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jeudi 23 septembre 2010

Troppo Tardi?







Troppo Tardi, texte par Giovanna Zoboli, illustrations par Camilla Engman, Ed. Topipittori et Hélium, Septembre 2010


Qu’est-ce que cela signifie trop tard? Quand on est petits «trop tard» est une expression vague. Pour tous trop tard est trop quelque chose, pour quelqu’un trop froid, pour d’autres trop obscur mais il y a une chose sur qui ils sont tous d’accord: il est trop tard!

Pour Riccardo Trop Tard est un petit point lointain, un lieu qu’il voudrait explorer, si seulement la route n’était si longue et sombre et vide, si seulement il était plus grand et il avait le courage nécessaire pour partir.


Et si une étrange bande arrivait pour l’accompagner? Peut-être un ours sur son vélo, un chat blanc à la vue miraculeuse et Mme Biche, avec ses grands yeux gentils. Mais où rencontrer cette compagnie farfelue? Peut-être à la lisière de la forêt ou, peut-être à la limite entre rêve et réalité.

Trop Tard est un lieu lointain, au-delà du bois endormi et des collines somnolées. Trop Tard est un lieu accessible seulement pour ceux qui osent le rejoindre.

À Trop Tard il y a tout, trop: les gens, la musique, la danse, le vacarme et les lumières. Et Riccardo, à la fin, est trop petit pour faire si tard.


 Heureusement il y a l’Ours trop grand qui peut l'emporter loin de la foule, le Chat trop agile qui peut l’aider à s’éclipser parmi les gens et Mme Biche, avec sa voix trop juste qui peut lui chanter une douce berceuse.



Et ainsi, à son réveil, il ne reste que les souvenirs de la joie du voyage et de la compagnie, d’avoir partagé une expérience extraordinaire, couvée à la tiédeur de ses rêves.


Un album de découverte et d’aventure, d’amitié ou bien, de fraternité qui enseigne, d’une naturalité douce et soyeuse, combien il est facile de rester unis lorsqu’on partage un chemin, pu importe si c’est pour Trop Tard où pour la vie, un album où nous nous confions l'un à l’autre, avec sérénité.


C’est la deuxième fois que je vous parle d’un album écrit par Giovanna Zoboli, pour la deuxième fois je retrouve une habileté linguistique subtile et raffinée. Abandonné l’hermétisme expressif de Vorrei Avere, dans Troppo Tardi nous retrouvons un langage folâtre, plein d'allitérations résonnantes et de répétitions engageantes, qui nous amènent dans un lieu distant.

Je me suis bien amusée en lisant encore et encore le texte à haute voix, j’ai trébuché plusieurs fois dans la tentative de lire en vitesse: je n’ai jamais eu le don de lire les mots rapidement, et pourtant le rythme du texte est savamment entraînant, j’ai rigolé plusieurs fois en répétant tous ces tr, tr, tr, tr qui me faisaient penser, selon la scène, au gai crépiter d’une motocyclette ou au rouleau d’un tambour.

Quoi dire des illustrations de Camilla Engman? Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, la découverte d’une narration par images si bien calibrée, sera une belle surprise: la façon concrète qu’elle utilise pour représenter le monde des adultes, qui lentement perd ses frontières avec l’avancement du conte à travers le rajout de petits particuliers seulement tracés, presque invisibles, qui font allusion à un passage dans le pas narratif. Des petits animaux endormis dans le bois, d’improbables arcs-en-ciel, une souris dans son repaire, les collines du retour qui explosent presque à remplir le vide de la nuit, ce n’est que des petites pierres qu’elle laisse tomber afin de tracer le chemin vers ce lieu mystérieux où il y a trop de tout. Une narration délicate la sienne, pleine de joie, rassurante, avec une utilisation de la couleur bien calibrée: pas plus de quatre - cinq couleurs par table, teintes naturelles, trait léger mais bien défini, des personnages tendres et réconfortants.

C’est un album délicieux que je suggère non seulement à l’heure de la petite somme mais aussi pour une lecture animée en classe.

Le livre sort en contemporaine en France aussi, pour les Éditions Hélium.


Pour ceux qui ne connaissent pas encore Giovanna et Camilla, je mets quelques renseignements en plus … un petit hommage et des belles interviews.

Née à Milan, Giovanna Zoboli est une personnalité de la littérature jeunesse italienne. C’est une femme qui a recouvert plusieurs rôles dans le monde de l’édition: elle a été editor pour des grandes maison d’édition, rédacteur, chargée de textes, auteur et non seulement d’albums illustrés mais aussi de poésie et d’un roman graphique titré Una Vita”, Guanda Editions. En 2004 elle a fondé, avec Paolo Canton, la Maison d’Edition Topipittori.
Le long des années elle a obtenu plusieurs reconnaissances, parmi lesquelles le prestigieux Premio Andersen 
pour le meilleur album illustré, âge 0-6, et le prixWhite Ravens en 2004 et 2005.

