Aujourd'hui j'ai le plaisir d'avoir sur mon blog Sara Gavioli, illustratrice à sa première publication avec l'éditeur Orecchio Acerbo. Et je dis Orecchio Acerbo!
J'ai rencontré Sara à Bologna, pendant les jours de la Foire, et j'ai aimé tout de suite cette silhouette mince et pleine d'énergie qui se cachait derrière les fantastiques tableaux de La Governante. Si jamais vous la rencontrez, ne vous laissez pas tromper par son aspect, car Sara est une personne vigoureuse et pleine de surprises.
Mais assez de potins, temps de lui poser quelques questions...
- enfant, étais-tu un bon lecteur? Aux écoles primaires j'au eu un maître exemplaire qui m'a appris à aimer les livres du départ, j'ai pourtant bientôt commencé à lire toute sorte de livre.
- quels auteurs lisais-tu d'habitude? J'ai littéralement dévoré tous les livres de Bianca Pitzorno, Roald Dahl et Christine Nöstlinger, suivis par la série de Le petit vampire par Angela Sommer Bodenburg.
- quel est le premier livre dont tu gardes encore mémoire, s'il y en a un? Le premier livre dont je me souviens, très probablement car c'était mon préféré à l'époque, est Trumpets In Grumpetland de Dallas-Smith Peter et Cross Peter (pour ne pas parler de la série I Quindici**), mais le premier livre que j'ai lu toute seule fût La casa sull’albero de Bianca Pitzorno. Je me souviens avoir coloré avec soin toutes les charmantes illustrations de Quentin Blake. Je ne sais pas pourquoi, mais je les imaginais très colorées, je ne voulais pourtant pas qu'elles restent en noir et blanc.
Le début de ton parcours dans le monde de l'illustration:
- comment est commencée ta passion pour l'illustration?
Ma passion pour l'illustration naît dès que j'étais petite: lorsque j'écoutais ma grand-mère et mes parents qui me lisaient I Quindici, j'en fixais les images complètementextasiée. Je me souviens encore de cette odeur particulière des pages, typique de I Quindici, que je n'ai jamais su retrouver dans les autres livres, c'est la même odeur que je cherche chaque fois que je prends un livre dans les mains.
- quand as-tu compris que tu voulais faire ce métier?
Métier est un mot très important, pour le moment je peux affirmer que c'est une grande passion. Je n'ai jamais arrête d'être fascinée par les livres jeunesse, même quand j'avais arrêté d'en lire, j'étais à la recherche de ces sensations de plaisir totalisant que j'éprouvais lorsque j'étais enfant. Je n'ai jamais arrêté de dessiner non plus, j'ai toujours essayé de poursuivre sur ce chemin. Le fait de continuer dans le parcours de l'illustration jeunesse, au contraire, est venu un peu au hasard, j'avais suivi un atelier avec Eva Montanari et à la fin je me suis dite: pourquoi pas?
- je sais que tu as suivi aussi un Master en Illustration, pourrais-tu nous dire quelque chose à ce propos?
Oui, j'ai suivi un Master en Illustration de Premier niveau à l'Académie des Beaux-Arts de Macerata en 2008-2009, organisé par l'association culturelle Fabbrica delle Favole, la même association avec qui j'avais déjà participé à un atelier l'année précédente. Le Master***, de la durée d'un an, a la particularité de permettre aux étudiants travailleurs de suivre aussi les cours, car il alterne des ateliers en siège (en été) avec des leçons on-line (en hiver); ce qui est très important pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. En plus, le nœud central du Master consiste de la possibilité, le long du parcours, de se confronter avec un véritable projet éditorial. En effet chaque étudiant suit un projet livre assigné par une maison d'édition, il a donc la possibilité de se mettre à l'épreuve avec une vraie consigne.
- quel a été, s'il y en a jamais eu, le moment le plus difficile que tu as eu pendant le Master?
Le moment le plus difficile a probablement été l'impact avec le projet livre: centrer les personnages est le déclic qui fait partir tout le processus illustratif, mais c'est aussi le moment le plus frustrant. Après une recherche épuisante, arriver à trouver ses personnages est une conquête importante et une satisfaction indescriptible.
- et l'impacte avec les professeurs-illustrateurs c'était comment?
