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lundi 18 avril 2011

Favole di Esopo - Topipittori

Fables d’Esope, illustrations par Simone Rea, traduction de Bianca Mariano*, Topipittori Editore, Mars 2011


Depuis un an j'attendais la publication de ce livre, j'étais tombée amoureuse des illustrations par Simone Rea au premier regard et depuis ce moment, à des intervalles réguliers, je demandais à Giovanna et Paolo des nouvelles relativement aux progrès de l'œuvre. J'ai du être une véritable ennui!

Le livre est sorti en occasion de la Foire de Bologna et, comme la vie est assez étrange, quelque semaine auparavant j'avais rencontré Simone à Rome, le long d'un laboratoire chez l'éditeur Orecchio Acerbo.

Mais partons avec ordre, car aujourd'hui l'on parle de ces que sont considérées comme les précurseurs des fables modernes, et ceci demande tout de même une brève introduction.

Dans le course des siècles, les Fables d'Esope ont eu plusieurs traductions - du grec au latin, aux versions du moyen âge en vulgaire (Isopet ou Ysopet) - et remaniements; dans quelques cas on peut parler de véritables opérations de réécriture, comme dans le cas de Jean de La Fontaine qui les réadapta selon les exigences de son époque. Du point de vue iconographique aussi, les Fables ont été source d'innombrables interprétations: du fameux Esopo Mediceo de New York Public Library à celui d'Augusta, de fin 1400, jusqu'à la très fameuse version pour enfants titrée Baby's Own Aesop, par Walter Crane datée 1887, et à celles de Milo Winter et Arthur Rackham du début 1900. Pour terminer en beauté ce bref excursus, je vous signale la version des Fables par Antonio Frasconi dont, récemment , la maison Topipittori a parlé dans son blog dans ce beau post (en italien). Les discussions sur la paternité des Fables ont été plusieurs dans le temps et l'espace, il parait qu'au premier noyau de départ il y eut des adjonctions dans des époques suivantes qui en imitaient le style, et dans quelques cas la métrique aussi, au point de rendre parfois difficile la reconnaissance des fables originaires. À ce propos je vous invite à jeter un coup d'œil au Pedigree des Fables que vois trouvez ici, et à lire cet article où l'on en explique la classification de manière assez claire **.

On pourrait parler des Fables d'Esope pour des jours, mais passons à nos jours car, à ce qu'il parait, l'attention vers ce classique ne parait pas s'apaiser: en témoignage de ce que je dis, je cite la version sortie par Milan Presse par Jean-François Martin, qui a gagné le Bologna Ragazzi Award pour la section Fiction, et la belle version objet de ce post dont je vais vous parler tout de suite.

Avant de commencer je fais une brève note à propos de la sélection des Fables faite par les éditeurs: nous parlons de 20 textes, à chacun est dédiée une double page illustrée; parmi les Fables choisies nous trouvons certains textes assez fameux, comme La Souris de Villes et la Souris de Champs, Le Chat et les Rats, Le Renard et les Raisins, avec d'autres textes plus curieux tels que L'Ane et le Mulet Portant la Même Charge et Le Crabe et sa Mère. Un choix raffiné et clairement pensé longuement.

Et maintenant l'interprétation de Simone Rea!

Le Lion et le Dauphin

La première chose sur laquelle l'œil tombe, en regardant ces illustrations, c'est l'utilisation de la couleur: même s'il laisse peu de place pour le blanc, les tableaux de Simone Rea résultent sobres et élégantes. Ses couleurs, particuliers et savamment mesurés, remplissent le regard en transmettant une sensation de suspension du temps: les azurs séraphiques , par moments nets, d'autres plus métriques, les rouges copieux ou transparents, les nuances plus neutres, auxquelles l'illustrateur donne le rôle d'apaiser le tumulte des autres couleurs. Si vous observez, le blanc apparait dans les détails: dans la dentelle légère de la robe du dauphin ci-dessus, dans la siège de la table de suite, dans les cols des vêtements, dans le tee-shirt et dans le visage de la grenouille dans la dernière illustration. Un autre aspect qui rencontre particulièrement mon gout c'est la sensibilité que Simone démontre pour la matière, pout le trait écorché, décapé, que souvent donne aux images de ton moderne un halo de vécu, comme si l'on observait une pellicule consommée par les plusieurs projections, presque à souligner la répétition infinie de l'histoire, rappel indirecte de l'ancien vécu des Fables.

