieur d’un troupeau ou d’une famille, qui en puisse faire abstraction ou en faire à moins. Presque si la convention c’était une loi de nature, permettant l'agrégation et par conséquent la survivance de l’espèce.

Revenant à l’histoire, Mumi non plus il ne fait pas abstraction des conventions. Il en est pas esclave mais il n’essaye même pas de s’en dégager. Comme dans les livres d’Erlbruch, il les habite, simplement, en balançant exigences et nécessitées avec une enviable naturalité. C’est la force de la simplicité.

– Les illustrations de Chiara Carrer accompagnent le texte avec force, elles en soulignent avec attention les moments les plus poétiques et dramatiques, comment est née votre collaboration pour ce projet?

J’ai toujours admiré le travail de Chiara Carrer, en particulier sa capacité interprétative, l’œil avec lequel elle observe les plis de la réalité qu’elle reproduit ensuite sur la page. Chiara n’est pas simplement une illustratrice, elle est un interprète. Le sien est un dessin riche d’échos et de transparences mais aussi franc et authentique, appelant chat un chat. Chiara a l’habilité d’illustrer une histoire en faisant émerger les silences, les sous-textes, avec un signe que la forme n’arrive pas à contraindre et auquel le lecteur peut assigner son code émotionnel, n’importe lequel. C’est une qualité très rare.

– Combien importe-t-il, dans un livre, raconter l’histoire honnêtement et sérieusement?

Je crois qu’un livre est toujours honnête. Il raconte beaucoup, comme tu le disais avant, de celui qui l’a écrit, c’est pourquoi soit qu’il s’agit de réalité ou de fiction, il raconte de toute façon quelque chose de vrai. A la même manière, un livre est quelque chose de sérieux, non seulement lorsqu’il pousse à la méditation, mais aussi quand il offre du simple passe-temps. Derrière un livre il y a une âme, et une âme est toujours quelque chose de sérieux.

Ensuite il y a, dans quelconque texte, une grande partie de comédie, ou de simulation si vous préférez.

La même, plus ou moins, qu’il y a dans la récitation; l’auteur est comme l’acteur. C’est un élément dont il faut tenir compte dans le processus d’écriture et, personnellement, c’est l’un des aspects les plus charmants de ce métier. Dans un livre on peut mettre un déguisement (d’habitude plus d’un) derrière le parfait paravent de l’invention littéraire. C’est merveilleux. La même chose, dans le monde réel, nous l’appellerons hypocrisie.

– Quel rôle joue-t-il le texte dans un livre jeunesse?

Cela dépend. Exception faite pour les livres didactiques, dont le but est celui d'enseigner et de clarifier, le texte est un instrument expressif aussi bien que l’image. La valeur d’un livre pour enfants se situe dans sa faculté de raconter et donc, texte et images sont utilisés exclusivement en fonction de l’objectif commun. Un livre, enfin, est un système de vases communicants, où le rapport entre texte et images existe seulement dans un cadre d’échange mutuel. Il y a des histoires qui renoncent complètement au texte et pourtant elles ne perdent pas d’efficacité. Je pense à  Migrando de Mariana Chiesa, publié par Orecchio Acerbo, où l’histoire est laissée entièrement aux images. Il n’y a pas de texte, mais le conte est non équivoque, car l’image reverse sur la page tout ce qu’il faut pour comprendre l’histoire. Le texte est une présence invisible, c’est un texte imaginé, raconté à voix basse. Ceci démontre comment une histoire ait plusieurs manières d’être racontée, et le texte n’est pas toujours le moyen le meilleur pour le faire.
 
Encore Erlbruch, qui ne renonce pas à une narration avec les mots, nous montre pourtant très bien cette relation de dépendance. En lisant ses livres, il est difficile de dire d’où naît, entre texte et image, la poétique si particulière de ses personnages.

La réalité est qu’un livre pour enfants a un langage tout personnel, qui n’est pas celui de l’image, ni celui de la parole. C’est l’union des idées et des perceptions et, pour ceci, il me parait qu’il ressemble beaucoup à celui de la pensée.

GC

lundi 27 septembre 2010

Un pour tous, tous pour un? Non: Tous pour Tous!

Il pleut, c'est un samedi ennuyeux, humidement méditatif et alors de quoi pourrais-je parler si non de POESIE!?!



