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lundi 27 septembre 2010

Un pour tous, tous pour un? Non: Tous pour Tous!

Il pleut, c'est un samedi ennuyeux, humidement méditatif et alors de quoi pourrais-je parler si non de POESIE!?!



Tutti per Tutti, de Julian Tuwim, traduction du Polonais de Marco Vanchetti, coordination et idéation d'Anna Niemierko. Projets Graphiques de: Gosia Urbańska, Monika Hanulak, Gosia Gurowska, Marta Ignerska, Ania Niemierko, Agnieszka Kucharska – Zajkowska, Justyna Wróblewska. Orecchio Acerbo Editeur, septembre 2010


Mon amène recension:


Quel beau livre surprenant,
amusant et convaincant.
La famille Trallallants
entretient les enfants,
les adultes, de leur côté,
d’oiseaux ont un comité!
Tout le monde est bien content,
tout est beaux et souriant:
la Télé ils ont fermé
et personne n'est désolé.
Trallallero, trallallé,
quelle belle nouveauté!



(M Trallallini, Projet graphique de Monika Hanulak)


Suis-je devenue folle? Peut-être... ou peut-être ce livre est simplement contagieux! Je n'arrive pas à me lever de la tête la musique des mots, chaque fois que j'essaye de formuler une phrase j'obtiens une rime, suis-je un cas grave?

D’accord, j'essaierai d'être polie mais, mes chers amis Orecchi Acerbi: vous ne pouvez pas publier un livre pareil et penser qu'après l'avoir lu l'on puisse rester impassibles, c'est un véritable coup bas! Ceci dit, et donné libre cours à la folie de l'instant, je passe à un ton moins moqueur...

Julian Tuwim est un monument de la littérature polonaise: né à Łódź d'une famille d'origines juives, pendant la deuxième guerre mondiale il émigra en France en premier, au Brésil et aux Etats Unis en suite. Il revint en Pologne, où il mourut en 1953, seulement après la fin de la guerre.

Si je devais parler de Tuwim de façon exhaustive un tome ne suffirait pas, je me limite pourtant à vous dire que, avec Antoni Słonimski, Jarosław Iwaszkiewicz, Kazimierz Wierzyński et Jan Lechoń, en 1918 il constitua le groupe poétique Skamander à travers lequel ils essayèrent de délier la poésie polonaise du rôle principalement patriotique, qu'elle avait eu jusqu'à ce moment, et de la rendre plus compréhensible pour le peuple, à travers la simplification  du langage et en rejetant le rappel à la mythologie et aux figures de rhétorique traditionnellement utilisées. Tuwim utilisa la poésie expérimentale, dans laquelle il insérait des situations et des expressions typiques de la vie de tous les jours, avec des fréquentes contaminations d'argot, il arriva ainsi à se détacher, plus que tout autre, du maniérisme qui allait pour la majeure à ces temps. Ses compositions les plus célèbres sont probablement "Bal w Operze" (Le Bal à l'Opéra), et "La Locomotive", en plus des autres fantastiques poésies pour enfants, c'est à  dire l'objet principal de ce billet.


(La Locomotive, projet graphique de Gosia Gurowska)


Tutti per Tutti, publié en origine par l'éditeur polonais Wytwórnia sous le titre "TUWIM. WIERSZE DLA DZIECI", en 2008 a vaincu la Section spéciale du Bologna Ragazzi Award dédié à la poésie.

L'opération accomplie avec ce tome est énorme, car elle contient sept projets graphiques idées par des artistes qui, par conséquent, ont donné sept différentes interprétations de l'imaginaire de Tuwim, avec des résultats aussi différents que surprenants. Seul trait d'union : la poésie.

Je vous mets ici de suite quelques exemples, vous pouvez cliquer sur les images pour le voir en grand:

Projet 1 - de Gosia Urbańska

(l'Alphabet) 

Comme vous pouvez bien le voir Gosia Urbańska, qui a illustré quatre poésies  "Un Conto Complicato", "L'Alfabeto", "Gelo" et "Le Verdure"(1), a une prédilection pour l'utilisation de matières sur fond blanc, peu importe s'il s'agit de matériaux de récupération, de collage, ou d'images obtenues avec des pochoirs trempés dans la couleur.

(Gelée)

Ses images, accompagnées par les mots changeants de caractère et de grandeur à soutenir le rythme des poésies, paraissent bondir de la page.

Projet 2 - de Monika Hanulak


(Bambo)

Hanulak donne une interprétation décidément plus picturale – siennes les versions de "La Rapa" dont on a tiré l’image de couverture, "Micio", "Bambo", "Il Signor Trallallini" et "Scherzetto"(2) - avec un goût qui va du rétro, obtenu aussi à travers l’utilisation de vieux papiers abîmés comme fond et avec la bichromie (La Rapa), à un moderne tribal (Bambo) à la marque nette et propre, au caricatural (Il Signor Trallallini, Micio et Scherzetto) qui me font penser à certaines images publicitaires des années soixante/soixante-dix.

Projet 3 - de Gosia Gurowska

(Deux Vents)

Gosia Gurowska donne aux poésies qu’on lui a confié, "Pettegolezzi d'Uccelli", "Due Venti" et "Locomotiva"(3), une interprétation décidément graphique. Pour tous ses tableaux elle utilise un fond blanc, extrême linéarité des images. Elle a su obtenir un beau jeu de renvoi avec le texte, qui en sort représenté avec une grande efficacité.