Avoir la chance de se confronter avec quelqu'un qui exerce déjà le métier d'illustrateur ne peut être qu’outil. J'ai fait trésor de leur expérience et j'ai posé beaucoup de questions! Celui de l'illustrateur est un métier qui se déroule dans la solitude de son atelier, la confrontation et l'échange deviennent pourtant un moment de maturation. Lorsqu'on peut observer les différents points de vue, les phases d'évolution et la variété des techniques de ceux qui exercent ce métier excellemment est très stimulant. En plus c'est une sensation bizarre quand l'on arrive à donner un visage aux histoires que l'on a lu.
En détail sur l'illustration - pourrais-tu me raconter s'il y a un illustrateur, ou plusieurs, qui t'ont servi d'inspiration ou touché particulièrement?
Faire une sélection est vraiment difficile, j'en peux mentionner quelques-uns comme Quentin Blake, Arnal Ballester, David B, Marjane Satrapi, Elena Odriozola, Luci Gutierrez, Yoshitomo Nara, Riki Blanko mais il y en auraient encore.
- et ton peintre préféré?
Autre choix difficile: Henri de Toulouse-Lautrec, Ingres, Dal et les Surréalistes, Chagall.
- de quelle manière la peinture, et/ou les arts visuels, rentrent ton imaginaire si jamais elles y ont une partie?
Je crois que toute forme artistique est un point de départ et d'inspiration pour autre chose. La photographie, la bande dessinée, la sculpture, l'architecture, le graphique, tout nourrit son bagage visuel. Une photo pourrait devenir l'occasion pour une composition, le graphique pour des rapprochements de couleurs, une sculpture devient recherche d'une forme particulière. Personnellement, comme j'ai une bonne mémoire visuelle, je peux affirmer que souvent cette élaboration se passe d'une manière involontaire; son illustration origine aussi de ce dont nous l'avons nourrie, elle subit pourtant l'influence de tout ce que nous avons lu et vu. Un grand maître que j'ai eu, Mauizio Quarello, m'a particulièrement frappé lorsqu'il nous a dit: "Regardez autant d'expositions que vous pouvez, et vous auriez fait moitié du travail.".
- quelle technique d'illustration est-ce que tu préfères, s'il y en a une en particulier?
J'aime faire des expériences, il y en a donc plusieurs, mais je suis fascinée par les techniques d'impression, la lithographie, la linoléographie, la xylographie, la sérigraphie, la gravure, même les pochoirs obtenus des gommes.
- est-ce que tu suis un schéma précis lorsque tu commences à illustrer un texte? Par exemple tu commences avec un story-board et après tu arrives aux tableaux terminés? Où fais-tu plein de croquis pour arriver enfin à une forme plus accomplie? Enfin tu te laisses conduire par l'inspiration?
D'habitude je commence avec quelques croquis pour trouver le personnage, quand finalement je l'ai trouvé (une grande conquête) je continue avec le story-board pour finir avec les tableaux terminés. Je cherche toujours de faire un story-board le plus possible complet du point de vue de la composition, précédé par un million de croquis.
- quel est, à ton avis, le défi le plus intéressant qu'il faut affronter lorsque l'on illustre un texte?
Le défi le plus difficile, mais aussi le plus satisfaisant, est celui d'arriver à être en accord avec le texte, de s'y plonger dedans. Arriver à le rêver la nuit. Alors on sait que l'on est sur le bon chemin.
- même si tu m'as déjà partiellement répondu, j'aimerai approfondir un peu sur l'importance d'entrer l'esprit d'un texte afin de l'illustrer de manière convaincante…
Je crois que c'est fondamental pour obtenir un bon résultat. Ce que j'ai appris c'est que derrière le peu de tableaux composant un livre il y a un effort immense, comprenant l'étude de tout ce qui pourrait servir à s'approcher à l'âme du texte: par exemple en lisant des oeuvres de la même époque ou regardant les interprétations d'autres illustrateurs, jusqu'à arriver à l'étude d'intérieurs et de paysages, aux vêtements, aux photos de l'époque à laquelle on fait référence. Entrer l'esprit d'un texte demande beaucoup de patience et autant de recherche.
-as-tu jamais eu des difficultés à terminer un projet? Par exemple difficulté dans la recherche des cadrages, des couleurs ou problèmes à t'accorder avec le texte à illustrer?
Je crois que nous avons tous des difficultés en commençant un nouveau projet. Au moins, pour moi c'est habituel! Une illustration est souvent le résultat d'un raisonnement visant à accorder cadrages, couleurs et esprit, il comporte pourtant beaucoup d'application et quelques difficultés. Néanmoins, quand il y a un bon résultat la joie est quadruplée.
- comment franchir les difficultés?