Tutti per Tutti, de Julian Tuwim, traduction du Polonais de Marco Vanchetti, coordination et idéation d'Anna Niemierko. Projets Graphiques de: Gosia Urbańska, Monika Hanulak, Gosia Gurowska, Marta Ignerska, Ania Niemierko, Agnieszka Kucharska – Zajkowska, Justyna Wróblewska. Orecchio Acerbo Editeur, septembre 2010


Mon amène recension:


Quel beau livre surprenant,
amusant et convaincant.
La famille Trallallants
entretient les enfants,
les adultes, de leur côté,
d’oiseaux ont un comité!
Tout le monde est bien content,
tout est beaux et souriant:
la Télé ils ont fermé
et personne n'est désolé.
Trallallero, trallallé,
quelle belle nouveauté!



(M Trallallini, Projet graphique de Monika Hanulak)


Suis-je devenue folle? Peut-être... ou peut-être ce livre est simplement contagieux! Je n'arrive pas à me lever de la tête la musique des mots, chaque fois que j'essaye de formuler une phrase j'obtiens une rime, suis-je un cas grave?

D’accord, j'essaierai d'être polie mais, mes chers amis Orecchi Acerbi: vous ne pouvez pas publier un livre pareil et penser qu'après l'avoir lu l'on puisse rester impassibles, c'est un véritable coup bas! Ceci dit, et donné libre cours à la folie de l'instant, je passe à un ton moins moqueur...

Julian Tuwim est un monument de la littérature polonaise: né à Łódź d'une famille d'origines juives, pendant la deuxième guerre mondiale il émigra en France en premier, au Brésil et aux Etats Unis en suite. Il revint en Pologne, où il mourut en 1953, seulement après la fin de la guerre.

Si je devais parler de Tuwim de façon exhaustive un tome ne suffirait pas, je me limite pourtant à vous dire que, avec Antoni Słonimski, Jarosław Iwaszkiewicz, Kazimierz Wierzyński et Jan Lechoń, en 1918 il constitua le groupe poétique Skamander à travers lequel ils essayèrent de délier la poésie polonaise du rôle principalement patriotique, qu'elle avait eu jusqu'à ce moment, et de la rendre plus compréhensible pour le peuple, à travers la simplification  du langage et en rejetant le rappel à la mythologie et aux figures de rhétorique traditionnellement utilisées. Tuwim utilisa la poésie expérimentale, dans laquelle il insérait des situations et des expressions typiques de la vie de tous les jours, avec des fréquentes contaminations d'argot, il arriva ainsi à se détacher, plus que tout autre, du maniérisme qui allait pour la majeure à ces temps. Ses compositions les plus célèbres sont probablement "Bal w Operze" (Le Bal à l'Opéra), et "La Locomotive", en plus des autres fantastiques poésies pour enfants, c'est à  dire l'objet principal de ce billet.


(La Locomotive, projet graphique de Gosia Gurowska)


Tutti per Tutti, publié en origine par l'éditeur polonais Wytwórnia sous le titre "TUWIM. WIERSZE DLA DZIECI", en 2008 a vaincu la Section spéciale du Bologna Ragazzi Award dédié à la poésie.

L'opération accomplie avec ce tome est énorme, car elle contient sept projets graphiques idées par des artistes qui, par conséquent, ont donné sept différentes interprétations de l'imaginaire de Tuwim, avec des résultats aussi différents que surprenants. Seul trait d'union : la poésie.

Je vous mets ici de suite quelques exemples, vous pouvez cliquer sur les images pour le voir en grand:

Projet 1 - de Gosia Urbańska

(l'Alphabet) 

Comme vous pouvez bien le voir Gosia Urbańska, qui a illustré quatre poésies  "Un Conto Complicato", "L'Alfabeto", "Gelo" et "Le Verdure"(1), a une prédilection pour l'utilisation de matières sur fond blanc, peu importe s'il s'agit de matériaux de récupération, de collage, ou d'images obtenues avec des pochoirs trempés dans la couleur.

(Gelée)

Ses images, accompagnées par les mots changeants de caractère et de grandeur à soutenir le rythme des poésies, paraissent bondir de la page.

Projet 2 - de Monika Hanulak


(Bambo)

Hanulak donne une interprétation décidément plus picturale – siennes les versions de "La Rapa" dont on a tiré l’image de couverture, "Micio", "Bambo", "Il Signor Trallallini" et "Scherzetto"(2) - avec un goût qui va du rétro, obtenu aussi à travers l’utilisation de vieux papiers abîmés comme fond et avec la bichromie (La Rapa), à un moderne tribal (Bambo) à la marque nette et propre, au caricatural (Il Signor Trallallini, Micio et Scherzetto) qui me font penser à certaines images publicitaires des années soixante/soixante-dix.