Giovanna, que j’ai eu le plaisir de connaître en personne, est une femme à la personnalité complexe: derrière une première impression granitique, se cache une femme extrêmement attentive et sensible, cultivée, jamais présomptueuse, probablement non plus intransigeante avec les autres qu’elle ne l'est avec elle même. Giovanna a le regard piquant de ceux qui ne sont jamais contents de rester en surface, et deux bras maternels prêts à la douceur quant à la réprimande, si nécessaire. Peut-être que je me trompe mais, derrière une rationalité vitale lorsque l’on est éditeurs, en elle se cache une véritable passionnaire de la parole écrite et illustrée. Ses textes révèlent beaucoup à propos d'elle, ceux que je préfère ce sont les phrases polies, en bon artisan comme Marguerite Yourcenar aimait dire, celle où rien n’est redondant, ces phrases nettes, parfois cinglantes, qui racontent tout ce qu’il faut savoir. Ces phrases que, seulement ceux qui font de la poésie arrivent à écrire.

Quelques interviews pour connaître mieux Giovanna, en Italien:

Leggere Leggerci - http://www.leggereleggerci.it/index.php?option=com_content&view=article&id=184:le-donne-delleditoria-per-ragazzi&catid=30:Interviste_fatte&Itemid=37

Paradiso degli Orchi - http://www.paradisodegliorchi.com/cgi-bin/pagina.pl?Tipo=intervista&Chiave=25

Sur sa poésie: http://www.filidaquilone.it/num001brandolini4.html

Camilla Engman est un artiste complet: en effet elle est illustrateur, graphic designer et peintre. La complexité de son travail peut être admirée sur son site internet: http://www.camillaengman.com/ et sur son charmant blog: http://camillaengman.blogspot.com/
Camilla vient de Trollhättan, en Suède, elle a un diplôme en Design and Craft et un Master of Fine Arts. Dès qu'elle a terminé ses études elle a commencé à travailler comme artiste freelance même si, en jeunesse, elle a travaillé aussi dans un salon de coiffeur pour quelque temps, comme femme de ménage et dans une usine produisant voitures jusqu'à quand, heureusement, elle a choisi de prendre ses études artistiques: elle nous aurait manqué incroyablement!

De ses images ce qui me frappe c'est la netteté, le caractère linéaire, les couleurs essentielles, des couleurs toujours naturels, comme elle l'explique partiellement dans cette interview, elle n'utilise jamais des couleurs trop forts. Ses illustrations, ainsi que ses peintures, ne sont jamais particulièrement complexes: le nœud des images est toujours bien mis au point et évident, les personnages sont bien tracés, le fond est souvent blanc ou composé que par très peu d'éléments et des couleurs claires. Dans ces images, simples seulement à l'apparence, l'imaginaire de l'artiste débusque par surprise, dans les petits détails jusque ébauchés, presque caches exprès, pour que le lecteur fasse l'effort de les capturer. À part l'immanquable présence de Morran, son chien beaucoup aimé, l'univers de Camilla s'enrichit d’étranges êtres animés, traces en vitesse, qui donnent à ses tableaux un côté parfois drôle, parfois ironique, toujours surprenant. Ses collages, obtenus avec des objets qu'elle ramasse ici et la, sont des petits chefs d’œuvre à admirer.

J’étais très curieuse lorsque j'ai lu quelques déclarations qu'elle a faites à propos de la parenté entre sœurs et de l’amitié, ses mots m'ont fait penser à Troppo Tardi, car il me parait qu'elles synthétisent parfaitement l’idée du livre: “[a sister/friend is] Someone who loves you even when you are ugly inside/outside. And someone who wants to follow you on your adventures.”*, à bien penser le groupe d'amis du livre est assez étrange, et pourtant ils partent ensemble pour permettre à Riccardo d’avérer son rêve! Écoutez aussi ce qu'elle dit à propos de son approche créatif: “I like that things can change on the way, how expressions just form themselves, and how [the journey] gets me into different unexpected situations.”, est-ce que ceci ne vous fait pas penser au jeu qu'il y a dans le livre en raison duquel, le “trop tard” de l'acception 'adulte', dans l'imagination de Riccardo devient le pays de Trop Tard? Pour moi cela filait parfaitement! Vous pouvez lire l'interview complète ici.

Un autre belle interview est celle de: Ink on my Fingers - http://inkonmyfingers.typepad.com/ink_on_my_fingers/2009/08/my-creative-life-camilla-engman.html
Enfin l'interview de Poppytalk: http://poppytalk.blogspot.com/2007/09/interview-camilla-engman-2008-calendar.html à laquelle je faisais référence auparavant.



*“[une sœur/amie est] Quelqu'un qui t'aime même si tu es laid à l’extérieur autant qu'à l’intérieur. Quelqu'un qui a envie de te suivre dans tes aventures”

** “J'aime l’idée que les choses puissent changer le long du chemin, comment les expressions se forment, et comment [le voyage] me peut mener dans des situations inattendues.”



Copyright© texte et images de Topipittori 2010. Les images ont été réproduites avec la permission de l'Editeur. La réproduction des images est interdite.

4 commentaires:

  1. Très tentant, je le regarde en français donc... et très beau et très complet billet.

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  2. Merci Vanessa! Fais moi savoir ce que tu en penses! A bientôt!

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  3. Je l'ai acheté bien-^sur, j'en parle bientôt.

    Et juste une petite demande: votre blog est une mine d'informations, de sensibilités, de trouvailles... serait-il possible que vous mettiez les libellés/catégories/etichette sur le côté pour que nous puissions, nous lecteurs, revenir sur vos billets ?

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  4. Bonjour Vanessa, oui vous avez bien raison... il faut que je trouve la manière de le faire! Merci pour le conseil!! :-)

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