Il n'y a pas de solutions pour tous, sinon ce serait trop facile! Par exemple, si nous ne sommes pas contents avec un personnage et nous nous sommes bloqués sur une image, nous pouvons essayer de la dessiner avec des techniques différents, comme en ébauchant instinctivement des taches d'encre de Chine, afin de trouver une forme moins rigide du même personnage.
- quelle est l'importance du non dit dans l'illustration?
Illustration et texte doivent de compléter parfaitement, pourtant aucun des deux ne doit taper l'autre dans la tête: chacun doit dire quelque chose complétant le discours de l'autre. Cet équilibre comprend également le non dit, ce qui pousse le lecteur à tourner la page, à être lui-même partie du mécanisme du livre, laissant à l'imagination la tâche de compléter ces manques.
- et l'espace blanc?
L'espace blanc a son importance aussi, il permet aux autres éléments de la composition de respirer, il les laisse ressortir. Ce n'est pas toujours facile de lui donner assez d'espace, pour moi au moins car, au départ, j'ai tendance à exagérer avec les détails. Une fois terminé le croquis, il faudrait se demander ce qui est vraiment important pour cette illustration, et enlever le reste.
Le projet avec Orecchio Acerbo
- ton premier livre va sortir en juillet, pourrais-tu me raconter comment est née cette idée?
Le texte de La Governante était mon projet-livre à développer pour le Master, la maison d'édition Orecchio Acerbo m'avait assigné ce texte. A la fin de la simulation, les éditeurs m'ont contactée en disant qu'ils étaient intéressés à la publication.
- publier son premier livre avec un éditeur tel que Orecchio Acerbo doit être galvanisant, si j'étais à ta place j'aurais marché à dix mètres de hauteur pour un mois au moins, quelle était ta réaction?
Ce n'était pas trop différente de ce que tu dis. C'était déjà un honneur de pouvoir avoir un projet-livre assigné par un éditeur aussi renommé et innovateur, imaginons publier un livre. C'est un rêve qui devient réalité.
- comment a été le rapport avec les éditeurs pendant la phase créative? Vous-vous êtes confrontés souvent? Est-ce qu'ils t'ont laissé carteblanche?
La relation avec l'éditeur a été faite d'échanges mais aussi de liberté, j'ai proposé des solutions qui me paraient conformes et ils m'ont adressée et conseillé sans pourtant m'imposer leur vision, même parce que nous étions en syntonie du départ. Les éditeurs m'ont suggéré de pénétrer l'esprit du texte en laissant surfacer le coté onirique et grotesque de l'interprétation. J'ai été vraiment frappée par le soin qu'ils ont eu pour ce texte, pour l'attention minutieuse qu'ils ont dédiée aux personnages à la parfaite entente entre histoire et texte, avec ses tons absurdes et comiques.
- le texte d'Osmont est plutôt difficile, certainement raffiné, c'était comment le premier impacte avec cet auteur mystérieux et méconnu?
Je ne veux pas tricher, je ne connaissais pas l'auteur avant d'affronter ce texte, mais je l'ai trouvé immédiatement intrigant, sombre et absurde. Il avait tout le charme d'un texte d'autrefois, avec ses extravagances et son coté surréel. Au départ ce n'était pas vraiment un texte pour enfants, pour trouver la juste atmosphère j'ai lu les romans et les poèmes d'Edgar Allan Poe. En plus ce texte m'a fait souvenir de Dorian Gray d'Oscar Wilde, mais vous découvrirez pourquoi seulement en lisant le livre!
- le choix du chromatisme de cet album est absolument net: le livre est en noir et blanc (exception faite pour un rouge dont je ne dévoile pas trop), comment êtes-vous arrivés à cette décision?
Avant tout le noir et blanc a un pouvoir incroyable, il me parait que les tons noirs de l'histoire, larecostruction et l'époque fonctionnaient parfaitement avec le choix de ce chromatisme. Dans ce cas la couleur n'était que quelque chose en plus, ce n'était pas essentiel. Et les éditeurs aussi ont été d'accord avec ce choix.
- j'ai pu admirer les tableaux du livre 'live', à Bologna, et j'en suis vivement admirée. Ce qui m'a frappé c'était la coupe nette et franche de tes illustrations, combien cela est en relation avec le texte dont elles font référence?
J'ai réalisé les tableaux en pensant toujours au texte à qui elles devaient faire référence (humour noir) et à l'éditeur pour qui je bossais, qui me laissait une grande liberté expressive. J'ai cherché le plus possible de faire des illustrations en syntonie avec l'esprit du conte, capables de représenter ses tons comiques, grotesques et essentiels. Je pense que les coupes nettes sont une évolution naturelle de cette représentation.