Les Enfants du Cinge

Un autre aspect important qu'il faut considérer dans les images de Simone c'est leur composition. En effet, afin de maintenir un sens d'espace et de légèreté, et pour des exigences d'intégration du texte naturellement, là où les éléments narratifs sont composés, le centre de la narration par images est entièrement joué autour de structures en les unifiant, donnant à la base de la table le rôle d'apaiser le regard et de créer l'espace optimal pour le texte. Les cadrages, à chaque fois différentes, donnent rythme et vivacité à la lecture. Je voudrais souligner la grande capacité de synthèse narrative de Rea: même si c'est vrai que les Fables n'ont pas un texte copieux au contraire, dans la plus part des fois il s'agit de phrases très serrées, il est aussi vrai que ces histoires sont partie de la tradition populaire de plusieurs pays et, par conséquence, elles ont été enrichies par un bagage culturel et iconique particulièrement important. L'habilité de notre illustrateur est, à mon avis, celle d'avoir su insérer avec discrétion et intelligence des éléments archaïques en clef actuelle.

Le Moustique et le Toreau

Je m'explique: les Fables eurent un rôle purement morale au départ, là où elles allèrent à former une partie du patrimoine culturel et populaire, et seulement ensuite un rôle pédagogique, du moment où elles furent désignées comme élément essentiel du bagage éducatif des enfants; dans les deux cas il reste tout de même très clair l'identification du comportement animale avec celui humain, pris comme exemple pour communiquer une leçon de bon sens. En observant les tableaux de Rea, il est bien évident comment sa manière de jouer avec certains éléments, tels que les vêtements qui habillent les animaux ainsi comme ils habilleraient les humains (ce n'est pas un nouveau expédient mais tout de même bien exploité), ou l'introduction de rappels à la modernité (je pense par exemple au magasin de mots croisés dans l'image de Les Enfants du Singe, ci-dessus, mais aussi à la camera numérique dans Le Soleil et let Grenouilles), contribuent de manière décisive au processus d'identification de la part du lecteur, facilitant ainsi l'absorption du message contenu dans le texte. Il est intéressant observer comment une procédure pareille , celle d'habiller les animaux dans ce cas, appliqué à deux artistes contemporains et presque du même âge, peux générer des effets aussi distants: si nous prenons les Fables illustrées par Martin pour Milan Presse, et nous les comparons à la version de Rea, nous nous rendons compte de l'essentielle égalité d'intentions qui diffère dans la modalité à travers laquelle ces dernières sont filtrés soit par le choix chromatique, minimale pour Martin, plus riche dans le cas de Rea, et par la reconstitution décidément plus rétro pour le français et contemporaine pour l'italien. Il s'agit de deux livres excellents. Si j'étais obligée de faire une critique, ma réaction instinctive est celle de penser que les splendides tables de Martin pourraient être un peu moins immédiat pour un plus jeune lecteur, que le raffinement de son art, et le rappel aux premières années de 1900, pourraient amincir cette empathie que je retrouve pleinement dans les tables de Rea. Il est opportun tout de même se souvenir du fait que les enfants ne sont pas une seule entité, et que chacun perçoit et filtre les images selon sa sensibilité, ces dernières considérations ne changent pourtant rien à rien: ce qui reste est l'excellence du travail à laquelle ces deux illustrateurs ont abouti.

Une dernière note sur les pages de garde du livre: parfaite antichambre de ce que l'on trouvera à l'intérieur du livre, habitée par des animaux-enfants tracés au pastel, délicatement posés sur la page, prêts à nous conduire dans ce voyage archétype et à nous reconduire là où ils nous avaient trouvés, un peu changés peut-être.

Si vous êtes curieux d'en savoir plus sur Simone Rea, vous pouvez lire ce que les éditeurs disent (en italien) de lui dans ce très sympa billet, et regarder son blog aussi.





*   avec l'exception de Il Corvo e la Volpe, traduit par Topipittori.
**une curiosité: je vous signale cet extrait de Confessioni e battaglie par Carducci où, au point III, il parle de "l'Esopo senese curato dal Targioni e dal Gargani" [l'Esope siennois soignée par Targioni et Gargani] publié ensuite par Le Monnier en 1864.




Copyright© texte et images, Ed. Topipittori 2011. Les images ont été reproduites avec la permission de l’éditeur, toute reproduction étant sévèrement interdite.

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