Projet 4 - de Marta Ignerska

 (Gabri)

Marta Ignerska, qui entre autre est l’auteur du très beaux L'Alphabet des Gens publié en 2010 par Le Rouergue a illustré "I Due Gini", "Gabri", "Radio Uccello", "Gigio Sognatore" et "Sofia - Tuttoio"(4).

(Radio Oiseau)

Son trait, souvent encré et flou, donne une version presque onirique aux textes qu’on lui a assigné. Fantastique, à mon avis, sa représentation de Radio Oiseau (en haut): un chromatisme essentiel avec du rouge, du noir et quelques touches, parfois presque imperceptibles, de tons de bleu et vert, diversement des autres tableaux ici il y a moins de personnages, les images en sortent pourtant plus lisibles.

Projet 5 - d'Ania Niemierko

(Click)

De Niemierko était l’image de couverture de l’édition polonaise, tirée par un des tableaux de "L'Elefante Trombettoni", siennes aussi sont les illustrations de "Cecco Bugiardino e Sua Zia", "Gli Occhiali", "Click", "In Aero-plano" et "L'Usignolo in Ritardo"(5).

(Le Rossignol en Retard)

Délicieuses ces images aux fonds principalement à la graine évidente, parfois éraflés, que parfois elle reprend aussi pour les personnages; là où il y a un fond blanc, comme dans le cas de "Click" (en haut) et "L'Elefante Trombettoni" par exemple, des évidentes marques en crayon interviennent à tracer des points ou des lignes zigzagantes bien visibles. Les personnages, délinées avec des contours en noir ou en bleu, ont des formes principalement rondies et rassurantes. Les couleurs, dans ce cas aussi, sont très peu: rouge, azur, blanc, bleu et noir. Splendide la graphique de Click!

Projet 6 - d'Agnieszka Kucharska – Zajkowska

(M. Petit et La Baleine)

Je me trompe sans doute et pourtant, en observant de près les fonds des images d’Agnieszka Kucharska–Zajkowska, j’ai la sensation de regarder des photos de surfaces de matières retouchées à la perfection à donner l’impression de la surface lunaire. Sur ces fonds, où parfois elle rajoute des touches de crayon et de couleur, l’artiste trace des personnages du trait de BD - comme dans "Il Signor Piccini e La Balena" (en haut et en bas) – ou des objets communs et des personnages au trait plus graphique qui rappellent la rigidité du Lego presque - comme dans "Tutti per Tutti"(6).

(M. Petit et La Baleine)


Projet 7 - de Justyna Wróblewska

(Bruine) 

De Justyna Wróblewska sont les illustrations de "Pioggerellina" (en haut), "Prodigi e Stranezze" et "Va Tobia" (en bas) (7). Trois tableaux complètement différents les uns des autres: "Pioggerellina" a une forte caractérisation graphique, obtenue avec des petites touches d’azur et des superpositions  de lettres, caractères graphiques et encrages à simuler les tonnerres et les éclairs (à mon avis splendide); "Prodigi e Stranezze" a une technique mixte, élaborée à l’ordinateur, à créer une atmosphère justement surréelle, presque tropicale-onirique; en dernier "Va Tobia" où le collage composant la rue du village est mis à coté de desseins en crayon très simples, à peine tracés, et à des inscriptions en italique, qui donnent un caractère simple, presque rurale, aux images.


(Va Tobia)



Enorme aussi l’entreprise de traduire un texte pareil en Italien, la traduction a été faite par Marco Vanchetti avec qui je me félicite pour avoir réussi aussi bien dans une tache si compliquée.

Bref, une vraie anthologie poétique aux plusieurs interprétations et à la forte ironie, celle de Tuwim qui a su cueillir l’aspect ironique dans un moment historique où tout était tragiquement réel.

Dans un moment culturel – ou bien a-cultural - comme le nôtre, publier de la poésie est un acte de courage et contre-courant, personnellement je salue toujours de ces nouvelles avec extrême joie et avec la conviction que, si jamais nous sommes capables de faire aimer la poésie, elle reviendra plus forte que jamais.




(1) "Un Compte Compliqué", "L'Alphabet", "Gelée" et "Les Légumes"

(2) "Le Navet", "Minet", "Bambo", "M Trallallini" et "Plaisanterie"
(3) "Commérages d'Oiseaux", "Deux Vents" et "Locomotive"
(4) "Les Deux Gini", "Gabri", "Radio Oiseau", "Gigio Rêveur" et "Sophie – Tout-moi"
(5) "Cecco Mensonger et Sa Tante", "Les Lunettes", "Click", "En Aéro-plan" et "Le Rossignol en Retard"
(6) "M. Petit et La Baleine", "Tous pour Tous"
(7) "Bruine", "Prodiges et étrangetés" et "Vas Tobie"

Je m’excuse d’avance pour les imperfections dans la traduction que j’ai faite des titres!

Copyright© texte et images de l'Editeur Orecchio Acerbo 2010. Les images ont été reproduites avec la permission de l’éditeur, toute reproduction est interdite.

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