- il y a, dans tes images La Governante d'Osmont, une évidente évocation du coté onirique (comme tu le disais aussi).. dans quelques cas elles m'ont fait penser à des images des vieux films d'Hitckcock. Est-ce que je rêve?
Dans la préparation du story-board, et pendant la réalisation, j'ai cherché tout ce qui aurait pu m'aider afin de mieux pénétrer le texte dans toutes ses nuances oniriques et de l'absurde, je pense donc que le résultat n'est que le fruit de tous les films, les livres, les bandes dessinées que j'ai dévorées dans le processus. Les excellents noirs et blancs de David B, et ceux de Satrapi, le très beau court en noir et blanc Fears of the Dark, Edward Gorey, Mattotti, Toulouse Lautrec, Degas, Ingres, Sempé, les vieilles estampes d'époque victorienne, les catalogues de vêtements et de cadres d'époque, les photos du début du XXème siècle, Hitckock, les vieux films en noir et blanc, tout ça et autre encore ont nourri mon imagination lorsque je dessinais.
Video de "Fears of the Dark"
Le futur
- ton premier livre est vraiment haute qualité, est ce que tu as peur pour le futur?
Je serai faussement effrontée si je disais que non, je pense qu'il est humain d'avoir peur lorsque l'on commence un nouveau projet, car il y en a jamais un pareil à l'autre, il faut recommencer à chaque fois. Et de toute façon, mettre en public quelque chose d'aussi intime comme son imaginaire n'est pas facile, et de temps en temps il est permis d'en avoir peur.
- penses-tu continuer à illustrer des textes d'autres auteurs ou aurais-tu envie d'essayer avec des histoires entièrement à toi?
Je voudrais continuer avec les deux, je suis toujours curieuse à propos de la collaboration avec quelqu'un externe à ma vision, car le résultat est deux fois plus riche. Mais, en même temps, je voudrais aussi me dédier à un projet soliste.
- aimerais-tu continuer avec les albums illustrés, où voudrais-tu faire expérience avec d'autres formes expressives?
Je crois que, pour grandir comme artiste, il faut faire des expériences et je suis jeune et prête pour des nouvelles aventures! Même si je ne veux pas abandonner l'album illustré, car il garde toujours une saveur puissante et magique.
- quelques nouveaux projets en chantier?
Comme je suis un peu superstitieuse je ne peux pas trop dire mais oui, je viens de commencer un nouveau projet avec une amie écrivain Silvia Santirosi****, il s'agit d'une étrange collection d'animaux. Allez, c'est tout!
Je remercie Sara pour avoir été avec nous et pour sa disponibilité. Je vais vous parler bientôt de LaGovernante d'Osmont, mais pour le moment il faut patienter....
* Carpi est une petite ville, en province de Modène, en pleine région émilienne.
** I Quindici c'était une collection de quinze livres, évidemment, version italienne de l'encyclopédie américaine "Childcraft". A chaque livre correspondait un sujet différent: il y avait la poésie, la géographie, la science, et beaucoup autre encore. Pour plus de renseignements vous pouvez voir ici.
*** Vous pouvez trouver toute information relativement au Master d'Illustration ici. Parmi les professeurs vous trouverez: Pablo Auladell, Maurizio Quarello, Joanna Concejo, Alessandro Sanna, Luigi Raffaelli, Carll Cneut, Fabian Negrin, Javier Zabala, Pia Valentinis, Gek Tessaro, Eva Montanari, Dušan Kállay et Kamila Štanclová, et n'oublions pas Mauro Evangelista, le papa de la Fabbrica!
**** Silvia Santirosi, un autre rencontre faite à Bologna et une découverte autant agréable que Sara. Silvia est journaliste, écrivain et illustratrice, c'est une jeune femme de grande culture et habilité qui trouvera sans faute sa place - j'espère importante - dans le monde de la littérature jeunesse.
Bonjour à tous, je vous signale en vitesse un nouveau appel, que je viens de recevoir, chez les Éditions Être: Christian Bruel nous remercie tous pour la collaboration, le soutien et les achats.