Projet 3 - de Gosia Gurowska

(Deux Vents)

Gosia Gurowska donne aux poésies qu’on lui a confié, "Pettegolezzi d'Uccelli", "Due Venti" et "Locomotiva"(3), une interprétation décidément graphique. Pour tous ses tableaux elle utilise un fond blanc, extrême linéarité des images. Elle a su obtenir un beau jeu de renvoi avec le texte, qui en sort représenté avec une grande efficacité.

Projet 4 - de Marta Ignerska

 (Gabri)

Marta Ignerska, qui entre autre est l’auteur du très beaux L'Alphabet des Gens publié en 2010 par Le Rouergue a illustré "I Due Gini", "Gabri", "Radio Uccello", "Gigio Sognatore" et "Sofia - Tuttoio"(4).

(Radio Oiseau)

Son trait, souvent encré et flou, donne une version presque onirique aux textes qu’on lui a assigné. Fantastique, à mon avis, sa représentation de Radio Oiseau (en haut): un chromatisme essentiel avec du rouge, du noir et quelques touches, parfois presque imperceptibles, de tons de bleu et vert, diversement des autres tableaux ici il y a moins de personnages, les images en sortent pourtant plus lisibles.

Projet 5 - d'Ania Niemierko

(Click)

De Niemierko était l’image de couverture de l’édition polonaise, tirée par un des tableaux de "L'Elefante Trombettoni", siennes aussi sont les illustrations de "Cecco Bugiardino e Sua Zia", "Gli Occhiali", "Click", "In Aero-plano" et "L'Usignolo in Ritardo"(5).

(Le Rossignol en Retard)

Délicieuses ces images aux fonds principalement à la graine évidente, parfois éraflés, que parfois elle reprend aussi pour les personnages; là où il y a un fond blanc, comme dans le cas de "Click" (en haut) et "L'Elefante Trombettoni" par exemple, des évidentes marques en crayon interviennent à tracer des points ou des lignes zigzagantes bien visibles. Les personnages, délinées avec des contours en noir ou en bleu, ont des formes principalement rondies et rassurantes. Les couleurs, dans ce cas aussi, sont très peu: rouge, azur, blanc, bleu et noir. Splendide la graphique de Click!

Projet 6 - d'Agnieszka Kucharska – Zajkowska

(M. Petit et La Baleine)

Je me trompe sans doute et pourtant, en observant de près les fonds des images d’Agnieszka Kucharska–Zajkowska, j’ai la sensation de regarder des photos de surfaces de matières retouchées à la perfection à donner l’impression de la surface lunaire. Sur ces fonds, où parfois elle rajoute des touches de crayon et de couleur, l’artiste trace des personnages du trait de BD - comme dans "Il Signor Piccini e La Balena" (en haut et en bas) – ou des objets communs et des personnages au trait plus graphique qui rappellent la rigidité du Lego presque - comme dans "Tutti per Tutti"(6).

(M. Petit et La Baleine)


Projet 7 - de Justyna Wróblewska

(Bruine) 

De Justyna Wróblewska sont les illustrations de "Pioggerellina" (en haut), "Prodigi e Stranezze" et "Va Tobia" (en bas) (7). Trois tableaux complètement différents les uns des autres: "Pioggerellina" a une forte caractérisation graphique, obtenue avec des petites touches d’azur et des superpositions  de lettres, caractères graphiques et encrages à simuler les tonnerres et les éclairs (à mon avis splendide); "Prodigi e Stranezze" a une technique mixte, élaborée à l’ordinateur, à créer une atmosphère justement surréelle, presque tropicale-onirique; en dernier "Va Tobia" où le collage composant la rue du village est mis à coté de desseins en crayon très simples, à peine tracés, et à des inscriptions en italique, qui donnent un caractère simple, presque rurale, aux images.


(Va Tobia)



Enorme aussi l’entreprise de traduire un texte pareil en Italien, la traduction a été faite par Marco Vanchetti avec qui je me félicite pour avoir réussi aussi bien dans une tache si compliquée.

Bref, une vraie anthologie poétique aux plusieurs interprétations et à la forte ironie, celle de Tuwim qui a su cueillir l’aspect ironique dans un moment historique où tout était tragiquement réel.