Vue la situation, les choses ont évolué mais pas encore suffisamment afin de conjurer la fermeture de la maison d'édition, M. Bruel nous propose deux solutions de soutien, je les mets ici de suite en image
Solution A: prévoit l'envoi d'un chèque avant le 30 juin, de n'importe quel montant, en soutien de la maison d'édition. En échange, pour 30 personnes parmi les participants, en Septembre il y aura l'extraction au sort d'un livre dédicacé par les auteurs. Voici le coupon relatif:
Solution B: prévoit l'envoi d'un chèque avant le 30 juin, de 50 euros ou d'un montant multiple, en soutien de la maison d'édition. En échange, ils ont prévu plusieurs prix fantastiques que je vous mets ici en détail:
PREMIER PRIX: la collection complète des 58 livres publiés par la maison d'édition Sourire qui Mord (1975-1995), et tous les 66 livres publiés par Être (parmi lesquels des ouvrages presque introuvables), pour un totale de 128 livres.
DEUXIEME PRIX: la collection complète des livres publiés par Être Éditions, pour un totale de 66 ouvrages.
DU TROISIEME AU SEPTIEME PRIX: dis grands albums des Editions Être, c'est à dire:
La Belle et la Bête, Où est Maman ?, Robert Pinou, Tous ses petits canards, Ma maman à nous, Attendre un matelot, Jeux étranges, Mama Sambona, Un drame bien parisien, Ne désespère pas, Gilbert.
DU HUITIEME AU DOUZIEME PRIX: les sis albums de la collection « l’étrangeté », c'est à dire:
Margot veut lire, Cette histoire avec la vache, Le petit canard et moi (Noël), Le petit canard et moi (jeudi), Robocoutro, L’âge du capitaine.
Je sais, je sais, j'ai failli commettre un péché mortel et maintenant je me sens irréparablement orpheline: Vango m'a abandonnée, maintenant il est sur l'île de Salina avec Ethel, et moi? Combien de temps faudra-t-il que j’attends? Un an? Plus que ça?
Jamais, je répète, JAMAIS lire le premier tome d'un roman de Timothée de Fombelle sans que le deuxième n'aie déjà été publié: le risque est de rester agonisants, dans l'impatience de savoir ce qui se passera et vous n'aurez autre choix qu'attendre. Relire le premier volume ne vous soulagera pas, bien au contraire: cela augmentera ultérieurement cette soif de découverte qui vous dévore déjà abondamment.
Quoi faire alors? Bon je me défoule en écrivant un post sur ce beau roman, fruit de la plume magique du même auteur de Tobie Lolness *, et composé justement de deux volumes: Vango, entre ciel et Terre et Vango, un prince sans royaume. Probablement le deuxième tome sortira en Italie l'année prochaine.
Vango, Timothée de Fombelle, illustration de couverture de Blexbolex**, Gallimard Jeunesse, Hors Série Littérature, 18-03-2010
Pour lecteurs à partir des 12 ans
Le roman est situé dans les années trente, dans une Europe à cheval entre les deux guerres, déjà amplement soumise par les régimes totalitaires que, dans quelques années, finiront par bouleverser les vies de millions de personnes. Mais pour Vango Romano, les problèmes menaçant sa jeune vie n'ont rien à voir avec ces événements dramatiques: le mystère qu'entoure ses origines sera la première source des malheurs qui le poursuivent dès son enfance lorsque, naufragé, il aborda sur l'île de Salina avec Mademoiselle, sa nourrice.
De Vango Romano, appelé aussi L'Oiseau par ses persécuteurs, nous ne savons presque rien sauf qu'il a toujours sur soi un foulard en soie bleue avec l'écriture "Combien de Royaumes nous ignorent" et un V brodé en or, qu'il aime les hirondelles, qu'il est capable de grimper sans fatigue même dans les lieux les plus inaccessibles et que, faute la police qui l'ensuit pour avoir assassiné un homme et quelqu'un qui lui tire dessus, il aurait pris les vœux. Nous savons aussi que Mademoiselle l'a élevé et aimé comme un fils, et qu'elle l'a toujours protégé de son même passé.
Autour de Vango tournent des personnages historiques comme Hugo Eckener, le capitaine du Graf Zeppelin, et personnages inventés comme Zefiro, le moine en chef du couvent secret se l'île d'Arkudak (Alicudi) ou comme la Taupe, une jeune fille juive de bonne famille qui partage avec Vango l'indépendance et le goût pour les nuits en plein air sur les toits de Paris. Et puis il y a Ethel, Ecossaise, riche, jeune et profondément amoureuse de Vango. Pour terminer il y a ses ennemis, terribles, impitoyables, un pour tous: Staline! Oui, sans blague: le tyran soviétique en personne.
A ce point, même trop facilement, ma tête s'en est partie vers la famille impériale des Romanov: du reste Vango Romano, le moment historique correspond aussi... Et pourtant, vers la fin du roman, ma théorie s'écroule comme un château de sable mal bâti!
Quoi dire, si non que De Fombelle a une habileté indéniable dans la construction d'intrigues compliqués et chargés de suspens? Les petites chevilles, éparpilles avec maîtrise le long du roman, ne restent que vaguement amorcées jusqu’au moment où l'auteur a choisi; a ce moment là, et seulement à ce moment, elles explosent dans toute leur évidence. L'écriture pressante et évocatrice t'enveloppe dans une soif de découverte qui ne t'abandonne pas, jusqu'au bout. L'auteur est incroyablement habile dans la création d'un climat de tension, en utilisant plusieurs techniques, en tissant avec maîtrise les fils du raconte, en coupant l'action au climax pour aller ailleurs, déplaçant l'attention sur des événements mineurs ou utilisant la technique du flash-back.
Enfin: un roman à ne pas perdre, vous n'en serez pas déçus!
De ce nouveau livre De Fombelle a dit: «J'ai mis dans ce roman tout ce qui compte pour moi : le souffle de l'aventure, la fragilité, la cruauté la beauté des existences. Je voulais une saga qui emporte le lecteur, mais qui laisse chez lui des traces.»
Pour ceux qui encore ne le connaissent pas, ou assez, et pour vous donner une idée de la réception du travail de De Fombelle, je vous mets de suite quelques reconnaissances qu'il a obtenues dans les dernières années:
Prix du Souffleur 2002
Prix Saint-Exupéry 2006
Prix Tam-Tam 2006
Prix Sorcières 2006
Grand Prix de l'Imaginaire 2007
A vous le choix maintenant: acheter le volume hic et nunc ou attendre la sortie du deuxième tome?
* L'histoire de Tobie Lolness sera bientôt transposée en pellicule. En effet, ces derniers mois, De Fombelle est en train de bosser sur le scénario du film, en réalisation prochainement aux Etats Unis.
** Blexbolex est le fantastique auteur et illustrateur de Saisons, livre merveilleux sorti en novembre dernier par les Editions Albin Michel Jeunesse.
Ce matin, en regardant sur le net (et plus précisément sur le Blog La Citrouille) je découvre avec stupeur la lettre que je vais, à mon tour, publier ici dessous. Tout ce qu'il fallait dire a déjà été écrit par M. Bruel, j'aide seulement ma prière personnelle de ne pas laisser tomber cet appel, chers lecteurs.
"Le risque ou dormir
C’était l’anagramme de mon ancienne maison d’édition
Le Sourire qui mord
Invité à débattre sur le thème « Résister, à quel prix ? » lors de la journée professionnelle organisée le 7 mai 2010 par la Fête du Livre de Villeurbanne, j’ai d’emblée, à la demande de Gérard Picot qui venait de l’apprendre, annoncé publiquement l’arrêt prochain des éditions Être.
Éditer depuis plus de trente-cinq ans, sans capital, des albums jeunesse singuliers plutôt exigeants a toujours relevé de l’aventure. Et sans le soutien attentif de nombre des partenaires de la chaîne du livre, les lois du marché auraient eu raison plus tôt de cet équilibrisme.
En des temps qui ne sont faciles que pour quelques nantis, qu’un léger fléchissement de la vigilance professionnelle puisse nous être fatal a pourtant suscité l’émotion. J’ai été très touché, sur place et depuis, par les nombreux encouragements à tenir et par l’engagement de ceux qui ne pouvaient se résoudre à ce que la présence de nos livres dans le paysage éditorial aux côtés des lecteurs jeunes et moins jeunes, ne soit pas assurée. Que faire ?
Je ne peux que vous inciter, les uns et les autres, à vous précipiter dans vos librairies préférées pour vous procurer les albums d’Être éditions pendant qu’il en est encore temps. Si une vague d’achats ne garantit peut-être pas la poursuite de l’activité, elle assurera un destin à des livres qui considèrent les enfants comme des lecteurs à part entière méritant des points de vue non altérés sur le monde. Qu’ils puissent encore, ces albums, susciter de libres interprétations et la résistance à l’ordre des choses, je nous le souhaite. Et nous le devons aussi aux créateurs qui ont partagé le risque de ces aventures littéraires et humaines.
« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience » écrit René Char. Je vous remercie de la vôtre. Et je n’ai pas sommeil…
A tous ceux qui pensent que les livres pour enfants doivent gazouiller gisement, soulager, entretenir, représenter un monde d'idylle, voici une réponse concrète
Migrando, de Mariana Chiesa Mateos, Orecchio Acerbo Editeur, mars 2010.
un album où les nouvelles de chronique mettent des images évocatrices et touchantes, où chacun de nous pourrait retrouver un petit fragment d'histoire familiale froissée par le temps. Un beau livre, un livre juste, sans mots, qui arrive jusqu'au nœud du problème de l'émigration sans offrir des solutions, ni donner des jugements, un livre où l'auteur se met à la place de ceux qui furent et qui sont encore en migration.
Je vous avais déjà parlé de cet album dans un autre post, à l'occasion de la Foire de Bologne, pourtant, vu sa portée, j'avais pensé plus sage de vous renvoyer à un moment plus tranquille, pour me donner l'occasion de vous en parler de manière plus approfondie.
J'ai réfléchi longuement à propos de la marque que je voulais donner à cet article, j'ai feuilleté le livre plusieurs fois. Comme d'habitude je l'ai abandonné pour quelques temps, afin de laisser que les émotions et les sensations que j'en avais éprouvé ne forment un sédiment, en attendant le bon moment pour passer à l'écriture. Et le bon moment est arrivé ce soir, tandis que j'étais sur mon balcon. Vous-vous demandez la raison pour laquelle je vous raconte de ce particulier si insignifiant? Car, lorsque j'étais sur mon balcon, je me suis souvenue d'un épisode singulier: il y a quelques temps j'étais en librairie, je feuilletais quelques livres quand je vois entrer un père avec sa petite fille, d'environ deux ans, jusqu'à là rien d'étrange, puis, soudain, en voyant un merveilleux objet exposé à la hauteur optimale, l'enfant se bloque, fatalement attirée elle arrache son père par les pantalons et crie: "papa, regadde le pappamondo*!".
Une fois évanouie l'inévitable sourire qu'encore aujourd'hui me provoque cet épisode, lorsque j'étais sur mon bacon, balai à la main, j'ai été frappée par la synthèse parfaite de cette phrase aux plusieurs, inconscientes, significations. C'est quoi, enfin, l'un des instincts qui guident chaque être vivant du premier instant de vie? La nourriture très probablement. Et alors voilà que le monde, à travers les exigences simples et pragmatiques d'un enfant aussi petit, devient un pappamondo*.
L'absence de nourriture, de bien-être en étendant l'idée de manière plus ample, est l'une des raisons d'actions différentes parmi lesquelles l'émigration aussi. Et voilà que l'on comprend ce regard, plein d'espoir et d'attentes qu’hier, comme aujourd'hui, mène autant de personnes à abandonner leur pays pour aller là où ils espèrent trouver une vie meilleure.
Ce regard au sourire triste, car abandonner sa maison n'est pas facile même si parfois il est inévitable, ce regard que semble nous dire que le passé est toujours actuel, que les nécessitées d'hier sont les mêmes d'aujourd'hui, que l'homme, enfin, ne change pas.
Loin de moi la volonté de banaliser un phénomène sociologiquement aussi complexe, comme l'émigration, n'en reconduisant les raisons à la seule nécessité de se nourrir: traiter un sujet pareil demanderait bien plus de temps et d'espace, avec des compétences que, franchement, je ne possède pas. Je suis en tout cas convaincue qu'essayer de comprendre les raisons de ceux qui arrivent dans nos pays n'est que le premier, timide, pas vers une intégration vraie et consciente. Je crois aussi que ce livre pourrait être un instrument parfait pour aider nos enfants à comprendre ce qui se passe autour d'eux.
Comme je vous le disais auparavant, cet album illustré est sans mots, ce que je ne vous ai pas dit c'est que Mariana Chiesa Mateos commença ce projet il y a presque deux ans: elle montra, à ceux qui devinrent ses éditeurs, un film qu'elle venait de tourner dans les mois précédents. De ce long film vint l'idée du livre que nous voyons aujourd'hui.