Dans un moment culturel – ou bien a-cultural - comme le nôtre, publier de la poésie est un acte de courage et contre-courant, personnellement je salue toujours de ces nouvelles avec extrême joie et avec la conviction que, si jamais nous sommes capables de faire aimer la poésie, elle reviendra plus forte que jamais.




(1) "Un Compte Compliqué", "L'Alphabet", "Gelée" et "Les Légumes"

(2) "Le Navet", "Minet", "Bambo", "M Trallallini" et "Plaisanterie"
(3) "Commérages d'Oiseaux", "Deux Vents" et "Locomotive"
(4) "Les Deux Gini", "Gabri", "Radio Oiseau", "Gigio Rêveur" et "Sophie – Tout-moi"
(5) "Cecco Mensonger et Sa Tante", "Les Lunettes", "Click", "En Aéro-plan" et "Le Rossignol en Retard"
(6) "M. Petit et La Baleine", "Tous pour Tous"
(7) "Bruine", "Prodiges et étrangetés" et "Vas Tobie"

Je m’excuse d’avance pour les imperfections dans la traduction que j’ai faite des titres!

Copyright© texte et images de l'Editeur Orecchio Acerbo 2010. Les images ont été reproduites avec la permission de l’éditeur, toute reproduction est interdite.

jeudi 23 septembre 2010

Troppo Tardi?







Troppo Tardi, texte par Giovanna Zoboli, illustrations par Camilla Engman, Ed. Topipittori et Hélium, Septembre 2010


Qu’est-ce que cela signifie trop tard? Quand on est petits «trop tard» est une expression vague. Pour tous trop tard est trop quelque chose, pour quelqu’un trop froid, pour d’autres trop obscur mais il y a une chose sur qui ils sont tous d’accord: il est trop tard!

Pour Riccardo Trop Tard est un petit point lointain, un lieu qu’il voudrait explorer, si seulement la route n’était si longue et sombre et vide, si seulement il était plus grand et il avait le courage nécessaire pour partir.


Et si une étrange bande arrivait pour l’accompagner? Peut-être un ours sur son vélo, un chat blanc à la vue miraculeuse et Mme Biche, avec ses grands yeux gentils. Mais où rencontrer cette compagnie farfelue? Peut-être à la lisière de la forêt ou, peut-être à la limite entre rêve et réalité.

Trop Tard est un lieu lointain, au-delà du bois endormi et des collines somnolées. Trop Tard est un lieu accessible seulement pour ceux qui osent le rejoindre.

À Trop Tard il y a tout, trop: les gens, la musique, la danse, le vacarme et les lumières. Et Riccardo, à la fin, est trop petit pour faire si tard.


 Heureusement il y a l’Ours trop grand qui peut l'emporter loin de la foule, le Chat trop agile qui peut l’aider à s’éclipser parmi les gens et Mme Biche, avec sa voix trop juste qui peut lui chanter une douce berceuse.



Et ainsi, à son réveil, il ne reste que les souvenirs de la joie du voyage et de la compagnie, d’avoir partagé une expérience extraordinaire, couvée à la tiédeur de ses rêves.


Un album de découverte et d’aventure, d’amitié ou bien, de fraternité qui enseigne, d’une naturalité douce et soyeuse, combien il est facile de rester unis lorsqu’on partage un chemin, pu importe si c’est pour Trop Tard où pour la vie, un album où nous nous confions l'un à l’autre, avec sérénité.


C’est la deuxième fois que je vous parle d’un album écrit par Giovanna Zoboli, pour la deuxième fois je retrouve une habileté linguistique subtile et raffinée. Abandonné l’hermétisme expressif de Vorrei Avere, dans Troppo Tardi nous retrouvons un langage folâtre, plein d'allitérations résonnantes et de répétitions engageantes, qui nous amènent dans un lieu distant.

Je me suis bien amusée en lisant encore et encore le texte à haute voix, j’ai trébuché plusieurs fois dans la tentative de lire en vitesse: je n’ai jamais eu le don de lire les mots rapidement, et pourtant le rythme du texte est savamment entraînant, j’ai rigolé plusieurs fois en répétant tous ces tr, tr, tr, tr qui me faisaient penser, selon la scène, au gai crépiter d’une motocyclette ou au rouleau d’un tambour.

Quoi dire des illustrations de Camilla Engman? Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, la découverte d’une narration par images si bien calibrée, sera une belle surprise: la façon concrète qu’elle utilise pour représenter le monde des adultes, qui lentement perd ses frontières avec l’avancement du conte à travers le rajout de petits particuliers seulement tracés, presque invisibles, qui font allusion à un passage dans le pas narratif. Des petits animaux endormis dans le bois, d’improbables arcs-en-ciel, une souris dans son repaire, les collines du retour qui explosent presque à remplir le vide de la nuit, ce n’est que des petites pierres qu’elle laisse tomber afin de tracer le chemin vers ce lieu mystérieux où il y a trop de tout. Une narration délicate la sienne, pleine de joie, rassurante, avec une utilisation de la couleur bien calibrée: pas plus de quatre - cinq couleurs par table, teintes naturelles, trait léger mais bien défini, des personnages tendres et réconfortants.

C’est un album délicieux que je suggère non seulement à l’heure de la petite somme mais aussi pour une lecture animée en classe.

Le livre sort en contemporaine en France aussi, pour les Éditions Hélium.


Pour ceux qui ne connaissent pas encore Giovanna et Camilla, je mets quelques renseignements en plus … un petit hommage et des belles interviews.

Née à Milan, Giovanna Zoboli est une personnalité de la littérature jeunesse italienne. C’est une femme qui a recouvert plusieurs rôles dans le monde de l’édition: elle a été editor pour des grandes maison d’édition, rédacteur, chargée de textes, auteur et non seulement d’albums illustrés mais aussi de poésie et d’un roman graphique titré Una Vita”, Guanda Editions. En 2004 elle a fondé, avec Paolo Canton, la Maison d’Edition Topipittori.
Le long des années elle a obtenu plusieurs reconnaissances, parmi lesquelles le prestigieux Premio Andersen 
pour le meilleur album illustré, âge 0-6, et le prixWhite Ravens en 2004 et 2005.

Giovanna, que j’ai eu le plaisir de connaître en personne, est une femme à la personnalité complexe: derrière une première impression granitique, se cache une femme extrêmement attentive et sensible, cultivée, jamais présomptueuse, probablement non plus intransigeante avec les autres qu’elle ne l'est avec elle même. Giovanna a le regard piquant de ceux qui ne sont jamais contents de rester en surface, et deux bras maternels prêts à la douceur quant à la réprimande, si nécessaire. Peut-être que je me trompe mais, derrière une rationalité vitale lorsque l’on est éditeurs, en elle se cache une véritable passionnaire de la parole écrite et illustrée. Ses textes révèlent beaucoup à propos d'elle, ceux que je préfère ce sont les phrases polies, en bon artisan comme Marguerite Yourcenar aimait dire, celle où rien n’est redondant, ces phrases nettes, parfois cinglantes, qui racontent tout ce qu’il faut savoir. Ces phrases que, seulement ceux qui font de la poésie arrivent à écrire.

Quelques interviews pour connaître mieux Giovanna, en Italien:

Leggere Leggerci - http://www.leggereleggerci.it/index.php?option=com_content&view=article&id=184:le-donne-delleditoria-per-ragazzi&catid=30:Interviste_fatte&Itemid=37

Paradiso degli Orchi - http://www.paradisodegliorchi.com/cgi-bin/pagina.pl?Tipo=intervista&Chiave=25

Sur sa poésie: http://www.filidaquilone.it/num001brandolini4.html

Camilla Engman est un artiste complet: en effet elle est illustrateur, graphic designer et peintre. La complexité de son travail peut être admirée sur son site internet: http://www.camillaengman.com/ et sur son charmant blog: http://camillaengman.blogspot.com/
Camilla vient de Trollhättan, en Suède, elle a un diplôme en Design and Craft et un Master of Fine Arts. Dès qu'elle a terminé ses études elle a commencé à travailler comme artiste freelance même si, en jeunesse, elle a travaillé aussi dans un salon de coiffeur pour quelque temps, comme femme de ménage et dans une usine produisant voitures jusqu'à quand, heureusement, elle a choisi de prendre ses études artistiques: elle nous aurait manqué incroyablement!

De ses images ce qui me frappe c'est la netteté, le caractère linéaire, les couleurs essentielles, des couleurs toujours naturels, comme elle l'explique partiellement dans cette interview, elle n'utilise jamais des couleurs trop forts. Ses illustrations, ainsi que ses peintures, ne sont jamais particulièrement complexes: le nœud des images est toujours bien mis au point et évident, les personnages sont bien tracés, le fond est souvent blanc ou composé que par très peu d'éléments et des couleurs claires. Dans ces images, simples seulement à l'apparence, l'imaginaire de l'artiste débusque par surprise, dans les petits détails jusque ébauchés, presque caches exprès, pour que le lecteur fasse l'effort de les capturer. À part l'immanquable présence de Morran, son chien beaucoup aimé, l'univers de Camilla s'enrichit d’étranges êtres animés, traces en vitesse, qui donnent à ses tableaux un côté parfois drôle, parfois ironique, toujours surprenant. Ses collages, obtenus avec des objets qu'elle ramasse ici et la, sont des petits chefs d’œuvre à admirer.

J’étais très curieuse lorsque j'ai lu quelques déclarations qu'elle a faites à propos de la parenté entre sœurs et de l’amitié, ses mots m'ont fait penser à Troppo Tardi, car il me parait qu'elles synthétisent parfaitement l’idée du livre: “[a sister/friend is] Someone who loves you even when you are ugly inside/outside. And someone who wants to follow you on your adventures.”*, à bien penser le groupe d'amis du livre est assez étrange, et pourtant ils partent ensemble pour permettre à Riccardo d’avérer son rêve! Écoutez aussi ce qu'elle dit à propos de son approche créatif: “I like that things can change on the way, how expressions just form themselves, and how [the journey] gets me into different unexpected situations.”, est-ce que ceci ne vous fait pas penser au jeu qu'il y a dans le livre en raison duquel, le “trop tard” de l'acception 'adulte', dans l'imagination de Riccardo devient le pays de Trop Tard? Pour moi cela filait parfaitement! Vous pouvez lire l'interview complète ici.

Un autre belle interview est celle de: Ink on my Fingers - http://inkonmyfingers.typepad.com/ink_on_my_fingers/2009/08/my-creative-life-camilla-engman.html
Enfin l'interview de Poppytalk: http://poppytalk.blogspot.com/2007/09/interview-camilla-engman-2008-calendar.html à laquelle je faisais référence auparavant.



*“[une sœur/amie est] Quelqu'un qui t'aime même si tu es laid à l’extérieur autant qu'à l’intérieur. Quelqu'un qui a envie de te suivre dans tes aventures”

** “J'aime l’idée que les choses puissent changer le long du chemin, comment les expressions se forment, et comment [le voyage] me peut mener dans des situations inattendues.”



Copyright© texte et images de Topipittori 2010. Les images ont été réproduites avec la permission de l'Editeur. La réproduction des images est interdite.

jeudi 9 septembre 2010

Une BELLE nouveauté!

Chers lecteurs,

vu que la nouvelle a déjà été officialisée au-delà de l'océan, même si je sonne trop narcissique, je vous écris pour annoncer une ultérieure nouveauté me concernant. J'espère que cela vous fera plaisir....

Il y a environ vingt jours dès que Jules, la blogger du merveilleux  Seven Impossible Things Before Breakfast, et moi nous avons envisagé de commencer une collaboration grâce à laquelle j'écrirais - plus ou moins régulièrement - sur son blog. Je traiterai principalement d'albums illustrés et d'illustrateurs européens. Nous aurions souhaité faire bien plus que cela, mais les ressources limitées et le temps chiche, nous sommes contentes ainsi!

Naturellement j'en suis très contente, j'ai toujours adoré le blog de Jules (et Eisha), c'était un véritable coup de foudre. C'est grâce à elle que j'ai pensé créer un blog à moi, même si j'ai pleine conscience que je n'arriverai jamais à son niveau. Quand elle m'a proposé cette collaboration je n'osais pas y croire! Et pourtant c'est vrai.

Je commence le cœur léger, la tête dans l'air et les jambes tremblantes mais je suis bien contente de partir pour cette nouvelle aventure. Vous pourrez lire ce que j'écrirai sur 7Imp en traduction ici à la Boite ou en originel sur le blog de Jules. Dans la page en Anglais il y aura des signalisations avec titres et links à 7Imp.

Je vous joins la présentation que Jules a faite, honnêtement elle a été trop généreuse:

http://blaine.org/sevenimpossiblethings/?p=1993

et aussi les belles paroles de Betsy Bird, sur son A Fuse#8 Production:

http://blog.schoollibraryjournal.com/afuse8production/2010/09/09/fusenews-its-a-mouse-its-a-monkey-its-a-blue-footed-booby/

Je suis vraiment flattée!

Merci, encore une fois, pour votre attention!

lundi 23 août 2010

Laids, sales et méchants!

Laids, sales et méchants

De quoi je parle? Mais des enfants naturellement.

Si vous pensez que les enfants aiment se faire coiffer, laver, tordre, recouvrir de dentelles et poser immobiles pour montrer tout leur charme enfantin alors, je crois que vous devrez changer de lecture. Pourquoi, vous demandez-vous? Car je vais parler des vrais enfants, ceux qui détestent se laver dents et pieds, ceux qui courent partout sauvages comme des petites bêtes furieuses, hurlantes et piaffantes, ceux pour qui un nouveau jour est synonyme de nouvelles aventures. Bref, d’enfants communs.

Est-il peu éducatif? Peut-être. Même si, pour moi, il n’y a rien de moins éducatif que camoufler la réalité sous semblant d’une perfection fictive. Pourtant, ici et maintenant, j’admets ma prédilection pour les histoires où l’on traite les enfants franchement, sans prétentions pédagogiques, sans petites morales de gens bien qui donnent satisfaction aux grandes mais ne laissent rien à eux, les vrais destinataires des livres.

Et alors plongeons, dans ce retour de chaleur étouffante, dans une série d’histoires fraîches et amusantes.











Hattie the Bad, de Jane Devlin, illustrations de Joe Berger, Dial Publishing, 1 avril 2010





Bonne ou méchante? C’est quoi le mieux? Être terriblement ‘méchante’ et constamment reprochée par les adultes, ou devenir tellement sage jusqu’à gagner le prix pour « L’enfant le plus poli » et n’avoir plus d’amis avec qui jouer? Peut-être que la vérité se trouve dans le milieu ou, peut-être, la chose la meilleure est celle de respecter sa nature même si, pour quelqu’un, elle est désagréable. Hattie me fait penser pour certains aspects aux enfants de la série Les Petites Canailles, toujours prête à concevoir des idées terriblement géniales aussi qu’inacceptables pour ceux qui l’entourent. Elle n’a pas les tresses de Pippi mais deux couettes émanant vivacité de claque touffe et un pauvre, malheureux frère dont elle essayera de se débarrasser à plusieurs reprises.

Enfin, une histoire hilarante, pas nécessairement "politically correct" mais ceci est le plus beau quand même!

Pour lire des recensions approfondies, en Anglais, vous pouvez visiter:

Kids Lit  - http://kidslit.menashalibrary.org/2010/08/12/hattie-the-bad/
Pink Me - http://pinkme.typepad.com/pink-me/2010/04/hattie-the-bad-review.html
Nicholas A. Basbanes - www.nicholasbasbanes.com/essays/children/10april.phtml

Et le Site de Joe Berger  - http://joeberger.squarespace.com/hattie-the-bad/

  


The Boss Baby, de Marla Frazee, Beach Lane Books, 31 août 2010


"From the moment the baby arrived, it was obvious that he was the boss."* Dans cette première ligne il est déjà évident ce qui va se passer avec les pauvres parente: rien de vraiment loin de ce qui se passe en réalité! Du reste un enfant a des nécessités pressantes à qui, bien que nous ne voulions, on ne peut pas faire abstraction. Et alors notre pauvre vie prend des rythmes complètement renversés: finis les dîners avec les amis, finis le théâtre et le cinéma, terminés les temps des safaris dans la savane et aussi ceux des sommeils tranquilles. Tout notre univers finit par tourner autour des bouillies et d’effrayants réveils nocturnes! Gulp! Et qui est en chef de l'opération couches? Lui, le petit tyran hurleur et édenté! Un amusant album illustré en sortie dans les prochains jours.

Vous voici le site de Marla Frazee - http://www.marlafrazee.com/ très intéressant, il y a aussi des réflexions à propos de l'illustration, techniques et instruments, maquettes et story-boards et beaucoup autre encore.

Et quelques interview, en Anglais:

7Imp - http://blaine.org/sevenimpossiblethings/?p=1783 en couple avec Liz Garton Scanlon
Jama Rattigan's Alphabet Soup - http://jamarattigan.livejournal.com/141989.html
Cynisations - http://cynthialeitichsmith.blogspot.com/2007/09/illustrator-interview-marla-frazee-on.html







Mostly Monsterly,  de Tammy Sauer, illustrations de Scott Magoon, Simon & Schuster/Paula Wiseman Books (31 août 2010)


En sortie dans le même jour que The Boss Baby, voici Mostly Monsterly: on passe de l'histoire d'une monstrueux petit despote aux apparences inoffensives à celle d'un monstre qui, derrière une apparence terrifiante, cache un cœur gentil. Lorsque l'on a des dents pointues, des ongles tranchantes, des buts des oreilles pointus, une peau verdâtre et un collier avec un petit crâne en breloque, l'entrée à la "Monster Academy" est garantie. Mais qu'est-ce qui se passe si, derrière cet aspect se cache une âme délicate? Comment faire avec ses camarades qui préfèrent s'amuser en déracinant les arbres, en mangeant des serpents quand, dans notre cœur, nous aimons câliner les animaux et cousiner des gâteaux? Bernadette, le protagoniste du nouvel album deTammy Sauer, arrivera-t-elle à trouver une solution?

Vous voici le trailer du livre:



Et quelques recensions, en Anglais:

Miss Print - http://missprint.wordpress.com/2010/07/26/mostly-monsterly-a-picture-book-review/
School Library Journal -  http://www.schoollibraryjournal.com/slj/reviews/pretograde4/885579-319/preschool_to_grade_4.html.csp  (chercher SAUER)

Et une interview avec l'auteur sur:
Writing for Kids While Raising Them - http://taralazar.wordpress.com/2009/03/03/tammi-sauer/

En dernier voici les sites de:
auteur, Tammy Sauer: http://www.tammisauer.com/Mostly_Monsterly.html
et illustrateur, Scott Magoon: http://www.scottmagoon.com/Site/ScottMagoonsWebsite.html


De France avec fureur, voici l'arrivée du premier tome d'un promettant roman graphique:









Les Sales Histoires de Félicien Moutarde, 1. La Naissance de Félicien Moutarde, de Fabrice Melquiot, illustrations de Ronan Badel, Editions L'Elan Vert, 17 mai 2010






Comprenant quatre chapitres:

- La naissance de Félicien Moutarde
- Félicien Moutarde assassine sauvagement Bambi
- Le premier amour de Félicien Moutarde
- Félicien Moutarde a des super pouvoirs super pourris

Félicien Moutarde dit de soi même: "Je suis un garçon vraiment pas gâté. Le plus étrange dans cette affaire, c'est que je suis quand même très heureux d'être en vie..." Un super-héros au contraire, similaire au protagoniste de Kick-ass pour quelques aspects: pas exactement charmant, là où les autres ont des super pouvoirs, il soutient avoir hérité tous les défauts de la terre et des super faiblesses. Un petit misanthrope qui claquerait volontiers les autres enfants qui jouent dans le parc, ayant un sens cru et ironique de la réalité et qui n'aime pas les histoires écœurantes. Pour quelques côtés il me fait penser à la série de Billy Brouillard de Guillaume Bianco, avec cette même vision démystifiée de la vie et un goût noir qui bien s'épouse avec les illustrations au trait léger et caricatural en même temps. Je vous l'avoue: je l'aime déjà!

De suite quelques recensions, en français:

La Soupe de l'Espace - http://www.soupedelespace.fr/leblog/les-sales-histoires-de-felicien-moutarde-t1-la-naissance-de-felicien-moutarde/
France Culture - http://www.franceculture.com/emission-fictions-enfantines-les-sales-histoires-de-f%C3%A9licien-moutarde-de-fabrice-melquiot-2010-05-16
L'Express.fr - http://www.lexpress.fr/culture/livre/les-sales-histoires-de-felicien-moutarde-la-naissance-de-felicien-moutarde-t-1-par-fabrice-melquiot-ill-de-ronan-badel-80-p-l-elan-vert-13-euros-des-8-ans_904119.html
Citrouille, Librairies Sorcières - http://lsj.hautetfort.com/archive/2010/08/16/les-sales-histoires-de-felicien-moutarde-tome-1-la-naissance.html
Passion du Livre - http://www.passiondulivre.com/livre-89598-les-sales-histoires-de-felicien-moutarde-volume-1-la-naissance-de-felicien.htm


Du site de l'auteur, Fabrice Melquiot: http://www.fabricemelquiot.com/article-felicien-moutarde-50316772.html


Et bien, pour le moment c'est tout!







* "Du moment où il est arrivé, c'était clair que c'était lui le chef."