Comme beaucoup d'albums sans texte, Migrando aussi se remets à l'utilisation de l'image en séquence: en employant la technique du montage cinématographique. En petits fragments, Mariana Chiesa Mateos arrive à illustrer, avec maîtrise et sensibilité, l'histoire d'une jeune fille partant en voyage avec ses parents: nous n'avons aucune idée d'où elle ira et néanmoins si elle revenait, peut-être qu'elle est partie pour une vacance, nous savons seulement qu'elle est triste, qu'elle voudrait s'envoler sur les ailes d'un cygne et revenir d'où elle était venue
elle voudrait rentrer pour voir quelqu'un qu'elle a laissé, peut-être une grande-mère, et l'écouter encore raconter de comment autrefois les gens, à cause de la guerre, avaient abandonné leur pays pour aller recommencer une vie autre part. Avec elles nous voyons les combats dans les bois et les soldats qui meurent, tandis que les oiseaux effrayés par les détonations s'enfuient, nous voyons les grands navires arriver et repartir pleins de leur fret humain, nous les voyons traverser l'océan et déposer les personnes de l'autre côté. Nous les observons, ces émigrés chargés d'espoirs et de peu de choses, ils sont prêts à se lancer vers le futur, à bâtir une maison, à commencer une nouvelle existence, tous ensemble. Nous voyons leurs yeux intenses, les foulards sur les cheveux, les enfants enveloppés dans les couvertures comme des petites chrysalides. Nous les voyons marcher avec confiance vers leur futur et nous espérons avec eux.
Puis, dans une rencontre qui parait un enlacement, la première partie du livre termine pour laisser sa place au présent: nous tournons le livre pour rencontrer à nouveau la jeune fille grandie, nous la voyons embrasser fort ses chers et partir. Encore une fois nous ne savons pas où elle ira, ni pour combien de temps, nous savons simplement qu'elle est triste car elle abandonne ceux qu'elle aime. Nous savons qu'elle ira loin cette fois, car nous la voyons monter sur un avion. Dans cette dimension indéterminée qu'est l'espace observé par un hublot, où tout est en même temps immensément petit et immensément grand, la jeune femme voyage solitaire, perdue dans ses pensées. Et pourtant le monde, en bas, offre un nouveau spectacle à observer: des navires apparaissent à nouveau, non, c'est des bateaux, petits, noirs, bondés de gens;
un peu plus loin des touristes, insouciants, sont détendus sur la plage. Quelqu'un finalement voit les bateaux et cour au secours de ceux qui se lancent dans la mer. Mais cette fois il y aura la police à accueillir les naufragés une fois qu'ils arrivent sur la plage, une maman couvre les yeux de son enfant pour qu'il ne voie pas, d'autres restent impassibles sur leurs matelas ensoleillés. Les nouveaux immigrés sont accueillis par des camps cloutrés par du fil barbelé, des lieux d'où ils désirent s'échapper pour poursuivre la liberté dont ils rêvaient. Nous ne connaissons pas leurs destins, enfin, il s'agit d'une histoire qui s'écoule sous nos yeux, jour après jour.
Quant à moi, j'espère simplement qu'ils peuvent trouver un accueil meilleur que celui qu'on voit chaque jour à la télé.
S'il est vrai que nous sommes un peuple d'émigrants, il est aussi vrai que dans les derniers cinquante ans nous nous sommes retranchés derrière nos petites richesses. Il est difficile de renoncer au bien-être, et pourtant, si seulement nous nous arrêtions un instant pour réfléchir, nous saurons sans faute qu'il n'y a aucune garantie de ce que le futur nous réserve, et si ce qui nous attend c'est d'être des émigrants à nouveau, alors peut-être nous pourrons bien nous demander: quel type d'accueil souhaiterons-nous recevoir?
* La traduction du terme italien Pappamondo n'est pas possible, la signification de pappa est bouillie, l'enfant avait donc mélange le mot mappemonde avec le mot pappa = nourriture, d'où le jeu de mots.
Je vous écris quelques mots relativement à des événements importants: le Salon de Montreuil, et par conséquence toutes les activités corrélatives, et l'Association Livres au Trésor sont en grave danger.
Le plus important bailleur de fonds du Salon, c'est-à-dire le Département 93 Seine-Saint-Denis, a décidé de couper brutalement les fonds destines à cette importante réalité liée à la littérature juvénile. Semblablement, de manière assez brutale, le même processus s'est passé pour les Livres au Trésor.
Triste de le devoir admettre mais, si cela se passait en Italie, nous n'en serons pas trop surpris. Ce que je trouve très préoccupant c'est que ce triste signal nous arrive de France, le pays où il y a toujours eu une importante politique culturelle, en défense des petits éditeurs et de la variété expressive et culturelle.
Ces événements, je crains, pourront avoir des répercussions dans d'autres pays aussi, être pris comme exemple "politique" (même en ayant rien d'exemplaire), comme le signal d'une volonté d'uniformiser l'expression culturelle en la confiant entièrement dans les mains des grandes (numériquement) maisons d'édition.
Je vous prie de vouloir signer la pétition, même si cela n'a rien à voir avec votre pays car, comme je dis d'habitude: